Une machine comme moi - Ian McEwan ***

J'ai été tentée par la lecture d'Une machine comme moi grâce à plusieurs avis (dont ceux de Kathel et de Keisha) parce que ce récit fait partie du registre du fantastique, parce qu'il parle d'Alan Turing, mathématicien anglais, cryptologue et premier informaticien, parce que j'avais été scotchée par le sublime Expiation  (lu et pas pour l'instant chroniqué, mais cela viendra en son temps).
J'ai lu Une machine comme moi de Ian McEwan en même temps que Le discours de Fabrice Caro, deux lectures complémentaires et agréables. L'une sans l'autre, la lecture de chacune des œuvres aurait été plus fade. Une machine comme moi - Ian McEwan *** Charlie est un trader en ligne, sans grand talent et toujours attiré par les nouvelles technologies. Pour cette raison, il acquiert un " Adam ", humanoïde beau de sa personne, doté d'une intelligence, percutant et efficace, qui accessoirement par son charme pourrait faire de l'ombre à "son maître" auprès de Miranda, la charmante mais néanmoins intrigante voisine. 
Une machine comme moi démarre comme un Jules et Jim, mais s'en affranchit assez vite. Au cours de ma lecture, j'ai eu le sentiment que l'auteur avait envisagé/abordé/franchi plusieurs chemins : parler d'intelligence artificielle et des éléments éthiques posés, discuter de la vie intime d'Alan Turing, faire vivre un trio amoureux, glisser une enquête policière avec une une héroïne -Miranda- emplie de mystère(s), parler de l'enfance malheureuse avec Mark, raconter l'Angleterre politique, sociétal et social des années 80, rédiger un écrit uchronique mêlé à du fantastique.
Ian McEwan incrémente plein de petits détails, met un focus un moment donné sur un des chemins comme s'il se promenait dans une pièce obscure dont il éclairait un temps donné chaque recoin avec une lampe torche. Au final, c'est plaisant, cela donne une impression de patchwork mais aussi cela diffuse une dispersion : rien ne m'a vraiment attendrie dans cette histoire.
J'ai bien sûr admiré la qualité narrative de Ian McEwan, sa capacité à agencer les pièces du puzzle mais au final, le sentiment qui prédomine chez moi est l'ennui et surtout mon incapacité à m'attacher aux personnages : aucun.e ne m'a attiré.e, tous naviguent un peu comme des consommateurs, il m'a manqué leur humanité. Pourtant ils sont loin d'être parfaits. Ce détachement est peut-être voulu par l'auteur, peut-être uniquement de mon fait mais contrairement à Expiation où j'ai vibré de la première à la dernière page, où j'ai volontairement éternisé la lecture (quand je m'attache, je quitte difficilement. Mon cher et tendre de longue date est prévenu !), je dois reconnaitre que j'ai beaucoup peiné avec Une machine comme moi.
J'ai aussi eu l'impression (et là encore peut-être à tort) d'un manque de bibliographie : autant Expiation a un univers et une prose nourris de références, Une machine comme moi présente tous ces éléments comme survolés et c'est peut-être bien là où réside le problème, enfin mon problème (!) d'appropriation de cette œuvre : à trop vouloir tout aborder sans approfondir, Ian McEwan laisse un ensemble bien écrit mais allégé : Turing, réduit à son homosexualité, est "utile" pour donner une sorte de jalon scientifique mais n'est pas exploité comme protagoniste et ses apparitions apportent finalement peu à l'histoire ; Mark intervient pour le côté filiation/paternité mais est vite oublié puis ramené comme un objet qu'on jette et qu'on récupère ; Adam bascule un peu dans les oubliettes au cours de lecture et est réanimé en toute fin de livre pour un petit retournement de situation ; même les thèmes comme l'éthique ou la culpabilité auraient pu avoir une exploitation plus fouillée. 
En gros, si j'avais à résumer ce que je pense de la construction de Une machine comme moi, j'ai eu le sentiment que l'auteur a écrit son roman sans vraiment avoir en tête un scénario (d'où l'explosion de thématiques, d'éclairages) -ou alors avait uniquement une esquisse de squelette-, scénario qu'il a dessiné au fur et à mesure de sa rédaction. Comme Ian McEwan est relativement logique, le tout se tient et est assez cohérent mais forme un ensemble littéraire qui manque de consistance, selon moi. Du coup, son discours sur la suprématie des machines et leur capacité à terme à suivre un comportement humain perd en aura. D'où mon ennui et mon recours à une seconde lecture en parallèle.
À la mode d'Alex : l'image que je retiens est la rencontre brève d'un Adam et d'une Eve dans un parc... le moment assurément le plus touchant !
Éditions Gallimard
Traduction de France Camus-Pichon
autres avis : Kathel , Keisha, Athalie, Dasola,

wallpaper-1019588
Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois