Dans la tête de Lino Ventura

Dans la tête de Lino Ventura

Lino Ventura et l’oeil de verre (Arnaud Le Gouëfflec – Stéphane Oiry – Editions Glénat)

Qui est l’homme qui se cache derrière l’acteur Lino Ventura? Et comment cet ancien catcheur est-il devenu l’une des figures les plus populaires du cinéma français? Pour le savoir, le journaliste Merlin décide de forcer le hasard. Plutôt que de compter sur une interview traditionnelle, il multiplie les rencontres fortuites avec Lino Ventura pour l’amener à se confier sur son parcours. A la sortie de son hôtel, dans le hall d’un aéroport, au comptoir d’un bistrot, dans le train… Merlin lui colle véritablement aux basques. Dans un premier temps, Lino Ventura se montre peu causant, comme à son habitude. Mais petit à petit, une complicité s’installe entre le colosse des « Tontons flingueurs » et le journaliste maladroit. « Pourquoi est-ce que vous m’émouvez, Merlin? », lui demande l’acteur. « On a toujours pitié des types avec des lunettes », lui répond l’autre. Lentement mais sûrement, Lino Ventura laisse tomber une partie de sa carapace. Tout en restant fidèle à sa légendaire pudeur, il dévoile au journaliste quelques-uns des moments qui ont fait de lui cet homme profondément humain: son enfance à Parme, son arrivée en France, ses combats de catch, ses débuts dans le cinéma à 34 ans, sa rencontre avec Jean Gabin, ses amitiés indéfectibles, son engagement en faveur des enfants handicapés. Par petites touches, la personnalité de Lino Ventura se dessine. On découvre un homme qui était un acteur né, mais qui s’est retrouvé dans le cinéma totalement par hasard. On découvre aussi un acteur qui était intraitable sur les scénarios qu’on lui soumettait et qui a refusé un nombre impressionnant de grands rôles, y compris celui de Noiret dans « Le vieux fusil » ou celui de Depardieu dans « La chèvre ». Pas question non plus de lui faire jouer des scènes de baiser ou de lit. Lino Ventura était un minimaliste, un maître du non-jeu. A travers cet entretien fictif, on découvre surtout qu’il n’a jamais voulu se faire passer pour ce qu’il n’était pas et qu’il a toujours fait ce qu’il voulait et rien d’autre.

Dans la tête de Lino Ventura

« Lino Ventura et l’oeil de verre » est l’un des deux premiers albums de la nouvelle collection 9 ½ lancée par les éditions Glénat. L’objectif de celle-ci est de raconter le destin des hommes et des femmes qui ont marqué l’histoire du cinéma, que ce soit devant ou derrière la caméra. L’autre album publié simultanément est d’ailleurs consacré au réalisateur italien Sergio Leone, le père du western spaghetti. Mais l’approche adoptée par Arnaud Le Gouëfflec et Stéphane Oiry dans « Lino Ventura et l’oeil de verre » est radicalement différente de celle de cet autre album de la collection 9 ½. Là où les auteurs de « Sergio Leone » ont opté pour une biographie plutôt sage et classique, Le Gouëfflec et Oiry nous racontent Lino Ventura d’une manière beaucoup plus originale et décalée, en s’intéressant avant tout à la personnalité de l’acteur. Leur album n’est sans doute pas le meilleur ouvrage à consulter pour ceux qui veulent connaître dans le moindre détail la vie de Lino Ventura mais par contre, il offre une immersion fascinante dans la tête de cet homme pas comme les autres, dont le jeu reposait avant tout sur les regards et les silences et qui était d’une intégrité et d’une droiture véritablement hors du commun. L’approche des auteurs de « Lino Ventura et l’oeil de verre » s’apparente à celle d’un peintre impressionniste ou même pointilliste puisque c’est grâce à des petites touches qu’ils parviennent à forger un portrait global convaincant. En insérant dans leur récit le personnage fictif d’un journaliste plutôt collant et en troquant la narration linéaire pour une multiplication de flash-backs (y compris sous une autre forme graphique lorsqu’il s’agit de l’enfance de l’acteur), Le Gouëfflec et Oiry parviennent à conserver l’attention de leurs lecteurs tout au long des 130 pages de l’album, ce qui n’est jamais une mince affaire dans une biographie dessinée. Bien sûr, cet ouvrage plaira avant tout (voire même exclusivement) aux amateurs de Lino Ventura, mais on peut dire qu’il s’agit d’une entrée en scène très réussie pour la collection 9 ½, dont les prochains épisodes seront consacrés à Alfred Hitchcock, Patrick Dewaere, François Truffaut et Jayne Mansfield. Moteur! Ça tourne!


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