Tropique de la violence · Nathacha Appanah

Tropique de la violence · Nathacha Appanah
C’est le premier roman de Nathacha Appanah que je lis. C’est la première fois que j’entends parler du côté sombre de Mayotte, cette petite île française située dans l’océan Indien. Si je m’attendais à ça...

Tropique de la violence · Nathacha AppanahMarie, infirmière, tombe en amour avec Chamsidine, un Mahorais. Elle décide de le suivre à Mayotte. Si les premières années sont douces, ça finit par se gâter. Marie n’arrive pas à avoir d’enfants. Entre l’attente et les pleurs, elle déprime. Son mari se lasse et cesse de l’aimer. Il ne tarde pas à prendre maîtresse et par la délaisser. Lorsqu’une ado débarque à l’hôpital et lui abandonne un poupon aux yeux verrons, le cœur de Marie fond. Elle a maintenant un fils: Moïse.

Devenu ado, Moïse traverse son adolescence entre linsouciance et les questionnements. Lorsque Marie s’effondre et meurt subitement, Moïse se retrouve seul, livré à lui-même. En fait, pas totalement seul; son chien Bosco le suit à la trace. De dérive en dérive, Moïse rencontre La Teigne. Combines et 400 coups au menu. Mo se perd dans Gaza, le plus grand bidonville de l’île. Sa rencontre avec Bruce et sa bande de voyous naugure rien de bon. L’irréparable survient. Mo se retrouve dans une cellule.


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Portée par une écriture à la fois écorchée et lumineuse, Nathacha Appanah dépeint une Mayotte gangrenée, lenvers de la carte postale idyllique, mettant en scène le drame d’un ado, dun groupe, d’un lieu, d’une époque. Le roman aurait pu se réduire à une dénonciation crue et sans concession de la vie misérable dune communauté. Heureusement, Nathacha Appanah va bien au-delà de la dénonciation.

Des voix se racontent en alternance, chacune faisant avancer l’intrigue selon ses propres mots Les points de vue de Mo, de Bruce, de Marie, d’Olivier (un policier débordant d’humanité) et de Stéphane (un humanitaire) se complètent et se font écho. 

Certains passages dégagent une dureté indicible. Certaines scènes m’ont fendu le cœur, d’autres m’ont remplie d’indignation et de colère. Pas de pathos, ici. Pas grand espoir non plus. À la fois roman social et roman de formation, Tropique de la violence est ce genre de roman qui lève le voile sur une réalité difficile à regarder en face. Un roman bouleversant, essentiel. 

Pourtant, il n’y a jamais rien qui change et j’ai parfois l’impression de vivre dans une dimension parallèle où ce qui se passe ici ne traverse jamais l’océan et n’atteint jamais personne. Nous sommes seuls. D’en haut et de loin, c’est vrai que ce n’est qu’une poussière ici mais cette poussière existe, elle est quelque chose. Quelque chose avec son envers et son endroit, son soleil et son ombre, sa vérité et son mensonge. Les vies sur cette terre valent autant que toutes les vies sur les autres terres, n’est-ce pas?
Tropique de la violence, Nathacha Appanah, Gallimard, 192 pages, 2017.

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois