Préférence système - Hugo Bienvenu

Préférence système - Hugo Bienvenu En 2055, l’humanité a produit tant de données qu’il n’est plus possible de les stocker. Chaque jour, des « censeurs » décident d’en supprimer définitivement pour faire de la place aux nouvelles. Yves est un archiviste chargé de présenter les dossiers qui sont sur la sellette. Ne supportant pas de voir disparaître des œuvres culturelles qu’il considère comme indispensables, il a pris l’habitude de les sauvegarder avant destruction et de les stocker dans la mémoire de Mikki, son robot domestique. Une pratique totalement illégale qui pourrait lui attirer les pires ennuis s’il était découvert. Soupçonné par les autorités, le jeune homme décide de s’enfuir avec sa femme et leur fille à naître, dont la gestion pour autrui est assurée par Mikki.
Préférence système - Hugo Bienvenu Drôle de société que celle imaginée par Ugo Bienvenu. Une société qui, pour permettre à la population de publier ses vidéos et photos sur les réseaux sociaux, doit effacer les traces du monde d’avant. Films, livres, musique, tout y passe tant que ça libère de l’espace disponible pour les nouvelles données personnelles. Et si les « sages » décidant du sort des œuvres ont sauvé de justesse les romans de Victor Hugo, ils n’ont eu aucune pitié pour Rimbaud, Kubrick ou Céline Dion. Dans ce futur s’affranchissant de la culture du passé tout est triste, gris, aseptisé. Un avenir proche glaçant et finalement pas si irréaliste que cela.
Après Paiement accepté, Ugo Bienvenu aborde à nouveau la question de la transmission. Son message d’apparence pessimiste n’est pourtant pas sans espoir. La partie « urbaine » de l’album est aussi froide qu’anxiogènealors que les événements se passant à la campagne offrent une bouffée d’air frais bienvenue. Et paradoxalement, c’est au moment où le robot est au centre du récit que ce dernier devient plus chaleureux, plus humain.
Préférence système - Hugo Bienvenu Graphiquement, la référence à Charles Burns saute aux yeux. Le trait hyperréaliste est parfois trop statique dans la représentation des personnages mais les décors et les accessoires possèdent un design rétro-futuriste vraiment stylé. Au final, on aurait tort de voir dans cette fable sur la transmission et la filiation un message simpliste et un peu cucul jouant sur l’opposition entre la nature et la technologie. La réflexion est bien plus profonde, elle interroge notre rapport aux données stockées et partagées, à l’immédiateté qui prend le pas sur l’intemporel, au contenu du quotidien qui, bientôt, chassera les œuvres et les créations du passé. Un album en tout point abouti, qui mérite grandement le Grand Prix de la critique ACBD 2020 remporté il y a quelques jours. Préférence système d’Hugo Bienvenu. Denoël Graphic, 2020. 170 pages. 23,00 euros.
Préférence système - Hugo Bienvenu


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois