Chronique “AR-MEN – l’Enfer des enfers »
Scénario & dessin de EMMANUEL LEPAGE
Genre : Intimiste, documentaire et fiction
Public conseillé : Ado / adultes
Paru le 16 novembre 2018 aux éditions Futuropolis,
15,50 euros
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Ça commence comme ça…
Germain est gardien de phare, mais pas n’importe lequel. Il est à sa place dans l’Ar-Men, le phare le plus exposé, le plus difficile d’accès, au bout de la chaussée de Sein.
Ce matin, c’est la relève. Pierrick laisse sa place à Louis, après 20 jours sur place. A peine un salut et Louis rentre dans le phare comme dans une mine. Tandis qu’il rumine, Germain s’installe tout en haut, sur la galerie, à l’abri des lames du vent et attend que ça passe.
La nuit tombée, après le repas et le contact téléphonique avec les autres phares de la côte, le quotidien, immuable, s’organise. Germain allume le manchon et le feu se fait.. Trois éclats blancs, toutes les vingts secondes…
L’auteur
Emmanuel Lepage est un auteur important. Après des séries de fictions (“Neige”, Muchacho”…), il s’est tourné vers une narration très personnelle nourrie par ses voyages. ( “Un printemps à Tchernobyl», «Voyage aux îles de la Désolation», «La lune est blanche»), des livres-voyage-documentaires, dans lesquels toute sa palette graphique “naturaliste” et son amour des hommes s’exprimait pleinement.
Avec son album précédent « Les Voyages d’Ulysse », Emmanuel est revenu à une récit de pure fiction. Ce nouvel album “Ar-Men” est un mélange de ces deux aspects. D’un côté, l’envie de raconter, de l’intérieur, la vie d’un gardien de phare, de l’autre le goût de l’évasion, des récits lointains et fantastiques.
La genèse, le principe
L’étincelle est née à l’occasion d’un petit film réalisé par Hervé Jouon pour Thalassa, dans lequel, il interprétait un dessinateur qui vient travailler sur l’Ar-Men. Cette étincelle s’est nourrie de lectures sur le phare, sa construction, et la vie à bord de ce monument vertical entre ciel et mer (« Un feu s’allume sur la mer » d’Henri Queffélec, « Armen » de Jean-Pierre Abraham, ancien gardien…), mais aussi de rencontres. Ambroise Menou, l’ancien médecin de l’île de Sein, Jean-Yves Le Brun, fils d’un ancien gardien… Enrichi par cette documentation visuelle et “émotionnelle” , il a construit un récit aux directions multiples, comme une mer déchaînée poussant chaque vague où bon lui semble.
Il nous raconte la vie de Germain, gardien du Ar-Men, dans les années 60. Une vie quotidienne et routinière, mais remplie de fantômes, de lectures et de souvenirs, qui s’invitent la nuit dans sa vie de veilleur. Les contes traditionnels bretons qu’il raconte à sa fille, le passé de Louis, son co-équipier, l’histoire incroyable de la construction de “l’enfer-des enfers”, tout se mélange…
Ce que j’en pense
Le résultat est fabuleux. Tout le talent d’emmanuel est condensé dans cet album. “Conteur de vies”, il s’accroche à Germain, sa vie quotidienne, magnifiée par des paysages marins de toute beauté. Avec son dessin réaliste et puissant, il explore toutes les nuances de la mer. Tantôt étale, tantôt furieuse, ses cases m’ont immergé (ce n’est pas un effet de style) dans ce monde qui m’attire depuis toujours…
Quand il “dérive”, Germain nous entraîne avec lui dans d’autres récits. Il raconte l’histoire fabuleuse de la construction du phare en 1867, (évoquée dans “Trois éclats blancs”, le bel album épuré de Bruno Le Floc’h), et revisite les grands mythes bretons (la ville d’Ys, le roi Gradlon, Saint Guénolé…). Chaque histoire s’habille de teintes et de graphismes particuliers. Réalistes, ou plus épuré, son dessin est beau, intense et original.
A n’en pas douter, Emmanuel Lepage livre avec ”Ar-Men, l’Enfer des enfers”, une oeuvre d’art majeure. Alors, qu’attendez vous pour vous l’offrir à Noel et apprendre à voyager dans un bateau immobile ?
Pour résumer, à quand la suite, les amis ?
