Hanya Yanagihara, « Une vie comme les autres »

Hanya Yanagihara, « Une vie comme les autres »Hanya Yanagihara, « Une vie comme les autres »

Aujourd’hui, j’ai envie de vous donner envie de lire un livre très épais – plus de 800 pages – qui ne repose pas sur une intrigue palpitante et qui relate des faits horribles. Mais qui est superbement bien écrit et terriblement émouvant. Gueule de bois littéraire assurée mais promis, ça vaut le coup.

(N.B.: Les p’tites étoiles, c’est mon plaisir, mon émotion lors de la lecture, pas l’évaluation de la qualité du livre!)

Hanya Yanagihara, « Une vie comme les autres »

Présentation de la maison d’édition

Épopée romanesque d’une incroyable intensité, chronique poignante de l’amitié masculine contemporaine, Une vie comme les autres interroge de manière saisissante nos dispositions à l’empathie et l’endurance de chacun à la souffrance, la sienne propre comme celle d’autrui.

On y suit sur quelques dizaines d’années quatre amis de fac venus conquérir New York. Willem, l’acteur à la beauté ravageuse et ami indéfectible, JB, l’artiste peintre aussi ambitieux et talentueux qu’il peut être cruel, Malcolm, l’architecte qui attend son heure dans un prestigieux cabinet new-yorkais, et surtout Jude, le plus mystérieux d’entre eux. Au fil des années, il s’affirme comme le soleil noir de leur quatuor, celui autour duquel les relations s’approfondissent et se compliquent, cependant que leurs vies professionnelles et sociales prennent de l’ampleur.

Révélant ici son immense talent de styliste Hanya Yanagihara redonne, avec ce texte, un souffle inattendu au grand roman épique américain.

Hanya Yanagihara, « Une vie comme les autres »

En vrai, j’ai la chance de ne m’être jamais pris de coup de poing dans la tronche. Ça me va très bien. En littérature, par contre, c’est exactement ça que je cherche. Comme dans ce monologue intérieur que je n’ai pas rédigé mais que je vous ai gentiment traduit.

Hanya Yanagihara, « Une vie comme les autres »

Il paraît que les longs romans d’amitié situés dans des grandes métropoles sont légion. Que le thème est vachement classique mais que ce roman-là, faut pas passer à côté. Moi, je suis sage et j’écoute les conseils de mon libraire préféré, parce que quand il adore un livre, moi aussi. Alors je me lance, presque chancelante, déjà, parce qu’apparemment j’ai une sacré pépite entre les mains, et que j’ai peur – et que j’ai envie – d’avoir mal.

C’est le style qui me frappe d’abord: je suis déstabilisée car au premier abord, il a l’air extrêmement simple: le vocabulaire ne semble pas spécialement recherché et les phrases sont dépourvues de toute figure de style. Pourtant, tout comme l’histoire qui pourrait au début passer pour la énième narration de l’amitié et de l’ascension  sociale de quatre amis, le style se révèle lui aussi bien plus complexe qu’il n’y parait, non par l’usage d’un langage ampoulé, mais justement par sa plume dépouillée et directe.

Le début est  laborieux – je trouve l’introduction trop longue et je m’y perds un peu – mais les personnages sont terriblement attachants et l’amour et le respect mutuel des quatre amis sont exprimés avec une économie de mots impressionnante, par des petits tableaux, des petites scènes où le simple exposé des évènements – sans descriptions d’émotions ni de sentiments – suffit à faire comprendre l’essentiel: que ces quatre mecs s’aiment profondément, se soucient les uns des autres, et c’est suffisant ainsi.

« Ils avançaient à pas particulièrement lents sur le trottoir glissant, par égard pour Jude. Il les observa, alignés, à travers le viseur de l’appareil : Malcolm, Jude, Willem – Malcolm et Willem placés de part et d’autre de Jude, se tenant à proximité de ce dernier (JB en était conscient pour avoir lui-même occupé cette place auparavant) de façon à pouvoir le rattraper s’il dérapait, tout en conservant une certaine distance pour que Jude ne les soupçonne pas d’anticiper sa chute. Ils ne s’étaient jamais concertés sur le sujet, songea JB – ils avaient juste formé cette habitude. »

Des quatre amis, Jude est le plus insaisissable, et il devient rapidement le personnage central du roman. Il ne peut marcher sans sa canne et éprouve régulièrement des douleurs paralysantes. Ainsi, petit-à-petit, l’autrice va-t-elle dérouler le fil des évènements qui ont fait de Jude l’homme qu’il est, avec sa profonde détresse émotionnelle et ses douleurs chroniques. Sous forme de flash-backs, ces passages presque insoutenables – mais jamais gratuits ni complaisants – donnent du rythme au roman et permettent une lecture différente des faits racontés.

Passées les 100 premières pages et malgré sa longueur – plus de 600 pages écrites en petits caractères serrés dans la version originale – ce roman se lit avec une fluidité surprenante. Jude a vécu des choses atroces, et la lecture laisse peu de répit car à chaque fois qu’un évènement positif survient, l’enthousiasme du lecteur ou de la lectrice est tempéré par un nouveau malheur ou un flash-back sombre. Les tragédies s’enchaînent, ça me fait mal. Je me mets une main devant la bouche pour ne pas crier « stop », je repose le livre et je regarderais presque un épisode des bisounours pour me remettre de mes émotions. Parfois c’en est trop, mais malgré sa noirceur, ce roman expose également plusieurs formes d’amour inconditionnel, et une bienveillance – le terme est galvaudé mais adéquat – qui m’ont tout autant bouleversée que les horreurs subies par le personnage principal.

Hanya Yanagihara, « Une vie comme les autres »

Hanya Yanagihara, « Une vie comme les autres »

J’ai envie de ne pas trop en dire parce que c’est aussi le mystère qui rend ce livre si réussi. Je m’arrête donc ici. Juste, ne passez pas à côté. « Une vie comme les autres » avance à pas de loup, et l’émotion grandira au fil des pages. Et même si les malheurs et les douleurs de la vie s’accumulent, même si les tuiles s’enchaînent, j’ai eu envie de croire jusqu’au bout en la résilience, en la lumière.


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