À malin, malin et demi - Richard Russo

À malin, malin et demi - Richard Russo Pourquoi n’ai-je pas lu Richard Russo plus tôt ? Voilà la question que je me suis posée tout au long de ce roman tant l’humour noir, l’ironie mordante et l’écriture cinglante correspondent en tout point à ce que j’aime. Russo reprend ici le cadre et les personnages  « d’un homme presque parfait », publié il y a 25 ans et que je me suis empressé d’acheter cette semaine. On retrouve donc cette bonne vieille ville de North Bath, cité industrielle du nord de l’État de New York en pleine décrépitude qui a connu son heure de gloire comme station thermale au début du 19ème siècle mais a depuis perdu de sa superbe au dépend de Schuyler Springs, sa jumelle située à quelques encablures où tout semble plus propre, plus beau, plus attirant et plus civilisé.
Le roman s’ouvre dans les allées du cimetière où se déroule l’enterrement du juge Barton Flatt en présence du maire et des ronds de cuir locaux. Parmi eux Douglas Raymer, le chef de la police, déprimé depuis la mort de sa femme un an plus tôt dans une malheureuse chute d’escalier alors qu’elle venait de faire ses valises et de lui annoncer dans une lettre qu’elle le quittait pour un autre. A partir de cette scène d’ouverture, Russo déplie son intrigue sur 48 heures et tant d’événements s’enchaînent qu’il est impossible de les résumer. Sachez juste que vous croiserez, entre autres, un repris de justice tatoué, un entrepreneur poissard à la virilité défaillante, une restauratrice gouailleuse, un vieux de la vieille à qui on ne la fait pas, une standardiste volubile, des serpents très venimeux, un orage dantesque, une télécommande de garage capricieuse et un chien qui passe son temps à se machouiller le pénis. Rien que ça.
Évidemment j’ai adoré. C’est déjanté tout en restant très cohérent, c’est drôle, cynique, sans pitié, irrésistible quoi. Et puis cette galerie de personnages est inoubliable, tous plus cabossés les uns que les autres, tous abattus, tous résignés à sauter dans le vide sans parachute. Un bal des médiocres où chacun tient son rôle à merveille, où chacun enchaîne les humiliations et les regrets sans repentir. J’ai rarement vu un roman aller aussi loin dans le pathétique, un pathétique qui nous laisse à la fois désolé et mort de rire, effaré et goguenard. Du grand art malgré une fin trop bisounours et positive par rapport au reste, à la limite de la faute de goût. Pas de quoi effacer pour autant l’immense plaisir de lecture que m’a procuré cette balade dans les rues de North Bath.
À malin, malin et demi de Richard Russo (traduit de l’anglais par Jean Esch). Quai Voltaire/La Table Ronde, 2017. 620 pages. 24,00 euros.
À malin, malin et demi - Richard Russo


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois