Chaplin avant Charlot

Chaplin avant Charlot

Chaplin en Amérique (Laurent Seksik – David François – Editions Rue de Sèvres)

Octobre 1912. Deux jeunes acteurs quittent leur Angleterre natale pour embarquer sur un bateau à destination de New York. L’un s’appelle Charlie, l’autre Stan. Lorsqu’on les voit installés sur leurs couchettes de fortune dans le dortoir de la 3ème classe du bateau, on a du mal à imaginer que ces saltimbanques sans le sou vont devenir deux des figures les plus mythiques du cinéma mondial. Le premier, Charles Spencer Chaplin, accédera à l’immortalité en créant le personnage de Charlot, tandis que le second, Stanley Laurel, deviendra lui aussi une immense star hollywoodienne grâce au duo comique Laurel & Hardy. En attendant, l’un et l’autre sont encore très loin de la gloire au moment où ils débarquent à Broadway. Ils sont venus aux Etats-Unis pour jouer une pièce de théâtre, mais celle-ci se fait descendre en flammes par la critique américaine. Le moral dans les chaussettes, Stan ne voit qu’une solution: retourner à Londres. Charlie, par contre, n’envisage pas une seule seconde de reprendre le bateau pour l’Angleterre. Il n’a pas envie de terminer comme son père, un artiste de music-hall qui a sombré dans l’alcool, ni comme sa mère, qui a basculé dans la folie. Chaplin est déterminé, car il croit dur comme fer en sa bonne étoile. Il voit déjà son nom en grand sur tous les théâtres et tous les cinémas du pays. D’ailleurs, lorsqu’il va consulter une diseuse de bonne aventure, celle-ci lui prédit une carrière extraordinaire. Sa chance commence à tourner lorsqu’un producteur du nom de Mack Sennett lui demande de le rejoindre à Hollywood après l’avoir repéré dans cette pièce « catastrophique » où seul lui était drôle. Charlie s’empresse alors de rejoindre la Californie, mais une fois là-bas, Sennett l’ignore superbement. Il revient tous les jours au studio, mais personne ne lui donne sa chance. « Tu n’as qu’à devenir serveur », lui conseille sa petite amie. Mais pas question pour Chaplin de renoncer à ses rêves…

Chaplin avant Charlot

Comment un petit gars des quartiers pauvres de Londres a-t-il fait pour devenir le plus grand acteur et le plus grand cinéaste de son temps? C’est ce que racontent Laurent Seksik et David François dans « Chaplin en Amérique », une nouvelle série dont le premier tome vient de sortir. Au total, il y aura trois épisodes, l’objectif des deux auteurs étant de raconter le destin hors normes de Charlot jusqu’à sa mort, à la fin des années 1970. Un destin loin d’être sans failles puisque, comme le montrent bien Seksik et François, Chaplin n’était pas toujours une figure des plus sympathiques, tant il était obsédé par le succès et la gloire. Forcément, il s’agit d’une BD qui s’appuie sur beaucoup de faits réels, mais ce n’est pas une biographie classique ou un récit historique traditionnel. Et c’est ça qui est intéressant! « Chaplin en Amérique » contient, en effet, cette part de fantaisie et de rêve qui est propre à l’univers de Chaplin. Il y a quelques scènes véritablement magiques dans cet album, à l’image de ce bateau qui survole Broadway ou bien de ce fameux jour où l’acteur débarque sur le plateau habillé avec un chapeau melon, un pantalon trop grand, une petite moustache et une canne en bois. « Tourne abruti, tourne! », crie le réalisateur à son caméraman. La légende est née! Cette scène est à l’image de l’ensemble de la BD, avec un dessin aérien et presque irréel, plein de mouvement, comme sur la couverture de l’album. Grâce au travail de David François, l’énergie de Charlie Chaplin se dégage de chaque page. « David a un dessin qui virevolte, plein de joie, derrière lequel il y a un soupçon de mélancolie », souligne Laurent Seksik. « Et Chaplin, c’est ça. C’est quelqu’un qui fait virevolter sa canne, qui saute, quelqu’un en mouvement, mais qui a la tête sur les épaules, et qui est toujours dans le vide. Qui marche sur un fil. » On l’aura compris: « Chaplin en Amérique » est une BD qui plaira à tous les amateurs de cinéma et de destins extraordinaires.


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