À la croisée des destins (Barjy L.)

À la croisée des destins (Barjy L.)

Auteur : Barjy L.

Éditions : Mix éditions

Paru le : 12 décembre 2019

452 pages

Thème : Contemporain


disponible sur le site de l'éditeur

et sur Amazon


Ma note : à la croisée des destins (Barjy L.) 

 Résumé 

  « La souffrance des uns ne peut exister en dehors du regard des autres. Des portes closes, des greniers cadenassés, des coups que l'on étouffe, des cris que l'on muselle, des existences que l'on nie. C'est le destin de ces milliers d'Ares qui souffrent de la violence des hommes sans que personne ne leur tende la main. Parce que les autres ne savent pas, ne volent pas. Ou ne veulent ni voir ni savoir. Ce destin, c'est celui de Raiden - Rage - qui tente de noyer sa souffrance dans celle des combats clandestins. Pour oublier la violence d'un père, la lâcheté d'une mère et les yeux d'un petit frère. C'est aussi celui de Kian, l'enfant du grenier. Kian qui n'a ni âge, ni nom, ni passé. Il n'est personne. Il n'est rien, si ce n'est trente années d'horreurs à lamais gravées dans sa chair. Mais il arrive que les destins se croisent et que, de l'avanie humaine, surgisse la plus pure des amitiés. Quand deux âmes perdues se rencontrent derrière les portes d'un hôpital psychiatrique et tentent, avec cette rage de vivre qui est tout ce qu'il leur reste, de se reconstruire. Ou peut-être seulement de se construire autrement... »

 Ma chronique 

Je remercie la maison d'éditions ainsi que Babelio pour cette lecture.

