Comment réinventer sa vie après un AVC

Comment réinventer après

Silence radio – 36 mois pour me relever d’un AVC (Olivier Perret – Xavier Bétaucourt – Bruno Cadène – Editions Delcourt)

Le 6 février 2017, le journaliste radio Bruno Cadène termine une longue journée de travail. Ses collègues s’étonnent qu’il soit encore à la rédaction aussi tard, alors qu’il doit intervenir dans la matinale sur France Culture le lendemain matin. Mais Bruno, grand reporter spécialiste des pays de l’Est, tient à préparer ses déplacements prévus la semaine d’après en Roumanie et en Bulgarie. Et il réfléchit déjà à son reportage suivant, qui doit l’amener à se rendre au Royaume-Uni pour couvrir le Brexit. Depuis toujours, Bruno a la bougeotte. Il a notamment été correspondant à Moscou pendant 5 ans et a vécu à Tunis pendant 2 ans au moment des Printemps arabes. Grand connaisseur du hockey sur glace, il a même couvert trois fois les Jeux olympiques d’hiver. Mais ce soir-là, sa vie bascule brutalement: juste après être rentré chez lui à vélo et s’être versé un verre de vin, il est victime d’un AVC. Instantanément, il tombe sur le sol, comme foudroyé. Bruno n’arrive plus à bouger son corps, mais avec son bras gauche, il parvient malgré tout à agripper le téléphone portable dans sa poche de pantalon et à appeler sa femme, Galina. Impossible de prononcer un mot, seul un son incompréhensible sort de sa bouche. Heureusement, Galina a le bon réflexe et elle prévient les secours. Quelques minutes plus tard, les pompiers enfoncent la porte de son appartement. Bruno est sauvé d’extrême justesse. Mais il n’est plus le même homme. Car lorsque le journaliste se réveille à l’hôpital après son black-out, il est incapable de bouger et de parler. Le comble pour un homme de radio! Pour Bruno, c’est le début d’un très lent retour à la vie. Pendant 36 mois de soins et de rééducation, il enchaîne les séances avec des kinés, des logopèdes, des neurologues. Ce combat, Bruno va le mener avant tout contre lui-même, en essayant de dompter ce corps qui ne lui répond plus et en essayant de retrouver la parole. Très progressivement, il va y arriver, mètre par mètre, syllabe par syllabe. Comme il le dit lui-même, il doit réapprendre à vivre « avec un corps au ralenti ».

Comment réinventer sa vie après un AVC

Xavier Bétaucourt et Olivier Perret sont les deux auteurs de BD qui se sont associés à Bruno Cadène pour mettre sur papier son témoignage très fort. Les deux hommes s’y connaissent pour aborder les sujets sensibles puisqu’ils avaient déjà parlé des soins palliatifs dans « Quelques jours à vivre », une de leurs BD précédentes. Dans « Silence radio », ils optent pour un style sobre mais efficace, presque journalistique, en ne cherchant ni à édulcorer les faits ni à les noircir. Leur objectif est avant tout de montrer la réalité d’une rééducation après un AVC. L’une des bonnes trouvailles de cette BD documentaire est de donner accès aux pensées de Bruno, même quand personne dans son entourage ne parvient à comprendre ce qu’il veut dire. Cette astuce scénaristique permet au lecteur de facilement se glisser dans la peau de Bruno et de ressentir son désarroi. Ecrite au fur et à mesure du rétablissement de Bruno Cadène, cette bande dessinée est aussi et surtout un message d’espoir pour toutes les victimes d’un AVC. Et elles sont nombreuses, puisqu’on estime qu’il y en a 19.000 par an en Belgique et 150.000 en France. « Silence radio » s’adresse aussi aux proches de ces victimes, puisque le livre montre bien à quel point la situation est extrêmement difficile à vivre pour Galina, l’épouse de Bruno. Celle-ci est parfois découragée par la lenteur des progrès de son mari, mais comme lui, elle ne baisse jamais les bras. « Silence radio » démontre que l’une des clés du rétablissement, c’est de toujours continuer à y croire. Dès le début, Bruno Cadène se bat comme un lion pour réaliser son rêve le plus fou: retrouver un jour sa place au sein de la rédaction de France Culture. Et au bout de ces fameux 36 mois, il réussit l’impossible en reprenant le travail. Plus vraiment le même qu’avant, puisque dorénavant il travaille de chez lui pour le service web de la radio, mais quelle formidable leçon de vie!