Dreamology - Lucy Keating

Dreamology - Lucy KeatingDreamology, Lucy Keating

 Editeur : Michel Lafon

Nombre de pages : 346

Résumé : Depuis son enfance, Alice mène une double vie. La vie réelle, où elle habite seule avec son père… et sa vie en rêves ! Toutes ses nuits sont peuplées d’aventures extraordinaires, de voyages, de rencontres, et surtout d’un garçon de son âge : Max. Au fil des années, ils sont tombés fous amoureux et Alice ne pense qu’à se coucher le soir pour le retrouver. Mais le jour de sa rentrée au lycée, Alice voit Max. En chair et en os. Le garçon de ses nuits existerait-il vraiment ?

- Un petit extrait -

« - C'est Roméo et Juliette, explique Oliver en voyant que je les observe. Il secoue ses cheveux comme un golden retriever qui vient de sortir de l'eau. Ils sont célèbres. Ça fait dix ans qu'ils sont ensemble.

Je commente :

- Ils forment un joli couple.

- « Elles », en fait. Ce sont deux femelles, glousse Oliver. Les responsables du parc ne s'en sont pas rendu compte quand ils les ont appariées. Elles pondent des œufs chaque année, mais aucun d'entre eux n'éclot. Ce qui n'empêche pas qu'elles ont l'air de beaucoup s'aimer.

Tout en continuant à observer les cygnes, j'acquiesce :

- Il existe des tas de façons d'aimer quelqu'un. »

- Mon avis sur le livre -

 Je sais que je clame haut et fort, régulièrement, que je ne suis pas branchée romance et que, d’ailleurs, les amourettes parasites m’indisposent fort dans un roman de fantasy ou de science-fiction … mais je dois vous avouer que jusqu’à l’âge de douze ou treize ans, je ne lisais en réalité que des romances. Des romances pour pré-adolescentes, à base de triangles amoureux, de groupes de rock et de coups de foudre clichés à souhait. Mais il semblerait qu’à force d’écumer frénétiquement les rayonnages du CDI pour en dénicher une que je n’avais pas encore lue, j’ai fini par être à cours de munition, bien obligée de me rabattre sur un autre genre pour occuper mes récréations solitaires. A moins – et ça serait une hypothèse bien plus glorieuse – que j’ai fini par me lasser de ces romancettes plates et répétitives et à chercher des romans un peu plus consistants et profonds à me mettre sous la dent. Toujours est-il qu’à partir du moment où j’ai cessé de ne lire que cela, j’ai en réalité cessé d’en lire tout court : je suis maintenant du genre à fuir dès qu’un résumé sonne un tantinet trop romantique. Il m’arrive cependant, parfois, de me laisser tenter par une petite romance jeunesse, parce que ça me rappelle cette douce époque où la vie était bien plus simple, bien plus douce, parce que parfois, on a juste envie et besoin de guimauve et de petits cœurs pour chasser la déprime. Et c’est ainsi que j’ai fini par sortir Dreamology de la pile à lire … et ça n’a en réalité rien à voir avec ces romances pré-ados dont je raffolais, c’est bien plus profond que ça n’en a l’air au premier abord, croyez-moi !

En apparence, Alice est une adolescente parfaitement comme les autres. Bien sûr, toutes les adolescentes n’ont pas une mère férue de grands singes qui a déserté le domicile familial pour partir à Madagascar et ne jamais en revenir, mais elle est malgré tout loin d’être la seule adolescente à vivre seule avec son père. Par contre, à sa connaissance, elle est peut-être une des seules adolescentes au monde à rêver quasiment chaque nuit du même garçon, et ce depuis sa plus tendre enfance. Depuis toujours ou presque, Alice attend le soir avec impatience, pressée de retrouver Max, qui a été son premier et meilleur ami et confident, et qui est devenu au fil du temps son premier et seul amour. Son amie Sophie, la seule au courant de cette idylle onirique, a beau lui répéter chaque jour qu’il serait grand temps pour elle de se trouver un vrai petit copain, Alice se sent parfaitement comblée avec le garçon de ses rêves. Mais voilà qu’arrivée dans son nouveau prestigieux lycée, Alice se retrouve face à face avec … Max. Ou du moins, un garçon qui s’appelle Max, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Max, mais pourtant si différent de son Max et qui agit comme s’il ne l’avait jamais rencontré. Désemparée, perdue, Alice se demande pour la première fois de sa vie qui est réellement le Max de ses rêves … et la réponse à cette question pourrait bien changer leur vie à tout jamais.

Nous rêvons en moyenne une à deux heures par nuit. Imaginez-vous donc passer chaque nuit depuis plus de dix ans ces deux heures en compagnie du petit ami le plus adorable, le plus drôle, le plus attentionné qui « existe », un petit ami de rêve … et surtout, imaginez-vous vous retrouver un beau jour face à face avec ce petit ami qui est censé n’exister que dans vos rêves. Il y a de quoi être perplexe, n’est-ce pas ? Et vous le serez assurément d’autant plus quand il deviendra manifeste que ce dit garçon rêve de vous chaque nuit depuis plus de dix ans, et que vos souvenirs communs vous permettent d’affirmer que vous partagez effectivement vos rêves depuis tout ce qui temps – ce qui est scientifiquement supposé être parfaitement et absolument impossible … Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour ma part, je trouve cette idée particulièrement originale, de faire se rencontrer « dans la vraie vie » deux adolescents qui, sans qu’on ne sache vraiment comment ni pourquoi, se connaissent dans leurs rêves partagés depuis qu’ils sont tout petits. Il y a d’abord toute cette période d’incertitude, où ni l’un ni l’autre ne sait vraiment ce qu’il est supposé faire : vous vous imaginez, vous, aller aborder un illustre inconnu pour lui demander « hé, en fait, est-ce que toi aussi tu rêves de moi toutes les nuits ? oh, et d’ailleurs, tu te souviens la fois où on faisait le tour de la planète sur un nuage en barbe à papa ? » … Pour se faire une réputation de folle dingue dans un nouveau lycée, il n’y a pas plus efficace !

