L’aube du diable

Ça vous dit de remonter le temps ? Alors retournons en 1956, en Lorraine, pour suivre le récit historique (mais romancé) de l’affaire Henri Breger, curé d’Uruffe. Je remercie chaleureusement les Éditions Ex-Æquo pour m’avoir permis ce voyage et cette découverte hors du temps.

L’aube du diable

264 pages – Éditions Ex-Æquo – Broché – E-book (03/2021)

Ce qu’il en est :
1956. Le prêtre Henri Bréger est muté à Marchiennes pour éviter un scandale dans sa précédente paroisse.
Je n’ai pas voulu me renseigner sur l’histoire vraie qui a inspiré l’auteur, pour me plonger entièrement dans l’univers qu’il décrit ici. Et je n’ai pas été déçue !
Dès le départ, on sent une double personnalité chez ce jeune et charmant prêtre. S’il ne portait pas la soutane, on pourrait le qualifier de « gendre idéal » tant ses attitudes et sa bienveillance semblent combler ses ouailles.
Malgré tout on découvre rapidement une part d’ombre grandissante, qui prend bien souvent le pas sur ses devoirs d’ecclésiaste, avec la capacité d’effectuer une volte-face en une poignée de secondes.
Henri Bréger séduit régulièrement ses paroissiennes, selon son bon plaisir ou ses « besoins » pécuniaires. Évidemment, dans ce petit village du Nord de la France, tout finit par se savoir. Les gens parlent et le raillent, mais continuent de courber l’échine devant lui pour continuer à s’attirer ses bonnes grâces, et la messe remplit l’église chaque semaine.
Mais la nature reste maîtresse en ce bas-monde, même dans la paroisse de ce prêtre qui anticipe chaque action et ses conséquences… Jusqu’à ce qu’il se retrouve au pied du mur, empêtré dans ses mensonges qu’il est presque le seul à croire.
Rongé par la peur d’être démasqué, de ne plus pouvoir faire face, il échafaude un plan machiavélique d’une violence rare, que peu de gens seraient capables d’appliquer jusqu’au bout.

L’écriture est fluide et addictive. La gravité des événements va crescendo et dévoile chaque fois un peu plus le mal qui incarne le père Bréger. Et je ne mâche pas mes mots. On ne parle pas ici de « possession démoniaque », mais bien d’un pervers narcissique, sadique et cupide, déguisé en curé.
Les scènes, tout comme les réflexions du prêtre, sont très bien racontées et parfaitement crédibles, même si l’histoire est romancée. Les conséquences de l’ascendant de Bréger sur ses villageois nous replongent dans l’époque d’après-guerre, où le rôle de l’Église dans la vie quotidienne des ménages n’était pas encore remis en doute. Surtout dans le milieu rural et ses cantons reculés.
Les pages se tournent vite, il n’y a pas vraiment de temps mort dans le récit. L’abus de pouvoir, de faiblesse, et l’horreur des dilemmes sont à leur comble dans ces lignes d’Arnaud Zuck. Tout y est détaillé, et on est toujours surpris de voir ce qui se cache sous L’Aube du Diable

Comme un voyage dans le temps, dans un milieu où le silence et les apparences font loi, ce livre est un vrai petit bijou.

Chapeau à l’auteur d’avoir su, au travers de sa plume, nous faire vivre cette affaire et les dommages qu’elle a causés dans un récit glaçant à souhait.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois