Devolution – tome 1

Chronique « DEVOLUTION, Tome 1 »

Scénario de RICK REMENDER
Dessin de JONATHAN WAYSHAK

Public conseillé : Ado/Adultes

Style : Anticipation
Paru le 26 septembre 2018 aux éditions Glénat/em>
176 pages couleurs,
17,50 euros

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Ca commence comme ça…


L’humanité est au bord de l’implosion ! En effet, tandis que certains se complaisent dans le vice et l’oisiveté d’autres ne cessent de s’affronter dans des guerres incessantes. Après un énième conflit un constat s’impose chez certains grands esprits. La religion serait la cause de tous ces maux. C’est pourquoi le DVO-8, une molécule capable d’annihiler tout souvenir de religion dans le cerveau humain, est mis au point dans le plus grand secret par des chercheurs. Malheureusement, ce sérum une fois répandu dans la nature va faire régresser l’homme jusqu’à un état proche du Neandertal.

Ce que j’en pense


Les recherches de Charles Darwin sur l’évolution ont démontré que toute espèce vivante se doit de s’adapter à son environnement sous peine d’extinction. Hors, en une centaine d’années d’industrialisation, l’homme a réussi à bouleverser ce processus naturel. À force de déforestation, de chasse excessive ou de pollution de masse, il a accompli le triste exploit de faire disparaître certaines espèces, pourtant bien adaptées, de la surface du globe.
Partant de ce déplorable constat et du fait que l’être humain est le seul animal à ne jamais apprendre de ses erreurs, le scénariste Rick Remender nous livre une œuvre post-apocalyptique finalement assez crédible. En effet, si la forme que prend ici la déchéance humaine est résolument fantastique, il n’est pas exclu que nous soyons un jour ou l’autre à l’origine de notre propre perte. De plus, il ajoute une portée ironique à son histoire en sous-entendant que les religions sont la cause indirecte de la “régression” de l’homme. Un comble pour des idéologies censées nous sauver de l’apocalypse.

Voici donc pour le fond. En ce qui concerne la forme, le scénariste opte pour une attaque beaucoup moins subtile de son scénario. D’emblée Rick Remender donne le ton avec un narrateur au langage “fleuri” nous exposant la situation d’un air désabusé, pendant que se déroule sous nos yeux des scènes d’une violence extrême. Puis, il enchaîne ensuite avec un peu d’érotisme, avant de repartir sur des combats… Vous l’aurez donc compris, l’auteur n’hésite pas à nous bousculer afin de faire passer son message de façon plus efficace. Un procédé qui m’a un peu refroidi par moment, notamment avec le personnage de Gil vraiment trop poussé à l’extrême (droite) pour moi.
Remender fait dans la surenchère de haine et de machisme à chacune de ses apparitions si bien que cela en devient presque risible. J’ai eu l’impression d’avoir une espèce de parodie grotesque de Negan dans “Walking Dead”. Les signes nazis que Gil arbore fièrement (la croix gammée tatouée sur son crâne par exemple) et les répliques de ce personnage dès sa première apparition auraient déjà amplement suffi à montrer que le peu d’humains à ne pas avoir régressé étaient surtout loin d’avoir évolué !

Ce petit détail mis à part, “Devolution” mêle brillamment action soutenue et intrigue prenante nous tenant donc ainsi en haleine jusqu’à la dernière page. L’album se conclut d’ailleurs sur quelques twists scénaristiques qui nous promettent déjà une suite passionnante.

Mais comment parler de “Devolution” sans parler de son héroïne, Raja ? Un personnage atypique, non pas parce qu’il s’agit d’une femme forte (ce qui n’est plus si marginal en littérature comme au cinéma) mais plutôt dans ses motivations. Plusieurs fois dans le récit, elle avoue ne pas vraiment savoir pourquoi elle cherche à rendre à l’humanité toutes ses facultés. Est-ce parce qu’elle se sent coupable vis-à-vis de son père qui a créé et répandu le DVO-8 ou par simple altruisme ? Nous ne le saurons probablement jamais… Toujours est-il que cela rend ce personnage terriblement humain et donc beaucoup plus complexe que la brutalité de scénario pourrait nous le faire croire.

Je finirais cette chronique en parlant des magnifiques dessins signés Jonathan Wayshak. L’artiste parvient à sublimer les propos de son complice par des décors à couper le souffle. Il part du principe que l’homme étant revenue à l’âge de Neandertal, la terre peut reprendre légitimement ses droits. C’est pourquoi les personnages évoluent dans des décors mélangeant ce qu’il reste d’urbanisme et jungle sauvage.
Que dire du bestiaire ? Entre une veuve noire (si je ne m’abuse car je ne suis pas arachnologue) géante et un mégalodon (c’est déjà plus ma spécialité) titanesque et j’en passe… le futur qu’on nous vend ici ne prête guère à la rêverie bucolique. Certaines double-pages m’ont vraiment impressionné par les détails (notamment un vue de San Franscico de toute beauté).

Pour conclure, je ne saurais que trop conseiller aux lecteurs de passer outre l’aspect “bourrin” de “Devoluton” au risque de passer à côté d’un grand moment de lecture. Comme quoi le 9ème art est loin d’être un art mineur.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois