Cherry de Nico Walker

Cherry de Nico WalkerCherry

Nico Walker

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard

Les arènes

2019

D’abord, je me suis dit que je ne le chroniquerai pas parce que ça allait être trop compliqué d’expliquer mon exact ressenti.

Ensuite, j’ai balayé d’un revers de main ce moment de découragement, et j’ai décidé de relever le défi. J’ai peur de rien, moi, non mais !

Avant toute chose, il faut situer le contexte. L’auteur est en prison, il doit en sortir en 2020 c’est-à-dire très prochainement. Il a fait la guerre en Irak, il s’est drogué à outrance, il a braqué quelques banques pour acheter son héroïne et pourtant il précise au début du livre :

Ce livre est une œuvre de fiction.

Ces choses-là n’ont jamais eu lieu.

Ces gens n’ont jamais existé.

Et bien sûr, on sourit. Parce qu’évidemment il nous fait un clin d’œil.

Le narrateur est raide dingue d’’Emily, mais il s’engage tout de même dans l’armée et il va passer un an en Irak. Vous imaginez ce que cela peut faire sur un homme ? Sur un homme déjà fragile, déjà drogué, mal dans sa peau et mal dans sa vie. Et bien, c’est pas joli, joli.

Quand il va rentrer aux Etats-Unis, il sombrera totalement, une descente aux enfers sans pause pour respirer, une vraie chute, en compagnie de son amie toxique, l’héroïne, et de sa copine Emily qui ne va pas mieux que lui. Pour financer sa dope, il braquera des banques, c’est d’ailleurs sur cette image (son arrestation lors du dernier braquage) que le roman commence.

Suite aux remerciements de l’auteur, je dirais que le narrateur est un trou du cul mais qu’il m’a plu, ou tout au moins, qu’il m’a émue. Mais je vais développer.

Ce personnage principal possède tous les atouts pour être détesté : il a des accès de violence, il n’est ni bon ni mauvais, juste un pauvre type qui essaie tant bien que mal de survivre, il n’est pas toujours cool avec sa copine, ni avec les femmes en général. Mais comme il ne se donne jamais le beau rôle, et bien il arrive à nous émouvoir. Il parvient, grâce à une froide ironie, à nous faire passer la pilule, à accepter de lire un roman sur un type pas plus sympathique que ça.

Ce personnage s’est enrôlé dans la drogue comme il s’est enrôlé dans l’armée. Ca l’a vite saisi ! Et il nous raconte tout ça avec son langage de jeune drogué, un langage bien familier, bien cru. Et c’est là que je tique un peu. Les romans noirs, sombres, glauques, j’aime ça, c’est ma came, c’est mon moteur. Les fins tragiques, pessimistes, avec bien peu d’espoir, j’aime ça aussi. Le langage cru, familier, ne me gêne pas, sauf… quand ça envahit les pages, que ça les noircit tellement qu’on aimerait parfois une petite phrase bien tournée, bien poétique, un truc qui claque mais sans « fuck ». Heureusement, il y en a, et surtout dans la dernière partie, celle qui décrit sa vie de drogué, son retour placé sous le signe de l’héroïne. D’ailleurs, c’est ma partie préférée. Parce que dans la partie en Irak, j’ai eu l’impression de tourner en rond, d’entendre toujours la même musique avec des officiers qui beuglent genre Full metal jacket et j’avoue que j’ai parfois été agacée et soûlée.

Et pourtant, paradoxalement, j’ai aimé suivre ce narrateur, j’ai aimé reprendre mon livre et me replonger la tête dans la mouise. Il m’a bien eu, en fait, ce petit jeune. Son récit est très visuel, on s’y croirait, il nous parle vrai, authentique, sans langue de bois, il nous parle brut. Et du coup, il nous dit des tas de choses bien pessimistes sur l’Amérique et sur la façon qu’elle a de gérer ses jeunes soldats rentrés d’une zone de guerre où ils ont vécu le pire. Les « fucking » dialogues sonnent très justes tellement ils sont réels mais ils sont un peu trop redondants. Le roman m’a percutée, dérangée, exaspérée mais aussi puissamment marquée. C’est en cela qu’il est réussi.

Roman d’amour mais aussi sur le sexe, ce mec-là ne fait pas l’amour, il baise, roman sur la mort, roman sur l’absurdité de la guerre, roman sur l’aliénation causée par la drogue. Et finalement roman qui est en lui-même une note d’espoir, celle d’un écrivain en puissance qui a transformé son enfermement en une explosion créative.

Ce roman a été très apprécié par Jérôme, Electra et Marie-Claude.


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