Kent Haruf : Ces liens qui nous enchaînent

kent harufKent Haruf (1943 – 2014) est un écrivain américain. Fils d'un pasteur méthodiste et d'une enseignante, il étudie à la Nebraska Weslayan University où il obtient son diplôme. Avant de commencer à publier ses œuvres, il exerce différents métiers : agriculteur dans un élevage de poulets, ouvrier, bibliothécaire, enseignant dans un corps de paix en Turquie, puis enseignant à l'université. Son œuvre est très mince, cinq romans traduits, Ces liens qui nous enchaînent, le dernier paru l’an dernier est en réalité le premier de sa bibliographie (1984).

Colorado, non loin de Holt, en 1977. Edith Goodnough, une vieille femme de plus de quatre-vingt ans, est alitée à l’hôpital sous la surveillance de la police qui la soupçonne d’un meurtre. Sanders Roscoe, son seul ami et voisin, enrage et décide de nous raconter toute cette longue et dramatique histoire qui explique la situation actuelle…

J’irai directement au but : la trame narrative squelettique du roman ou son fil conducteur, est époustouflant mais l’ensemble global ne m’a pas complètement satisfait car trop éclaté, trop éparpillé. Je pardonne et comprends puisque c’était son premier roman et aussi parce qu’on y voit déjà que c’est un grand écrivain ce que m’avaient confirmé précédemment ses autres romans que j’avais beaucoup aimés.

Ce roman est une très longue histoire puisque qu’il débute avec l’exode vers l’Ouest et les Hautes Plaines des parents d’Edith profitant de l’attribution par le gouvernement de terres vierges aux colons. Pour Edith, la vie ne sera jamais un long fleuve tranquille, avec son frère Lyman, elle endurera la rudesse d’un père autoritaire et violent (« Un homme renfermé au naturel méchant ») mais jamais elle ne se rebellera, elle acceptera/subira tout, les travaux épuisants de la ferme, et bien plus tard, elle renoncera même à épouser son voisin qui l’aurait sortie de sa vie n’ayant aucun sens, pour ne pas contrarier son père. Un père de plus en plus contraignant, devenu invalide mais toujours acrimonieux, qu’elle accompagnera jusqu’à la fin, stoïque dans son sacrifice. Et après le père, ce sera au frère ayant perdu l’esprit qu’il lui faudra donner ce qui lui reste de forces et l’issue finale aboutissant à l’hôpital et la police… pour cette femme ayant sacrifiée sa vie et son bonheur à sa famille avant de prendre enfin sa liberté dans un ultime et désespéré sursaut.

Les scènes d’émotions sont multiples, certaines touchent au sublime et à ce petit jeu Kent Haruf est un maître. Techniquement l’écriture ne souffre d’aucun défaut, le texte est très précis, très détaillé, les descriptions très visuelles (travaux de la ferme, des champs…) Le lecteur ressent dans son corps la dureté du travail de ces fermiers qui vouent leur vie à ces terres, un combat de tous les jours et de toute heure.

Il y a donc énormément de choses magnifiques dans ce bouquin mais il y a aussi tant de digressions trop détaillées qui sans sortir du sujet nous en écartent quand même ; de liaisons, de mariages, d’enfants qui naissent, de ces fameux liens qui enchaînent les uns aux autres, les Goodnough et les Roscoe tout au long de ce quasi siècle, que la lecture du roman en devient un peu chaotique, parfois j’avais envie de sauter une page ou deux pour en revenir au fil directeur.

Conclusion, un roman avec des défauts mais ils sont néanmoins pardonnés car sur le fond, le récit est puissant et annonce déjà l’écrivain de talent à venir.   


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois