Jonathan Sato et les secrets des alchimistes - Jean-François Morin

Jonathan Sato et les secrets des alchimistes - Jean-François MorinJonathan Sato et les secrets des alchimistes, Jean-François Morin

 Editeur : Le lac aux fées

Nombre de pages : 446

Résumé : Jonathan n’a que 10 ans, mais il a de quoi être fier. Il s’apprête déjà à détenir son dragonneau. Dans la famille Sato, c’est une tradition. On est chevalier dragon de père en fils et protecteur du royaume de Sitra. Depuis vingt ans, la vie est paisible dans les rues de Vyria où Jonathan, sa petite sœur Emy et son meilleur ami Jany aiment à musarder. Mais un jour, les trois enfants découvrent un souterrain oublié, gardant dans ses profondeurs une science qui pourrait bien bouleverser l’équilibre du monde…

 Un grand merci aux éditions Le lac aux fées pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« Au loin, nous pouvions facilement distinguer les villes, les villages et les maisons isolées. Dans l’obscurité de la nuit, sur la ligne d’horizon, nous avions du mal à différencier l’éclat des étoiles des chaumières éclairées. Mes repères vacillaient et j’avais cette étrange impression d’être dans un autre univers où il n’y avait ni haut, ni bas, ni gauche, ni droite, ni espace, ni temps. »
- Mon avis sur le livre -

 J’ai beau savoir que l’habit ne fait pas le moine et qu’il ne faut pas juger un livre à sa couverture, je dois bien reconnaitre que c’est souvent ladite couverture qui m’aiguille en premier lieu : j’ai tendance à considérer que la couverture reflète le livre, ou plus précisément que le soin apporté à la couverture reflète le soin apporté au texte. La qualité de l’illustration, le choix des couleurs, de la police de caractère du titre, et même de la place du nom de l’auteur, en disent selon moi beaucoup sur la qualité globale du travail éditorial de l’auteur autoédité ou de la maison d’édition … Rien qu’à la couverture, je sais généralement à quoi je peux et je dois m’attendre au cours de ma lecture, et pour l’instant, cet instinct visuel ne m’a que très rarement trompée. C’est ainsi que j’ai à peine lu le résumé de ce roman avant de le demander en service presse : la combinaison du titre et de la couverture me promettait une histoire qui ne pouvait que me plaire, et une fois encore, cette intuition s’est révélée parfaitement juste ! Je sens qu’il va d’ailleurs être très difficile de trouver les mots justes, tant ce roman est génial !

Chez les Sato, on est chevaliers dragons de générations en générations : depuis que leur illustre ancêtre a trouvé le remède au terrible virus qui décimait la population de ces fabuleuses, leur famille est la seule habilitée à les élever et les dresser. Jonathan n’a que dix ans, mais il s’apprête déjà à avoir son propre dragonneau : jamais personne n’a reçu un dragon aussi jeune, et le petit garçon est partagé entre la joie, la fierté, et l’inquiétude. Sera-t-il à la hauteur de cet immense honneur ? Saura-t-il s’occuper correctement de son petit dragonneau, et méritera-t-il un jour ce titre de maitre dragon ? Heureusement, Jonathan a le soutien de toute sa famille, en particulier celui de sa si bavarde petite sœur Emy … sans oublier celui de son meilleur ami Jany, un véritable puit à savoir qui aurait été plus à sa place à l’école des érudits qu’à celle des chevaliers. Ensemble, les trois enfants et le petit dragonneau aiment vagabonder dans la Forêt des Nids … jusqu’au jour où ils découvrent par hasard l’entrée de mystérieux souterrains. Parviendront-ils à percer les secrets qui referment ces galeries ?

Après quelques années durant lesquelles la dystopie a volé la vedette, la fantasy reprend du poil de la bête : les rayonnages des librairies débordent d’histoires d’elfes et de dragons, et on a parfois le sentiment que tous se ressemblent. Et puis, il y a ceux qui sortent du lot, mais en toute discrétion, dans l’ombre de maisons d’édition un peu moins connues et réputées, mais qui se préoccupent de la qualité plus que de la quantité. Et indéniablement, indiscutablement, incontestablement, l’auteur signe ici une vraie petite pépite de fantasy comme on n’en trouve que très et trop peu … et cela en toute sobriété. De nos jours, les auteurs ont souvent tendance à en faire trop, s’imaginant sans doute que pour se démarquer, il faut absolument être celui qui rendra son récit le plus sensationnel possible : ce n’est alors plus qu’une déferlante d’action, avec des batailles « épiques » et sanglantes à tous les chapitres, avec des complots à n’en plus finir, des trahisons, des empoisonnements, des élus aux pouvoirs infinis, au courage inhumain et à l’ingéniosité inouïe … Jean-François Morin, lui, a compris que l’essentiel ne se trouvait pas dans cette surenchère, qu’il ne fallait pas impressionner le lecteur mais plutôt lui donner ce sentiment d’être chez lui, à sa juste place, à chaque fois qu’il rouvre le livre …

Et c’est donc ainsi que l’auteur nous invite à faire la connaissance de Jonathan, un petit garçon ni plus doué ni plus courageux que les autres. Alors bien sûr, Jonathan va éminemment sous peu avoir son propre dragon, ce qui n’est pas donné à tout le monde, mais pour le reste, petits et grands lecteurs peuvent aisément se retrouver en lui. Car Jonathan n’est ni l’élève le plus doué de sa classe, ni le plus apprécié, bien au contraire : son meilleur ami Jany et lui sont plutôt les souffre-douleurs de leurs camarades, Jany parce qu’il est fils de fermier et donc considéré comme un intrus par tous ces fils de chevaliers, et Jonathan parce que sa famille a un statut particulier qui attise la jalousie … Alors qu’il n’y a pas plus humbles que les Sato qui, contrairement aux autres familles de chevaliers, ne rechignent jamais aux tâches les plus harassantes : alors que tous ces gosses, fils de chevaliers « normaux », retournent se prélasser chez eux pendant les vacances, Jonathan retrouve ses parents, oncles, cousines, grands-parents dans les champs pour la moisson, pour l’entretien de la dragonnerie ou pour le déboisement de la clairière où sera construit le nid du dragonneau !

Il y a vraiment dans ce récit une simplicité, une rusticité, particulièrement réconfortante : on renoue avec le cœur de la fantasy, qui est le gout du rêve et du merveilleux, et non pas de la guerre et de la mort … Ici, ce n’est pas un danger quelconque qui est au cœur de l’intrigue, mais bien plus la curiosité (et les bêtises) de trois enfants : alors qu’ils se glissent en douce dans les jardins du Comte pour observer un peu plus longuement les animaux exotiques du défilé, Jonathan, Emy et Jany découvrent des souterrains … qu’ils ne peuvent s’empêcher d’explorer sans en parler à personne. J’ai aimé vivre avec eux cette excitation des explorations secrètes et interdites, des découvertes incroyables et sans aucun doute dangereuses. Bien sûr, en tant qu’adulte, j’avais parfois envie d’aller les sortir de là par la peau du cou, mais l’enfant qui continue de vivre dans mon cœur était tout simplement ravie et émerveillée. Et que c’est drôle de les voir se dépatouiller comme ils peuvent pour garder tout ceci secret, j’ai adoré leurs facéties, leurs bourdes également … Et même l’arrivée progressive d’une ombre, cette menace qui se dévoile en même temps que se lèvent tous ces mystères, le lecteur la savoure : c’est tellement bien amené, on est curieux de voir où cela va nous mener !

En bref, vous l’aurez bien compris, j’avais beau m’attendre à apprécier, je ne m’attendais clairement pas à un tel coup de cœur ! Je suis tombée amoureuse de la richesse de cet univers, mais une richesse qui ne s’exhibe pas, qui reste discrète : l’auteur n’a pas fait étalage de son imagination comme aiment tant le faire nombre d’auteurs de fantasy, il se « contente » de nous raconter une histoire se déroulant dans son univers. Et quelle histoire ! Il nous rappelle que beauté rime avec simplicité, qu’il n’y a pas besoin de surenchères de prophéties et de quêtes désespérées pour offrir au lecteur une aventure tout simplement captivante et poignante. Nos trois petits héros ne font « rien » de plus que d’explorer des souterrains à deux pas de chez eux, mais cela suffit à nous happer : tout comme eux, on est dévoré par l’envie de savoir ce que cachent ces galeries. Et tous leurs stratagèmes pour éviter que leurs parents ne découvrent leurs cachoteries, tous ces moments où ils sont à deux doigts d’être pris en flagrant délit de vagabondages dans un lieu potentiellement très dangereux, nous tiennent en haleine aussi efficacement qu’une bataille épique entre deux grandes armées ! Bref, c’est une vraie réussite, et le plus gros problème, désormais, ça va être de patienter jusqu’en décembre 2021 pour découvrir la suite de l’histoire !


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois