Milwaukee Blues de Louis-Philippe Dalembert

Les libraires des Espaces culturels Leclerc aiment Louis-Philippe Dalembert. En tout cas ils l’aiment suffisamment pour avoir sélectionné à nouveau son dernier roman parmi les finalistes du Prix Landerneau. Ayant partagé pleinement leur enthousiasme pour Mur Méditerranée, je me suis plongée avec plaisir dans Milwaukee blues avant de m’en extraire bien trop vite et bien trop déçue.

Milwaukee Blues de Louis-Philippe Dalembert (éditions Sabine Wespieser)

Milwaukee Blues de Louis-Philippe Dalembert (éditions Sabine Wespieser)

Après s’être emparé du sort des migrants candidats à la traversée de tous les dangers vers Lampedusa, Louis-Philippe Dalembert revient avec un nouveau thème d’actualité à la portée universelle : les violences policières envers les Noirs aux Etats-Unis. En s’appuyant sur le cas très médiatique de George Floyd, ce pauvre bougre qui a livré son dernier souffle sous le genou d’un policier blanc qui le maintenait à terre, Dalembert mène un nouveau combat à l’aide de son arme de prédilection : une plume chargée d’empathie.

Pour parvenir à ses fins, l’auteur s’est offert la liberté d’inventer la vie de cet homme sous une figure imaginaire prénommée Emmett. Mêler la fiction à la réalité pour lui laisser le chambre libre à toute interprétation, voilà qui est malin et séduisant sur le papier. Hélas, la narration ne s’est pas montrée à la hauteur de l’intention. Au lieu de redonner vie à son personnage, l’auteur l’a figé dans la mort en remplaçant l’action et les dialogues par des témoignages sous forme de très longs monologues. Très vite je n’ai plus eu l’impression de lire un roman mais plutôt une suite de dépositions de témoins figurant dans un rapport de police. La forme choisie enlève toute expression des sentiments, c’est froid, distant, clinique même, tout le contraire de ce à quoi l’auteur nous avait habitué avec ses migrantes hautes en couleur dans Mur Méditerranée.

Je n’aurais jamais dû composer ce foutu numéro. Si je pouvais, je supprimerais définitivement le 9 et le 1 du cadran de mon smartphone. […] Pour les résidents de ce pays, le « nine-one-one » est une référence incontournable. […] Le prolongement naturel des doigts, au moindre pet de travers : une prise de bec entre conjoints, un gosse qui en a marre de ses parents, un passant inconnu qui marche tête baissée ou rase trop les murs, un clochard qui confond une bouche d’incendie avec une pissotière, le type bodybuildé qui a oublié de ramasser la crotte de son caniche…

J’ai été très déçue de voir la tournure que prenait ce livre que j’ai encore du mal à considérer comme un roman. Je suis d’autant plus déçue que je sais l’auteur capable de m’émouvoir avec ses personnages. Je me souviendrai toujours de l’instant où j’ai défendu son roman à Paris, face au jury du Prix Landerneau, les trémolos dans la voix, la gorge serrée. Mur Méditerranée a occupé toutes mes pensées pendant des semaines. J’espérais naturellement renouer avec une émotion aussi pure mais il est rare que la foudre frappe deux fois au même endroit…


L’ESSENTIEL

Couverture de Milwaukee Blues de Louis-Philippe Dalembert

Couverture de Milwaukee Blues de Louis-Philippe Dalembert

Milwaukee blues
Louis-Philippe DALEMBERT
Editions Sabine Wespieser
Sorti le 26/08/2021
288 pages

Genre : contemporain
Personnages : Emmett Till et ceux qui l’ont connu
Plaisir de lecture : abandon
Recommandation : non
Lectures complémentaires : Mur Méditerranée du même auteur, Rhapsodie des oubliés de Sofia Aouine, Alabama d’Alexis Arend, American Dirt de Jeanin Cummins

RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR

Depuis qu’il a composé le nine one one, le gérant pakistanais de la supérette de Franklin Heights, un quartier au nord de Milwaukee, ne dort plus : ses cauchemars sont habités de visages noirs hurlant  » Je ne peux plus respirer « . Jamais il n’aurait dû appeler le numéro d’urgence pour un billet de banque suspect. Mais il est trop tard, et les médias du monde entier ne cessent de lui rappeler la mort effroyable de son client de passage, étouffé par le genou d’un policier. Le meurtre de George Floyd en mai 2020 a inspiré à Louis-Philippe Dalembert l’écriture de cet ample et bouleversant roman. Mais c’est la vie de son héros, une figure imaginaire prénommée Emmett – comme Emmett Till, un adolescent assassiné par des racistes du Sud en 1955 –, qu’il va mettre en scène, la vie d’un gamin des ghettos noirs que son talent pour le football américain promettait à un riche avenir. Son ancienne institutrice et ses amis d’enfance se souviennent d’un bon petit élevé seul par une mère très pieuse, et qui filait droit, tout à sa passion pour le ballon ovale. Plus tard, son coach à l’université où il a obtenu une bourse, de même que sa fiancée de l’époque, sont frappés par le manque d’assurance de ce grand garçon timide, pourtant devenu la star du campus. Tout lui sourit, jusqu’à un accident qui l’immobilise quelques mois… Son coach, qui le traite comme un fils, lui conseille de redoubler, mais Emmett préfère tenter la Draft, la sélection par une franchise professionnelle. L’échec fait alors basculer son destin, et c’est un homme voué à collectionner les petits boulots, toujours harassé, qui des années plus tard reviendra dans sa ville natale, jusqu’au drame sur lequel s’ouvre le roman. La force de ce livre, c’est de brosser de façon poignante et tendre le portrait d’un homme ordinaire que sa mort terrifiante a sorti du lot. Avec la verve et l’humour qui lui sont coutumiers, l’écrivain nous le rend aimable et familier, tout en affirmant, par la voix de Ma Robinson, l’ex-gardienne de prison devenue pasteure, sa foi dans une humanité meilleure.


TOUJOURS PAS CONVAINCU ?

N’ayant pas terminé ce roman, je manque d’éléments pour vous fournir 3 raisons de le lire et 3 de ne pas le lire.

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