Hanna et ses filles de Marianne Fredriksson

Fresque historique retraçant l’évolution d’une famille sur trois générations portée par ses figures féminines, Hanna et ses filles est une oeuvre pleine de délicatesse doublée d’un roman passionnant sur la condition des femmes suédoises depuis la fin du XIXe siècle.

Hanna et ses filles de Marianne Fredriksson (éditions Archipoche)

Hanna et ses filles de Marianne Fredriksson (éditions Archipoche)

Tout commence par une visite d’Anna, une journaliste et universitaire d’âge mur, à sa vieille mère Johanna. A chaque visite, Anna sait qu’elle tient l’une des dernières occasions de poser toutes les questions qu’elle a sur le coeur à cette femme dont la mémoire décline encore plus vite que le physique. A chaque visite, elle se heurte à un espoir rapidement déçu, la rencontre se soldant à chaque fois par le silence de l’une et l’incompréhension de l’autre. Anna sait qu’il existe dans sa propre histoire des stigmates de celle de sa mère et plus loin encore de celle de sa grand-mère Hanna. Elle sent dès lors comme une nécessité defaire toute la lumière sur ce passé familial dont elle est malgré tout bien loin de soupçonner l’ampleur des drames et des tragédies qui l’ont émaillé. L’écriture d’un livre sur les femmes de sa famille lui donnera l’élan nécessaire pour chercher à lever le voile sur ses origines maternelles.

C’est en 1871 que débute finalement cette histoire par la naissance d’Hanna. Le lecteur fait sa connaissance dans cette campagne suédoise où le labeur occupe tout le temps disponible et où la vie n’est qu’austérité. Depuis Hanna enfant jusqu’à Hanna mère de Johanna puis grand-mère d’Anna, toute l’histoire de cette lignée de femmes est déroulée comme une pelote de laine entraînant dans son sillage petits bonheurs et grands malheurs. Au fil des pages, l’auteure fait évoluer ses figures féminines au même rythme que les mentalités : l’émancipation des femmes est en marche ! Et pourtant l’histoire va tendre à se répéter, pas de façon criante mais de manière si subtile qu’elle peut facilement passer inaperçue. Pourtant c’est bien connu que le diable se cache dans les détails comme dans les choix que l’une ou l’autre pensera faire en pleine conscience : le choix d’un mari, le rôle occupé au sein de son foyer, la manière d’éduquer ses enfants…

En fait, il avait honte de sa mère. J’avais bien vu à son regard au cour du dîner de noces, qu’il était gêné et inquiet de ce que nous pourrions penser d’elle, de ses bavardages, de sa vanité. […] Et j’étais bien placée pour savoir que les hommes qui n’ont pas vaincu leur mère se vengent sur leurs femmes, leurs épouses et leurs filles.

Ce roman aborde avec beaucoup d’intelligence les thèmes de la transmission inconsciente et du déterminisme social qui font qu’une universitaire de la fin du XXe siècle sera finalement bien plus proche qu’elle ne le pense de la paysanne du siècle précédent. Par quel ressort du passé, un choix de vie a priori éclairé et assumé n’est en réalité que la traduction d’un renoncement et d’un auto-dénigrement hérités de ses aïeules ? Pour qui s’intéresse à la psycho-généalogie, ce roman est une illustration parfaite de l’héritage familial que l’on peut se traîner comme un fardeau sans en avoir la moindre conscience. Pour que l’histoire arrête de se répéter il convient de briser les chaînes et donc d’identifier ce qui agit comme un carcan. Je me suis pris d’une grande affection pour ces trois femmes que la vie a parfois malmenées mais qui ont su faire front avec courage et ténacité. L’écriture élégante et toute en retenue de Marianne Fredriksson a participé pour beaucoup à ce très grand plaisir que j’ai éprouvé en lisant Hanna et ses filles. Si vous aimez les sagas familiales au charme légèrement désuet, ne manquez pas ce roman qui vous amènera sans doute à vous poser les bonnes questions sur votre héritage et votre transmission. A prendre comme un cadeau que seule la littérature est capable de nous offrir.


L’ESSENTIEL

Couverture poche de Hanna et ses filles de Marianne Fredriksson

Couverture poche de Hanna et ses filles de Marianne Fredriksson

Hanna et ses filles
Marianne FREDRIKSSON
Editions Archipoche
Sorti le 17/03/2022 en poche
396 pages

Genre : saga familiale suédoise
Personnages : Hanna la grand-mère, Johanna la fille et Anna la petite-fille
Plaisir de lecture : ❤❤❤❤❤
Recommandation : oui
Lectures complémentaires : Les oreilles de Buster et Toujours avec toi de Maria Ernestam, Les mémoires familiales de Vanina Leprovost, Tant qu’il y aura des cèdres de Pierre Jarawan

RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR

 » Une magnifique épopée sur trois générations dépeignant, en filigrane, l’âpreté de la vie suédoise
à la fin du XIXe siècle.  » De Telegraf

Hanna, Johanna, Anna, ces trois femmes de la même famille ont vécu entre 1870 et aujourd’hui. De la petite paysanne violée à l’âge de douze ans à la femme émancipée, universitaire et journaliste, en passant par la femme au foyer modèle, que de chemin parcouru…

En suivant ces trois générations, c’est à toutes les transformations de la société suédoise, de la misère à la prospérité, du monde rural aux grandes cités urbaines, que l’on assiste.

Au cœur de ces bouleversements, subsistent des questions lancinantes. Que signifie l’indépendance pour les femmes ? Qu’a gagné Anna par rapport à sa mère et à sa grand-mère ? Plus libre, aura-t-elle une vie plus heureuse ?

Un livre émouvant et subtil sur la condition féminine à travers des portraits de femmes attachants.


TOUJOURS PAS CONVAINCU ?

3 raisons de lire Hanna et ses filles

  1. il fait partie de ces romans que l’on a hâte de retrouver à chaque pause
  2. les personnages sont livrés dans toute leur complexité (on est loin de la vision manichéenne des choses que l’on retrouve souvent dans la littérature américaine par exemple)
  3. la portée de cette histoire fait forcément écho à notre propre vécu familial et nous questionne

3 raisons de ne pas lire Hanna et ses filles

  1. il n’y a pas de grandes révélations à en attendre : si vous cherchez des montagnes russes émotionnelles, ça n’est pas ici que vous les trouverez
  2. il faut dépasser les quarante premières pages pour enfin entrer dans le vif du sujet
  3. le livre est découpé en grandes parties par personnage, si vous aimez les chapitres courts, vous en serez pour vos frais

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