    C'est lors d'une masse critique que j'ai eu la chance de pouvoir découvrir ce titre, qui d'ailleurs était le seul que j'avais noté. Le résumé me semblait assez fort pour donner un récit qui devait l'être tout autant. en fait, il est plus que cela, mais vous comprendrez en lisant ma chronique en entier. Déjà le livre en lui-même est un beau pavé, avec une couverture à la fois douce et qui représente très bien la majeure partie du livre. Une couverture douce qui montre ce qu'elle veut, mais en faisant défiler les pages, c'est bien autre chose. Comme la façade d'une maison qui parait belle et on peut imaginer le bonheur à l'intérieur, mais la réalité est bien différente. Lorsque la porte est refermée, personne ne peut vraiment savoir ce qui se passe, à l'intérieur. Il suffit parfois de prendre le temps de regarder les gens pour voir que quelque chose ne va pas, mais le nombril est bien trop important pour la majeure partie des personnes et voir la peur, la tristesse ou la violence n'est pas ce qui les intéressent.     Raiden est lié à la Cage, un lieu qui l'aide à expulser sa RAGE, ce qui est également son surnom. Il en a besoin depuis des années de se battre, de donner des coups, de se venger, de tenter le tout pour le tout pour ne plus ressentir cette colère qui ne le lâche plus depuis des années. Son passé n'est pas reluisant, un père qui ne voulait pas d'enfant et qui n'a cessé de le reprocher à sa mère qui a osé avoir Raiden et Noah son petit frère. Alcool pour les parents, drogue au passage, la violence des coups est aussi forte que celle des mots. Les os brisés, les arcades en sang, les bleus, la privation de nourriture, les mots qui n'ont cessés d'entrer dans la tête des deux frères et tout le reste... Des années à survivre dans une "famille" ou plutôt sous un toit qui n'en porte que le nom, des années pour Noah et Raiden à ne compter que sur eux-même. Et puis tout a basculé : oui il y a eu pire en un sens, menant à un choix, un but, un avenir qui a rendu Raiden encore plus amer et surtout plus solitaire que jamais. Si TJ, celui qui l'a mené à la Cage et Milegraw le procureur bientôt à la retraite n'avait pas mis leur nez dans son histoire, où serait-il réellement ?     Suivre ce personnage, c'est entrer dans sa vie, dans ce qu'il a vécu, dans ce qui est son présent peuplé de cauchemars et d'avenir qu'il ne voit pas. Il n'a plus qu'une chance avant de se retrouver en prison et va devoir accepter un poste dans un asile. Lui qui se sait tout sauf fou, va devoir les côtoyer, mais au final il a connu pire, pas vrai ? Et puis la rencontre, celle qui va bouleverser la vie de nombreux personnages en plus de Raiden. Il n'y a pas que lui qui est dans la partie, même s'il est le personnage principal, tous ceux qui l'entourent et avec qui il a un semblant de relation vont voir leur vie changer. Lorsque je dis semblant de relation, je dois bien avouer que l'auteur a su rester dans la logique et ne pas faire devenir Raiden qui a vécu un enfer devenir un bisounours qui adore tout le monde. Il reste avec ses peurs même s'il avance, il ne connait pas l'amour et ne va pas plonger les deux pieds dans une relation amoureuse passionnelle, vu qu'il ne connait pas, ce n'est pas possible. Les étapes ne sont pas brûlées pour lui comme pour les autres et cela fait du bien de ne pas avoir des événements qui seraient de trop.     Bref, revenons à cette rencontre qui va tout chambouler. Un regard, un seul et le lien se fait. Voir l'enfer dans le regard de l'autre, se reconnaitre dans les cauchemars de l'autre, c'est tel un coup de foudre pour un frère, celui qu'il a perdu ou n'a pas connu. Kian ne parle pas/plus depuis des années. C'est un homme/enfant qui a été retrouvé des jours après que son bourreau est décédé. Je n'en dirais pas plus sur son histoire, elle est dure à lire, avec les poings qui se serrent lorsque nous comprenons ce qu'il a subit depuis tout petit jusqu'à maintenant. La manipulation, la folie humaine qui est mise en avant nous montre des êtres totalement prêts à tout pour pervertir et faire subir tout ce qu'ils désirent. Kian qui ne réagit qu'un minimum avec une seule personne du personnel de cet institut. Kian qui est "intrigué" par Raiden lorsqu'il le voit du haut de sa fenêtre. Perçoit-il la colère qui émane de son corps ? La violence qu'il a reçu également ? Peu importe, le lien se fait sans le vouloir et il devient impossible de ne pas plonger dans son désarroi, son traumatisme afin de vouloir l'en sortir. Oui, mais comment ? C'est la question que se pose Raiden une fois qu'il a compris comment fonctionne Kian d'une certaine façon.     C'est une rencontre qui va bouleverser aussi bien Kian qui va sortir de sa bulle, de son univers à son rythme et comprenez bien que ce n'est pas en une journée qu'il va pouvoir accepter certains gestes, que Raiden qui va retrouver son frère en quelque sorte. Ange gardien ou non, il va être celui qui réussira à ouvrir une voie qui semblait perdue pour tous. Les personnages gravitent autour d'eux : ceux qui veulent changer le quotidien de Kian et ceux qui préfèreraient laisser comme avant par peur de le perdre encore plus. Être capable d'aider un autre c'est voir plus loin que son nombril, c'est chercher à comprendre ce qui peut aider l'autre en s'oubliant. L'auteur nous entraine dans un monde qui ne devrait pas exister et pourtant, pourtant cela arrive malheureusement et nous ne le voyons pas toujours, ou trop tard. Les personnages sont bien construits autant par leur mentalité que par leur physique. J'ai adoré suivre le présent de ces protagonistes avec à leurs côtés Lynn, Andy, Lorena, Phil, Suzanne, Melvin, Noah et Lorena et tous les autres qui ont permis l'évolution de chacun d'entre eux.     C'est un récit poignant qui ne m'a absolument pas laissé indifférente. Le passé se mêle au présent sans avoir besoin de prévenir "attention nous revenons en arrière", c'est la logique même de comprendre vite et bien tout ce que ces deux-là ont vécu. Les enfers sont différents, mais ils sont bien présents dans leur corps, dans leur mémoire. Si Raiden a réussi à trouver une solution qui n'est pas idéale, Kian a choisi de ne plus apparaitre dans ce monde qui l'a oublié. Une indifférence qui lui a fait énormément de mal, n'étant qu'un objet que l'on prend et que l'on jette à outrance. Des regards détournés, des non-dits, tout ce qui peut exister pour laisser de côté la souffrance dans la douleur sans chercher à comprendre. Un peu de Nora, de Gardini ou de musique pour échapper à son quotidien, tandis que d'autres n'avaient rien de tout cela. La musique est importante dans le récit, elle apaise les douleurs, ces souffrances qui sont dans la tête des patients. Un son, une mélodie, quelques murmures chantonnés, une main qui gratte une guitare, il suffit de peu pour réveiller ce qui est de bon en chacun. Les mots choisis sont poignants apportant le ton mélancolique, ou au contraire l'espoir dans chacun des gestes des acteurs. Pas besoin de rebondissements impensables dans ce récit qui a déjà tout pour lui.     En conclusion, l'histoire est bouleversante. Je ne m'attendais pas à ça, à cette force de l'un pour l'autre, ce partage des enfers pour essayer d'en ressortir plus fort, plus ouvert sans pour autant oublier. Gagner va devenir un but à atteindre, celui de pouvoir redevenir un être humain d'une certaine manière, de laisser les cauchemars dans une boite loin de soi. Se réapproprier son corps, son esprit... Être comme tout le monde ne sera pas possible, cela reviendrait du miracle, mais réussir à enterrer les bourreaux tout en restant dans le cadre de l'institut et de petits à-côté vis-à-vis de Raiden. Une amitié que rien ne pourra balayer au vu du caractère de notre boxeur et c'est tant mieux. Merci pour cette lecture !

 Extrait choisi :  

« Kian vit la voiture se garer dans l'allée. Raiden en sortit côté passager, un autre homme côté conducteur. Celui-ci fit le tour de la voiture, lui serra longuement la main puis s'éloigna vers une autre voiture parquée à quelques mètres. Raiden lui fit un signe de la main puis quand la voiture disparut, il releva la tête vers l'aile Est.

Raiden ne le voyait pas, mais il savait que Kian était là. Il le sentait. Il rentra. Il avait besoin de dormir, de se reposer. Besoin de réfléchir aussi. Il lui fallait trouver un moyen de communiquer avec Kian autre que les regards et les non-dits. Il voulait briser les murs de sa prison comme Kian avait brisé les siens, même si ceux de sa douleur muette devaient être bien plus épais et hauts. Comment pénétrer dans ce monde construit par un être perdu en son sein depuis trois décennies ? Raiden avait eu beau fouiller sur le net, le cas de Kian restait unique dans les annales. Cela ne l'aidait pas. »

À la croisée des destins (Barjy L.)


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