Elena Ferrante – La vie mensongère des adultes ***

Elena Ferrante – La vie mensongère des adultes ***

Gallimard – juin 2020 – 416 pages

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Giovanna, fille de professeurs, habite les quartiers hauts de Naples, évoluant au sein d’un monde assez privilégié. Elle n’a que douze ans lorsqu’elle entend une conversation dans laquelle son père la compare à Vittoria, une tante qui est aussi laide que mauvaise. « Le nom de Vittoria résonnait chez moi comme celui d’un être monstrueux, qui souille et infecte quiconque l’effleure. » Ces paroles blessent la toute jeune adolescente, dont la confiance en elle se fragilise ; elle se sent dévalorisée, ébranlée dans son amour-propre.

Giovanna cherche alors à en savoir davantage sur cette femme qu’elle n’a quasiment jamais vue et dont elle ne connaît rien. En fouillant dans les photos de famille, elle déniche quelques clichés sur lesquels son père apparaît aux côtés d’une personne recouverte de feutre noir… Ne pouvant résister à la curiosité qui la tiraille, la jeune fille décide de rencontrer sa tante – descendant dans les quartiers napolitains les plus pauvres. Ces quartiers qu’elle ne connaît pas, qui lui sont étrangers et dans lesquels son père a pourtant grandi.

Giovanna est immédiatement fascinée par cette femme occultée et dénigrée par ses parents et ne peut s’empêcher de boire ses paroles ; elle découvre alors les mensonges et cachotteries dont sont capables – coupables – les adultes.

« Des mensonges, encore des mensonges : les adultes les interdisent et pourtant ils en disent tellement. »

La rencontre avec Vittoria coïncide avec l’entrée dans l’adolescence. L’âge où la frontière entre le bien et le mal s’aiguise, où les sentiments affleurent et secouent. La métamorphose s’opère. Giovanna se plonge dans ce monde différent du sien, faisant voler en éclat ses repères et ses certitudes.

« Que se passait-il dans le monde des adultes, dans la tête de ces personnes très raisonnables, dans leurs corps pétris de savoir ? Comment était-il possible qu’ils soient parmi les moins fiables des animaux, pires encore que des reptiles ? »

Elena Ferrante explore avec talent la complexité des sentiments humains, ici au moment de l’adolescence. Cet âge si complexe – cette noirceur qui s’éveille, ce mauvais caractère qui s’ébroue, ces envies de tout foutre en l’air qui pulsent au cœur des entrailles.

Un beau roman, porté par la plume fougueuse et sombre qui se déploie telle une plante vivace, grimpante et dévorante. La beauté de la plume fait écho à la beauté de cette âme adolescente qui cherche à comprendre le monde adulte, s’y heurte avec pertes et fracas et cherche en vain une figure à laquelle s’identifier. Il se dégage de ce récit une force vive, à la fois ténébreuse et lumineuse, à l’image de cet âge charnière.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois