Les magnolias de Florent Oiseau

Les magnolias de Florent OiseauLes magnolias

Florent Oiseau

Editions Allary

Janvier 2020

224 pages

Les magnolias, c’est le nom donné à un mouroir, euh pardon, un Ehpad. Ils sont un peu fanés les magnolias dans un tel endroit. C’est fou comme on plaque toujours des noms fleuris sur des lieux de fins de vie. On pourrait dresser la liste des noms que l’on pourrait donner à ces endroits comme Alain dresse la liste des noms que l’on pourrait donner à des poneys. Pour passer le temps.

L’odeur d’eau de Cologne, de produit de nettoyage et de merde, je connais, malheureusement, je ne connais que trop. Le « mouroir » comme dit Alain, j’y entre régulièrement et c’est exactement tel que le décrit l’auteur. Pas mieux, pas moins bien, pareil ! Je me suis extasiée sur chaque description, sur chaque regard posé sur ces non-vies, c’était ça, exactement ça, je n’aurais pas dit mieux. Florent Oiseau a mis des mots sur ce que j’éprouve à chaque fois que je pénètre dans l’antre de la vieillesse.  Et il a encore raison lorsqu’il évoque ce que cela nous fait à nous, visiteurs, c’est davantage la projection qui nous effraie que la réalité présente. On ne veut surtout pas se retrouver un jour là-dedans !

« Quand on y réfléchit un peu, de façon honnête, quand on passe du temps dans les maisons de retraite, dans les hôpitaux, alors on comprend qu’on ne plaint pas les vieux, qu’on n’est pas triste pour eux. On est triste pour nous, triste de s’imaginer à leur place un jour ou l’autre. C’est toujours soi qu’on plaint le plus, et de loin. »

Tout m’a touchée.

Le côté anti-héros, type pas vraiment mal dans sa vie mais pas vraiment bien non plus, qui se laisse couler, sans rien faire, l’incarnation de la nonchalance. D’ailleurs, Alain n’est pas le seul, son oncle est pas mal dans son genre, un pauvre type qui porte sur lui tout le malheur du monde. Et puis son ami et agent est un personnage haut en couleurs, bien loser aussi, mais de manière différente, un loser qui agit, pas toujours dans le bon sens, lui, il tente des trucs foireux. Bref ! Ces trois personnages sont attachants au possible.

L’écriture m’a touchée, tout en finesse, avec des images grinçantes, un ton un peu décalé, mais aussi un petit côté mélancolique, amer, et sa vision juste des situations. Un soupçon de gravité enrobé dans un emballage humoristique avec un arôme poétique.

L’histoire aussi m’a touchée, ce comédien raté dont le seul grand rôle fut celui d’un cadavre dans une série de TF 1, s’intéresse tout à coup à la vie de sa grand-mère (qu’il va voir tous les dimanches plus par habitude que par plaisir) et ce qui pourrait devenir un énième roman sur les secrets de famille et la vieillesse devient un roman décapant sur la difficulté à vivre une vie ordinaire.

« La macédoine, ça sent le chagrin, je trouve que c’est un plat émouvant. »

« – Tu n’étais pas heureuse avec pépé ?
– Il a toujours été là, c’était comme un bras ou une jambe. On n’aime pas une jambe, on vit avec. Et puis, un jour on vous l’enlève et tout devient bancal. »

« Parfois, la vie ne vous donne rien pendant des années, des décennies. Pas un trèfle à quatre feuilles, pas un Noël sous la neige, pas un billet de banque retrouvé dans une vieille veste. Aucune satisfaction, pas la moindre victoire, rien à manger pour l’ego. Elle ne vous donne tellement rien que vous pensez qu’elle vous a oublié. Vous êtes sous le porche d’une gare de province, un soir, et il pleut des cordes. Vous êtes trempé, il fait froid, vous êtes seul, le dernier bus vient de passer. Même un clébard ne viendrait pas vous tenir compagnie. Et alors que vous ne l’attendiez plus, elle vient vous éclairer dans la nuit de ses phares emplis d’espoir. Elle fait ça pour tout le monde. Certains sont devant les pleins phares chaque journée, d’autres -la majorité- doivent se contenter de brefs faisceaux, d’éphémères éclaircies. Mais la vie finit toujours par revenir chercher les oubliés sous les porches des gares de province. »

Ce roman, je l’ai demandé à Netgalley, grâce à l’article de Jérôme. Je remercie donc Netgalley, Les éditions Allary, et Jérôme.

Les magnolias de Florent Oiseau


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