L’Homme Gribouillé

Chronique “L’HOMME GRIBOUILLÉ »

Scénario de SERGE LEHMAN
Dessin et couleurs de FREDERIK PEETERS

Genre : Aventure fantastique / roman graphique
Public conseillé : Ado / adultes
Paru le 17 janvier 2018 aux éditions Delcourt,
30 euros

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Ça commence comme ça…

2015, Paris est sous une pluie ininterrompue. Betty, une jeune femme, se fait draguer par un lourdeau dans un bar. Sans daigner répondre, elle le laisse en plan et va rejoindre sa mère, la célèbre auteur de roman pour enfant Magda Couvreur. Sa fille Clara, une ado comme les autres, a élu domicile chez sa grand-mère, depuis que sa chambre est inondée. Accompagnée par Jasmine, une amie, le groupe de femmes passent à table.
Mais Betty est atteinte de nouveau d’aphasie (elle ne peut plus parler !), sans doute sous le stress d’une future rencontre professionnelle avec le “charmant” Inferi
Après le repas, Jasmine amène Betty chez Paul. Le “magicien” allonge la jeune femme dans la voiture, la plonge dans une hypnose qui lui fait recouvrir instantanément la parole. Rassurée, Betty va se coucher.
Dans l’appartement de Maud, Clara est réveillé par un étrange bonhomme qui toque à la porte et demande après sa grand mère. L’Homme a un visage tout blanc inexpressif, un nez proéminent et pointu, porte chapeau et manteau de plumes… Quand il s’aperçoit que Maud est évanouie, il commence à fouiller l’appartement à la recherche d’un paquet. Effrayée, Clara l’est encore plus quand l’homme la menace avant de disparaître, laissant derrière lui, une adresse…

Ce que j’en pense

L’excellent scénariste, spécialiste des récits fantastiques, Serge Lehman (“La brigade chimérique”, “Masqué”, “Metropolis”…) s’associe avec le dessinateur suisse Frederik Peeters (“Koma”, “Aama”, “Lupus”, “R.G”…) pour nous offrir un bon gros roman graphique fantastique.
Pour Betty et sa tribu de femmes, tout commence tranquillement dans Paris. Seule ombre au tableau : l’absence d’hommes dans le secteur (ce qui n’a pas l’air de le gêner outre mesure) et une aphasie (un blocage psychologique qui l’empêche de parler). Autour d’elle, Serge compose une galerie de portraits de femme de toutes générations. Clara, sa fille ado et Maud, la grand mère, romancière célèbre, complètement le tableau.
Dans ce contexte qui évoque plutôt un récit intimiste, débarque “Max Corbeau”, un “drôle d’oiseau” effrayant au nez proéminent, recouvert de plumes. Le dangereux personnage menace Clara et réclame son “paquet” ! En l’absence de Maud (tombée dans le coma), Betty prend les devants et va enquêter sur ce Max…

J’ai été totalement surpris par le récit de Serge Lehman. En conteur aguerri, il glisse doucement vers le fantastique. Quelques révélations, un voyage sur les traces du passé, tout s’emboîte parfaitement pour nous embarquer dans une histoire onirique, que je n’avais pas vu venir…
On y croise un assassin, un secret de famille, un “golem”, et même de très-très vieux souvenirs…
Mais Serge ne se contente pas de nous raconter une super histoire, Il y insère ses personnages avec subtilité. Proche de ces figures féminines contemporaines, il se fait maître des dialogues et de la psyché féminine.

 

Au dessin, Frederik Peeters est magistral. Le dessinateur suisse, qui m’avait scotché sur “Aama”, est parfaitement à l’aise dans ce récit “glissant”. Il met en scène ses personnages et décors avec un réalisme “expressif”. Les femmes, si présentes dans le récit, prennent un rôle majeur (c’est une première pour lui ! ).
Le petit format de l’album et le traitement graphique (peu de cases par pages + noir, blanc et niveaux de gris) rappelle les gros comics books indé. Ce choix du noir et blanc devient plus fort dans les moments dramatiques et fantastiques. Là, Frederik joue à fond le noir et blanc expressif. Grosses masses encrées et mise-en-page cases “cassées”, hors-cadres, favorisent une lecture énergique…

Alors, qu’attendez-vous pour lire le premier roman graphique de l’année, avant que l’ogre ne vous mange ?


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois