Immaculée Conception et Vierge cosmique, par Alain Gagnon…

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L’Immaculée Conception et la Vierge cosmique — L’Immaculée Conception, ou la Conception immaculée de Marie, est un dogme de l’Église catholique affirmant que Marie, mère de Jésus, a été exemptée du péché originel. La bulle Ineffabilis Deus du pape Pie IX déclarait solennellement le 8 décembre 1854 :

Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine, qui tient que la bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception par une grâce et une faveur singulière du Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu’ainsi elle doit être crue fermement, et constamment par tous les fidèles.

La Vierge est non seulement intacte mais, par voie de conséquence, intouchable… et inépuisable.
Pour ma part, je n’ai jamais adhéré à la lettre de ce dogme. Mais lorsqu’on l’examine d’un peu plus près, on peut en dégager des correspondances fascinantes avec les contenus mythiques de diverses croyances — étant bien entendu que, pour moi, le mythe n’est pas une fiction, mais une métaréalité plus vraie que vraie, qui exprime par métaphores l’inexprimable.

À ce propos, les houris de l’islam méritent que l’on s’y arrête. Et je m’y étais déjà arrêté dans Propos pour Jacob * :

Une autre des caractéristiques de la beauté est d’être inépuisable. Chacun peut y puiser, en user et en abuser sans en priver ses voisins. À ce sujet, je considère comme éclairant et suggestif ce commentaire d’Éva de Vitray-Meyerovitch :
« Prenez les fameuses houris, ces femmes merveilleuses qui attendent les croyants au paradis. On peut les voir d’une façon tout à fait anthropomorphique, comme les trois Grâces de Proudhon. Mais en fait, (houri) c’est un mot qui signifie aussi la grâce. »**

Les houris sont des femmes d’une grande beauté qui résident au paradis et prodiguent aux fidèles vertueux des plaisirs sensuels post mortem. Elles sont éternellement jeunes et demeurent éternellement pures et vierges, malgré leurs ébats et le fait qu’elles puissent concevoir et porter des enfants selon le désir du croyant. Certains théologiens musulmans en ont fait des allégories de la grâce divine, dispensée à tous en abondance, inépuisable. ***

On peut aussi établir une analogie entre ces houris et la beauté. Comme la grâce, ces houris et la beauté ne s’épuisent pas. La grâce accordée à l’un n’appauvrit en rien l’autre ou les autres. De même, la beauté nous entoure, nous y baignons. Depuis des millénaires, les humains s’en nourrissent et la manifestent. Elle perdure et s’enrichit même des expériences esthétiques que l’on tire d’elle.
Tout comme la Vierge du dogme, les houris (donc la grâce et la beauté) demeurent inépuisables, intouchables, inviolées.***

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecUn autre rapprochement peut être fait entre la Vierge catholique et la Vierge cosmique des traditions ésotériques. Pour faire bref, il s’agirait d’une Mère Esprit, compagne du Christ cosmique, pour Le livre d’Urantia et l’occultisme d’inspiration chrétienne ; elle serait la créatrice et le dynamisme de la Conscience et de toutes consciences. Du côté de la pensée taôiste, la Vierge serait à rapprocher du Yin (principe féminin) éternellement lié au Yang (principe masculin).

On a donc confondu – et de façon durable – la mère de Jésus avec divers avatars de l’éternel Féminin.
Il y aurait des volumes à écrire sur ce seul sujet.

*Alain Gagnon, Éditions de la Grenouille Bleue, 2010.

** Éva Vitray-Meyerovitch, Islam, l’autre visage, Paris, Albin Michel, 1991, p. 43.

*** Op. cit.

L’auteur…

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon chat qui louche maykan alain gagnondu Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (MBNE) ; récemment il publiait un essai, Fantômes d’étoiles, chez ce même éditeur .  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).


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