Ogresse – Aylin Manço

Note de la rédaction : La rédactrice de ce blog s'excuse pour le changement de forme qui désormais sévira sur les articles du blog. C'est pas sa faute, c'est WordPress qui a un goût de chiotte et qui ne laisse pas la liberté de CHOISIR ce qu'on veut : les textes justifiés notamment. Ma maniaquerie est totalement traumatisée.

L'autre jour, en lisant Ogresse d'Aylin Manço, petite nouveauté Exprim' des éditions Sarbacane (plus si nouvelle, la parenthèse confinée étant venue dégueuler sur ma ligne temporelle, j'suis encore toute étourdie), je me suis dit :

" Dis donc tantine, ça fait un paquet de temps que tu ne t'étais pas prise un uppercut en pleine maxillaire comme ça ou j'me trompe ? "

Non non chère alter-ego imaginaire, tu ne te trompes pas du tout :

ça fait bien un sacré bout de temps que je n'avais ressenti cette petite excitation au creux du bide, ce petit sourire au coin gauche des lèvres, ce hochement de tête satisfait devant 1/ une histoire tourneboulante et surprenante 2/ une plume crue, perçante, " disséquante " qui touche à tous les coups là où ton palpitant demeure.

Fi de préambule,

Hippolyte, ou " H " pour les copains, c'est l'adolescente qui n'avait rien demandé à personne - sinon de vivre sa petite vie tranquille de lycéenne belge à Bruxelles sans accroc à manger des kebabs avec ses copains. Or voilà, à la rentrée, tout a changé :

1/ Ses parents divorcent et le père, clé de voûte de l'équilibre familiale, a quitté le domicile.

2/ Kouz, le meilleur pote d'enfance, est soudainement de plus en plus distant et à cette époque de la vie qui sent bon les chaussettes sales et le déodorant à bas prix, est devenu accessoirement un gros con.

3/ Sa mère ne semble pas dans ses baskets : outre ses étranges nuits passées dans la cave, elle se jette un soir sur sa fille pour la mordre.

4/ Et la gentille et vieille voisine qui lui filait des spéculoos mollassons a mystérieusement disparu...

Autant vous dire que la pauvre H, taiseuse et recroquevillée comme un Bernard l'Hermite dans sa coquille, va vivre une année ultra, ULTRA compliquée.

(et je vais vous expliquer pourquoi)

Déjà, là-dedans ça mêle les genres avec la classe, la maîtrise et le goût du risque d'un Adrien devant un pied de cochon et une bizarrerie tout droit sortie de la mer* : sur le moment on ne sait pas comment va s'accorder cette mélasse, pour finalement se retrouver émerveillé.

A la fois comédie dramatique d'ados avec ses problématiques (les premiers émois, les relation avec les parents et les copains-copines sur la tangente) et roman fantastique là où l'ordinaire frise avec l'innommable et l'horreur absolue, Ogresse se démarque par cette volonté de ne pas coller à un genre en particulier et prouve qu'au contraire les mélanges bien dosés, bien pensés peuvent faire sortir une génialité hors du commun.

Et c'est d'ailleurs par cette dualité des genres qui fait tout le sel et la surprise du roman et de son intrigue thriller-isé : le lecteur, ce petit lapin fluffy pris entre les phares d'une voiture fonçant à toute vitesse, ne sait jamais vraiment si au détour d'une page il va rigoler d'une blague, lever les yeux au ciel face à un comportent d'ado en mal de virilité, fondre devant la pipounise d'une relation amoureuse naissante ou si à l'inverse il va se prendre la réalité crue, l'invraisemblable qui rencontre le réel en. pleine. ganache.

Je pourrais vous dire que toute cette merveille tient en une seule et simple chose, mais en fait la recette est bien plus complexe.

Parce que voyez les personnages, ces petits gars, ces petites meufs sont les petites pépites du roman.

Leur justesse, pour moi c'est comme la collerette de crème au beurre qui fixe la tête et le corps dodu de la religeuse (la pâtisserie) : sans elle, l'ensemble n'a ni queue ni tête, ni originalité ; rien ne tient, tout se casse la figure pour se trouver n'être qu'un simple et triste chou fourré : un éclair au chocolat affreusement banal en somme.

  • Kouz, donc, le copain bien macho immature de gamin de 16 ans qui ne s'est pas faire avec les filles et masque donc son inexpérience par un machisme de boloss claqué ;
  • Benji le poète de la bouffe optimiste qui opère dans le groupe comme le briquet magique de Dumbledore avec cette petite touche de légèreté et d'espoir qui fait chaud au chocolat ;
  • Lola la complexé timorée qui cache un lourd secret... et un caractère en acier trempé ;
  • H qui gonfle de l'intérieur d'un trop plein d'émotions et d'amour et qui essaye de se dépatouiller comme elle peut...
Ils m'ont

calotté

le tréfonds de ma cage thoracique

avec leur maladresse, leur désarroi face au monde adulte - quand les grandes personnes perdent pied -, leur petite lâcheté aussi (ça j'ai adoré), bref on a des gosses nature peinture qui tentent de trancher dans le brouillard avec leurs petits bras, claudicants mais vaillants dans une histoire d'horreur qui se révèle être une belle et forte histoire d'Amour(s), de coeur sanglant, de coeur battant, de coeur vascillant...

*Top Chef. Les vrais savent.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois