Jeu blanc de Richard Wagamese

blanc Richard Wagamese

Saul Indian Horse vit avec ses parents, ses frère et soeur et sa grand-mère, au bord d’un lac perdu au coeur du Canada. Il y mène une vie proche de la nature, des traditions ancestrales où le lien avec les ancêtres est fort et où les activités vivrières, pêche et culture du riz, rythment les journées.

Tout jeune déjà, il a conscience des failles et des menaces qui pèsent sur cette vie. La disparition de sa soeur, enlevée par des blancs, puis celle de son frère, achèvent de détruire leur mère qui plonge dans l’hébétude et l’alcool, bientôt rejointe par leur père.

Recueilli par sa grand-mère, il est forcé à l’exil à la suite d’un hiver très dur. A huit ans, quand le froid lui enlève définitivement la dernière personne qui prenait soin de lui, il est amené dans une école tenue par des religieux, où s’entassent des enfants indiens comme lui, à qui on veut apprendre la civilisation, l’ordre et la soumission, et enlever la moindre parcelle de culture ojibwé.

Avec ses yeux d’enfants, entre innocence et grande lucidité, il raconte les châtiments corporels, les traitements inhumains qui mènent à la mort ou à la folie, qui brisent l’enfance. Il évoque les abus sexuels commis par des hommes et des femmes qui prêchent pourtant l’amour de leur Dieu. Il parle de sa solitude, de la carapace qu’il se forge pour résister, de sa fuite vers l’étude, la lecture et bientôt le sport.

Car bientôt un père propose aux plus âgés de jouer au hockey. Saul se propose pour préparer et nettoyer la glace, et s’entraîne en cachette. Quand son secret est découvert, le père découvre en lui, malgré son jeune âge, une grande motivation et un talent fou. Pour échapper à cet univers carcéral, et faire plaisir au père, seul adulte qui semble l’aimer et le pousser vers un avenir meilleur, Saul rejoint bientôt l’équipe, où il fait rapidement des merveilles, grâce à une vision du jeu quasi surnaturelle.

Ce sport lui permet bientôt de quitte l’école et d’être accueilli, dans une ville minière, par une famille d’Indiens comme lui, dont les parents sont également passés par Il y intègre une équipe composée d’Indiens. C’est le début d’une carrière, de confrontations avec des équipes de plus en plus fortes, mais aussi la confrontation avec les insultes, le racisme, les violences.

On ressent dans l’évocation de cette enfance et de cette adolescence une forte tension, qui se transforme en rage grandissante, liée aux épreuves supportées, aux injustices, aux violences. La rage de Saul se déchaîne au hockey, mais également contre lui-même, ce qui le mène à fuir, à refuser la normalité, à expérimenter l’alcool…

Ce n’est que quand il est arrivé au bout de ce parcours destructeur, au moment où il risque de tout perdre, de se perdre lui-même, qu’un peu d’aide extérieure mais surtout beaucoup de courage et de volonté personnelle le pousse à retourner vers son passé, à faire ressurgir ce qu’on lui a fait subir.

C’est à ce prix qu’on le sent capable désormais de se diriger vers une sorte d’acceptation, et une certaine forme de sérénité, qui transparaît bien dans l’écriture de l’auteur.

Richard Wagamese m’avait déjà séduite avec son roman Les étoiles s’éteignent à l’aube, qui m’avait permis de découvrir un autre regard sur les cultures amérindiennes d’Amérique. C’est donc avec l’envie de me plonger une nouvelle fois dans cet univers, cette culture, que je me suis plongée dans cette nouvelle lecture.

Celle-ci s’est révélée d’une grande intensité, l’écriture fluide sert magnifiquement l’expression des sentiments, c’est un roman magistral que j’ai eu grand plaisir à lire !

Richard Wagamese, né en 1955 en Ontario, est l’un des principaux écrivains indigènes canadiens.

Jeu blanc a été publié par les éditions Zoé en septembre 2017 (20,90€).

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