Et puis, il y a ce moment où Alice se rend compte que, certes, Max est bien le garçon qui illumine ses rêves, ses nuits, et par la même occasion sa vie, mais qu’il est très différent du garçon qu’elle « connait », avec qui elle vit des aventures aussi fantasques les unes que les autres. Et même si c’est un tantinet « surjoué », même si l’autrice s’appesantit peut-être un peu trop longuement sur le désarroi d’Alice face à l’indifférence du « vrai » Max (qui continu cependant à être « son » Max dans leurs rêves), j’ai personnellement trouvé cela aussi émouvant qu’intéressant. Car on se rend progressivement compte, au fur et à mesure que les deux adolescents remontent le fil de leur passé et découvrent qu’ils ont tous deux fréquentés au même moment le « Centre d’exploration des rêves » pour les débarrasser de leurs cauchemars respectifs suite à un traumatisme, que Max et Alice ont un rapport très différents aux rêves, et donc à l’imaginaire. Tandis que le jeune homme, conscient et effrayé par le fait qu’il devenait progressivement dépendants de ces songes partagés, a fait tout son possible pour les reléguer à la seconde place, Alice s’est quant à elle jetée à corps et à cœur perdus dans cette relation nocturne, y puisant tout ce qu’il fallait pour illuminer et égayer le quotidien. Il y a donc dans ce roman bien plus qu’une simple romance originale, il y est aussi question de traumatismes, d’épreuves, et de la façon dont chacun y fait face …

Malgré tout, on reste dans une romance jeunesse qui tourne autour des rêves : il ne faut donc pas s’étonner si c’est mignon (à la limite de la guimauve bien rose) et un tantinet déjanté (car comme tout le monde le sait, les rêves sont bourrés de loufoqueries). Entre Olivier et son vélo amoureux de celui d’Alice, Jeremiah et son lézard Socrate, le docteur Petermann et ses deux perroquets qui parlent italien, même le monde réel est rempli d’étrangetés … mais c’est aussi cela qui rend ce roman aussi rafraichissant ! C’est typiquement le genre de récit dont vous ressortez avec un sourire jusqu’aux oreilles, avec l’envie de chantonner et de virevolter sous une pluie de feuilles mortes, parce que c’est tellement doux, tellement drôle ! Et comme on sait que, de toute façon, tout sera bien qui finira bien, on ne se laisse pas trop abattre par ces quelques passages compliqués où tout semble définitivement perdu, brisé, entre Max et Alice. Et même si, parfois, on a envie de lever les yeux au ciel car c’est trop cliché, il n’en demeure pas moins que l’on ne peut pas s’empêcher de sourire, parce que finalement, on rêve tous d’avoir un Max dans nos vies … ou au moins dans nos rêves ! Car si ce livre rappelle qu’il n’est pas bon de se perdre dans nos rêves, il nous rappelle aussi qu’il est bon de rêver, et de suivre nos rêves, parfois, aussi. Ils peuvent rendre notre réalité bien plus jolie, bien moins grisâtre, bien plus colorée, bien moins sombre … Ils peuvent nous donner l’audace de lutter contre nos peurs, aussi.

En bref, vous l’aurez bien compris, même si on reste dans une petite romance jeunesse tout ce qu’il y a de plus classique, ce roman a vraiment été une bonne lecture, un baume au cœur bienvenu en cette période où la nuit tombe de plus en plus tôt et où le brouillard incessant nous empêche de nous ressourcer au soleil. L’autrice nous offre vraiment une histoire mignonne à souhait, avec tout ce qu’il faut d’émotion, de mystère, d’action et d’humour pour faire passer au lecteur un moment très agréable en compagnie d’Alice, Max et leurs amis (à deux ou quatre pattes) ! Certains trouveront assurément que la résolution du « problème » se fait bien trop rapidement et facilement, certains trouveront également assurément que tout s’arrange bien trop vite et aisément entre Max et Alice, mais je répète qu’il faut bien garder à l’esprit que c’est avant tout une romance à destination de la jeunesse : il est donc parfaitement logique que le récit soit moins « complexe » qu’un roman policier pour adultes aigris et exigeants. Pour savourer pleinement ce roman, qui a sent bon le chocolat chaud et la tarte aux pommes, il faut renouer avec son âme et son cœur d’enfant, cette âme et ce cœur qui ne désire qu’une seule chose : s’évader le temps de quelques centaines de pages, rêver le temps d’un roman, d’un monde un tantinet différent de celui qui nous entoure. Un monde expurgé de tout ce qui fait mal, de tout ce qui fait peur, un monde de douceur et de bonheur …


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois