My broken Mariko de Waka Hirako

J'admets avoir eu peur en tenant cet ouvrage entre les mains. Pas peur que ce soit mauvais, mais peur de ce que j'allais ressentir à sa lecture. Depuis le drame qui m'a secouée, je suis devenue bien plus sensible à ce genre de récit. Pourtant, l'histoire de Tomoyo et Mariko m'appelait de toute ses forces alors j'ai fini par craquer.

My broken Mariko de Waka Hirako Le road trip rédempteur qui a ému le Japon !

Quand Tomoyo apprend aux informations la mort de son amie Mariko, elle n'en croit pas ses oreilles. Elles s'étaient pourtant vues la semaine précédente, sans que rien ne laisse présager un tel drame. Mariko, à la jeunesse brisée, qui lui vouait une admiration sans bornes et qui s'est vraisemblablement suicidée...

Indéniablement ( décidément, j'aime bien ce mot), ce manga m'a secoué de la tête aux pieds. Déjà par sa force narrative, mais aussi par ce coup de crayon incisif, parfois empli de rage et de désespoir qui va jusqu'au bout des choses. Le graphisme ne ménage pas le lecteur. Sans doute plus que l'histoire en elle-même qui est abordée de façon incroyablement pudique.

Tomoyo apprend un peu par hasard la mort de sa meilleure amie. Très vite, après l'incompréhension que suscite une telle nouvelle, Tomoyo n'a plus qu'un but : récupérer l'urne funéraire de son amie. Parce que Tomyo lui a toujours promis d'être là pour elle. Parce qu'elle était la moins brisée des deux, la plus forte.

[Avant d'aller plus loin dans mon billet, j'aimerais rappeler qu'au Japon, il n'est jamais de bon ton de montrer ses émotions. Par exemple, à un moment dans le manga, quand Tomoyo explique à un collègue que sa meilleure amie est morte et qu'elle a besoin de temps, ce dernier lui dit que ce n'est pas une raison valable pour s'absenter ou faire un moins bon travail.]

À travers la douleur du deuil, s'ajoutent également les réminiscences d'un passé sordide pour Mariko. Enfant battue et violée par son père, rejetée par sa mère qui l'accuse de tous les mots. Sans Tomoyo entrée à ce moment-là dans sa vie, Mariko aurait probablement sombré bien avant d'une manière ou d'une autre.

À travers cette histoire de deuil, de suicide, c'est également une mise en avant ( peut-être un peu timide) sur ce que vivent ces enfants victimes de violence familiale et d'inceste. Je trouve que Waka Hirako en parle sans en faire trop. Le graphisme est là, plus que les mots, pour dénoncer ces faits divers trop souvent étouffés. Parce qu'il y a la honte, parce que tout le monde préfère faire l'autruche. Et d'ailleurs, j'ai remarqué que dans les souvenirs de Tomoyo, hormis, elle, personne n'avait l'air de s'étonner du visage contusionné de la petite fille.

On pourrait regretter que la mangaka n'aille pas jusqu'au bout des choses, mais le sujet n'est pas vraiment là. Il s'agit d'un road-trip funéraire, la promesse d'une amie à une autre...

Oui, Mariko était brisée, et sa vie d'adulte a été définie par ce passé qui a fini par l'engloutir. D'ailleurs, Mariko, dans les souvenirs de Tomoyo, le dit souvent. Et une phrase qu'elle prononce m'a émue aux larmes :

" J'aimerais bien me réparer, mais je ne sais plus par où commencer ! " Tout est dit en deux bulles.

Cette vie et ce poids étaient trop lourds à porter pour cette jeune fille malheureuse et amochée.

Tomoyo va donc faire ce qu'elles avaient toujours rêvé de faire ensemble : un road trip. La jeune femme emmène avec elle les cendres de son amie, bien décidée à tenir cette promesse !

Bien sûr, ce périple ne sera pas sans blessure (de l'âme). C'est incisif, coupant, ça fait mal et pourtant, Tomoyo arrivera à trouver une forme d'apaisement au rythme de rencontres aussi improbables qu'essentielles. Je salue la sensibilité à fleur de peau de Waka Hirako qui nous offre là une œuvre magistrale.

Tomoyo est une héroïne forte, très expressive. À propos, voilà un personnage atypique pour une Japonaise. Tomoyo n'a pas peur de montrer ses émotions et elle les vit aux centuples. Le dessin de Waka Hirako transcende cette souffrance et cette impuissance que ressent son héroïne. C'est très fort et osé. " Expressif " est mot qui définit très bien le coup de crayon de la mangaka tantôt violent, acharné ou plus doux.

Et puis, deux planches m'ont particulièrement parlé. L'une d'elles m'a même laissé sans voix parce qu'elle est bourrée de significations. Pour moi, c'est même un coup de génie  ! Quant à l'autre, c'est une phrase dite par un inconnu au sujet du deuil :

" Le seul moyen de ne jamais perdre contact avec les absents c'est d'être soi-même en vie ! "

Peut-être que pour certains, ça paraitra bateau, mais je peux vous garantir que c'est important de se le rappeler quand on a perdu un être cher.

J'admets avoir pleuré comme un bébé à la lecture de ce one shot. C'est beau, c'est pensé avec finesse, ça prend aux tripes et puis ça fait réfléchir.

Dans l'ensemble, est un joli coup de cœur pour moi. Une histoire importante. Parce que justement, au fond, ce n'est pas juste une histoire.

Suite à cet OS, j'ai eu la surprise de découvrir une interview de la mangaka qui explique comment elle a imaginé ce récit et comment elle est devenue mangaka. Il faut la lire pour mieux appréhender My Broken Mariko.

My broken Mariko de Waka Hirako


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois