Prière pour ceux qui ne sont rien - Jerry Wilson

Prière pour ceux qui ne sont rien - Jerry Wilson « La plupart de mes personnages survivent un jour après l’autre, se soûlent la gueule, rigolent beaucoup et meurent autour de la cinquantaine. Des douzaines de personnes que j’ai rencontrées pendant les années où j’étais employé par le département des parcs municipaux, seulement une poignée est encore en vie. Et pas pour longtemps. »
Jerry Wilson a travaillé dans les parcs et réserves naturelles de Boise, Idaho. Ses journées consistaient à ramasser les détritus, à dissoudre le vomi et les excréments et à nettoyer les taches les plus abominables que l’on puisse imaginer. Éboueur au grand cœur, il a découvert une faune interlope avec laquelle il a beaucoup discuté, écoutant les jérémiades de fanfarons avinés, recueillant les confidences touchantes d’éclopés de la vie ou supportant les plaintes véhémentes de vieux clodos ayant perdu la boule.
Ses nouvelles, directement inspirées de son expérience, mettent en scène son double Swiveller, employé municipal arpentant les espaces naturels un sac poubelle à la main et allant à la rencontre des clochards. Sans jugement, les textes présentent des SDF cabossés à la langue bien pendue qui  n’hésitent pas à plaisanter et ne s’appesantissent pas sur leur sort. Bien sûr l’environnement décrit fait froid dans le dos, entre beuveries, hygiène déplorable et santé mentale fragile, mais on ne tombe jamais dans le sordide. Par ailleurs la violence, omniprésente, ne s’exprime jamais directement, même si on en découvre les stigmates lorsque Swiveller  croise des gueules abîmées après une nuit de bagarre lors de sa tournée matinale.
Un recueil cru et sans concession, d’un réalisme quasi documentaire. Au-delà des situations tragiques, les histoires débordent d’humanité et laissent transparaître une sincère bienveillance à l’égard de cette population à la marge dont personne ne semble se soucier. L’écriture est simple, sèche, très orale. Les dialogues font mouche et on prend plaisir à retrouver certains personnages d’une nouvelle à l’autre. Pour ceux qui connaissent, la prose de Jerry Wilson m’a rappelé celle du regretté Dan Fante, le fils de John (et si vous ne connaissez pas je ne peux que vous recommander chaudement la lecture de l’excellent « Les anges n’ont rien dans les poches »). A la fois drôle, tendre et désespérée, cette prière pour ceux qui ne sont rien signe la prometteuse entrée en littérature d’un prolo des lettres américaines dont l’univers ne pouvait que me plaire.
Prière pour ceux qui ne sont rien de Jerry Wilson. Le serpent à plumes, 2018. 170 pages. 18,00 euros.
Prière pour ceux qui ne sont rien - Jerry Wilson


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois