Le détour, de Luce d'Eramo

Le détour, de Luce d'Eramo
Je comprenais bien qu'une guerre ne suffise pas pour saper les préjugés, mais je ne comprenais pas qu'elle ne suffise pas non plus pour saper une structure sociale alors que celle-ci porte déjà en elle les facteurs de sa propre désagrégation. 

Plus d'un an après... Une nouvelle petite chronique fait son apparition ! Et pas des moindres au regard de la bête en question, car la bête en question, ce n'est rien de moins que l'histoire ou plutôt la quête d'histoire et de soi de Luce d'Eramo, une femme dont les souvenirs enfouis vont refaire surface et rétablir quelques vérites étouffées au sujet de la Deuxième Guerre mondiale. Mais aussi et surtout au sujet de sa propre vie.
    Vingt-cinq années d'écriture : c'est le temps qu'il aura fallu à l'autrice pour retracer l'histoire de toute une vie, la sienne, au milieu des camps de travail et de concentration. Le hic, c'est que six mois après ma lecture, j'ai toujours autant de mal à poser des mots sur ce livre tant ce dernier est gris. Gris parce que l'autrice est aussi intransigeante avec la guerre qu'avec elle-même, ne s'épargnant pas - ni pour ses erreurs, ni pour sa naïveté, ni pour son égoïsme. Et que tout son talent autobiographique réside précisément là ; dans sa capacité à dépeindre quelque chose de vrai. Quelque chose qu'on oublie encore un peu trop souvent : c'est que le mal et le bien ne font que s'entrelacer la plupart du temps et qu'il est somme toute difficile d'en tirer quelque chose de satisfaisant ou de logique. Mais aussi que dans le but de survivre, la mémoire peut se permettre d'occulter de nombreuses choses, y compris soi-même.

    C'est un livre qui touche une corde sensible et qui fait naître un vrai sentiment de pénibilité par moments, il y est désagréable d'y rencontrer l'immaturité grinçante autant que glaçante d'une jeune fille de 19 ans qui souhaite simplement mettre à l'épreuve son statut de grande privilégiée fasciste, au milieu d'une guerre qui bat son plein. Il y est touchant de la voir se retrouver au rythme des chapitres de sa vie décousue au même titre que l'histoire brouillée du monde en cette même période. 
Au fil du temps, on ne fait alors plus face à une jeune femme capricieuse et autocentrée, mais une femme engagée qui se rend compte de l'horreur, du vide, de l'incompréhension qui entoure et régit les prisonniers autant que les geôliers, on voit distinctement le basculement qui a lieu, passant de la quête de soi à la quête de raison et de vie. Qu'est-ce qui nous pousse à ne rien lâcher même face aux pires atrocités ? Et sommes nous tous esclaves dans une guerre ? C'est un livre qui s'applique à décaper le système et l'histoire, ainsi que tous ceux qui ont y participé. C'est un cri, de la volonté, de l'immaturité, de l'égoïsme et de la force mêlée. La volonté d'en découdre et de déconstruire peu importe l'image que ça rendra, que ça donnera, et peu importe le prix que ça coûtera. 
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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois