Où bat le cœur du monde de Philippe Hayat

Où bat le cœur du monde de Philippe HayatOù bat le cœur du monde

Philippe Hayat

Calmann-Lévy

14 août 2019

430 pages

Darius Zaken, le futur grand jazzman Darry Kid Zak, devient muet à la mort de son père. Il faut dire que ce fut une mort plutôt violente et qu’il y a de quoi être traumatisé. Nous sommes en 1935 à Tunis et les relations entre les Juifs et les Arabes ne sont pas au beau fixe.

Sa mère Stella va se sacrifier pour son fils jusqu’à essayer de l’empêcher de jouer de la clarinette afin qu’il se concentre entièrement sur ses études. Mais cela ne va pas se passer selon ses désirs.

Ce roman nous emmène au rythme du jazz dans les méandres de la vie d’un artiste. Ce sont les hasards des rencontres qui vont permettre à Darius de vivre pleinement son art, même s’il doit pour cela avoir faim, avoir froid ou être confronté au racisme des américains du sud qui ne comprennent pas qu’un blanc puisse jouer avec des noirs. La musique sera sa voix, elle le portera, elle sera son expression, sa joie de vivre.

Ce roman m’a complètement emportée dans son sillage, j’ai suivi ce personnage si émouvant, de Tunis aux Etats-Unis sans faiblir, j’ai cru à toutes ses rencontres avec les plus grands noms du jazz (j’ai d’ailleurs retrouvé le Charlie Parker du film Bird), j’ai été émue par la relation entre la mère et le fils (les incompréhensions de l’une, les doutes de l’autre et sa crainte de décevoir), j’ai avalé ce roman avec un grand plaisir.

C’est un roman musical, initiatique, qui swingue, qui vibre, qui étourdit, qui éclate de vie au son de la clarinette. J’ai été davantage sensible à la période qui se déroule à Tunis, il m’a semblé que les phrases de l’auteur y étaient plus savoureuses mais je n’ai pas détourné les yeux des pages américaines, elles ont aussi leur lot de rebondissements, et d’émotions.

La construction non chronologique du roman lui donne aussi une saveur intéressante. On sait ce que Darius va devenir et on se focalise alors complètement sur son cheminement pour y parvenir. Il n’y a pas de suspense, il y a de la profondeur.

N’empêche, tout le talent de Philippe Hayat est de nous faire croire que Darry a joué au côté de Miles Davis ou qu’il a accompagné de son saxophone larmoyant la voix de Billie Holliday chantant la douleur des noirs. On a vraiment l’impression que ce musicien a réellement existé, et grâce à la plume d’un auteur, il existe maintenant dans ma mémoire.

Un bon roman de cette rentrée littéraire française.

« Billy se lovait au creux des accords de Lester, sa voix tremblait un peu. Elle se livrait, s’exposait, la grâce à fleur de peau, ne demandant qu’à aimer corps et âme. Et par la magie des notes, elle semblait toucher ce point précis où bat le cœur du monde. »

« Dans la facilité, tu ne trouveras de toi qu’un visage décevant. Porte haut ton ambition. Et si tu juges rudes les efforts qu’elle exige, songe que, plus que l’intelligence et les connaissances, le talent ou la réussite, la vraie différence entre les hommes, c’est le courage. »

Merci à Masse critique de Babelio et à l’éditeur pour l’envoi de ce livre.