La petite fille de Monsieur Linh. Philippe CLAUDEL - 2007

La petite fille de Monsieur Linh. Philippe CLAUDEL - 2007

La petite fille de Monsieur Linh

Philippe CLAUDEL

Le Livre de Poche, septembre 2007
192 pages

Thèmes : Migrants, Exil, Mémoire, Amitié

Être arraché à son pays, ravagé par la guerre, dévasté par la perte de sa famille décimée par les bombes. Non nommé se pays pour mieux le quitter. Se retrouver dans un bateau pour partir loin, quelque part, n'importe où, qu'importe. Peut-être que la destination a été dite, peut-être pas, ne pas la comprendre, ne pas comprendre tout court d'ailleurs, se rattacher aux souvenirs, s'y raccrocher, s'accrocher à ce qui reste, désespérément, illusion de ces racines, réalité du poids dans ses bras.
Sa petite-fille.

Monsieur Linh est un vieil homme ballotté, trimballé, déplacé. Chaque jour se ressemble, avec son isolement qui le protège, de l'extérieur, des moqueries de ceux qui partagent sa chambre, jusqu'à ce qu'il ose sortir, s'asseoir sur un banc face à l'entrée d'un parc, y revenir, et faire la rencontre par habitude d'un gros homme.
Monsieur Bark.

Sans qu'il sache le sens des mots de cet homme qui est à côté de lui depuis quelques minutes, il se rend compte qu'il aime entendre sa voix, la profondeur de cette voix, sa force grave. Peut-être d'ailleurs aime-t-il entendre cette voix parce que précisément il ne peut comprendre les mots qu'elle prononce.

Là, un but se dessine, une envie s'affirme. Une improbable amitié naît. Une amitié faite de différences et de silences, de respect inné, de souffrances qui s'expriment sans réponses et font se rejoindre les cœurs. Aucun ne comprend ce que l'autre dit. Et pourtant, ils se retrouvent et partagent. Et toujours dans les bras de Monsieur Linh, sa petite fille, celle pour qui il tient.
Une enfant si sage, si mutique.

Les deux hommes se disent longuement au revoir en se disant bonjour.

Puis un nouveau départ.
Incompréhensif, brutal, violent, inexpliqué.
Révoltant.

Qu'est-ce-donc que la vie humaine sinon un collier de blessures que l'on passe autour de son cou ? A quoi sert d'aller ainsi dans les jours, les mois, les années, toujours plus faible, toujours meurtri ? Pourquoi faut-il que les lendemains soient toujours plus amers que les jours passés qui le sont déjà trop ?

La petite fille de Monsieur Linh est un roman sensible, touchant et troublant.
Avec pudeur et délicatesse, Philippe Claudel parle du déracinement, de la perte, des morts qu'on laisse derrière soi, des espoirs déçus, de fatalité, de mémoire, d'amitié, de ce qui permet de tenir, de survivre et peu à peu, de revivre.

C'est un roman éminemment humain, en deux temps, dont la deuxième partie, que j'ai lu comme en apnée, m'a émue, bousculée et même révoltée... jusqu'à la chute. Celle qui explique tout, qui glace autant qu'elle éclaire.
Et de nous interroger sur ce que l'Homme juge " bon " pour ses semblables.
Et au nom de quoi.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois