Mojo Hand - Arnaud Floc’h

Mojo Hand - Arnaud Floc’h 1926, dans les marais de Louisiane, après une tempête. Wilson Darbonne trouve un gamin de 2 ans endormi près d’un tronc d’arbre. Orphelin ou abandonné, l’enfant n’a aucune chance de survie, seul dans le bayou. Wilson le ramène chez lui et, au grand dam de sa femme, décide de le garder. Il faut dire que Wilson est noir et le bambin « blanc comme un ver ». Baptisé Bellerophon et surnommé Bello, l’enfant grandit auprès de Cleytus, le fils aveugle des Darbonne. Devenus des frères de cœur, les garçons vivent ensemble dans la cabane de la famille en pleine forêt, isolés du monde extérieur. Il faut dire que si on découvrait qu’un noir a « volé » un enfant blanc et l’a élevé comme l’un des siens, le châtiment pour Wilson serait terrible.
Au fil des années, Bello et Cleytus développent une passion commune pour la musique qui les pousse à sortir du bayou pour aller faire quelques concerts dans la ville la plus proche. Cleytus est rapidement considéré comme un virtuose de la guitare tandis que Bello se contente de l’accompagner au banjo. De plus, ce dernier constate qu’il n’est pas le bienvenu dans les bars noirs où ils se produisent. Peu à peu les relations entre les deux musiciens vont se distendre, au point de fissurer des liens qui semblaient pourtant indéfectibles.
Mojo Hand - Arnaud Floc’h Avec un tel postulat de départ, on imagine facilement la tragédie à venir. Deux « frères » de couleur différente dans la Louisiane des années 30-40 jouant de la musique ensemble, ça ne pouvait que tourner au  vinaigre et finir par un lynchage. Mais Arnaud Floch n’a pas choisi de mener son récit là où tout le monde l’attendait. La tragédie survient bien, pas la peine de cacher cette évidence, mais la tournure prise par les événements est vraiment inattendue. L’évolution des relations entre Bello et Cleytus est tortueuse, complexe. Chacun souffre à sa façon, chacun exprime sa souffrance à sa façon, et tous deux vont être emportés par leurs démons intérieurs.
Le dessinateur de l’excellent Emmett Till restitue une fois de plus à merveille l’ambiance  du Sud profond. La chaleur poisseuse du bayou, les chanteurs de blues au coin des rues ou dans les clubs, la misère qui a suivi la crise de 29 et la ségrégation partout présente offrent une plongée saisissante dans une époque particulièrement troublée. Une belle réussite !
Mojo Hand d’Arnaud Floc’h. Sarbacane, 2019. 112 pages. 19,50 euros.
Mojo Hand - Arnaud Floc’h
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