A la ligne de Joseph Ponthus

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Joseph Ponthus

La table ronde

2019

263 pages

Je ne mangerai pas de tofu. Je n’en ai jamais mangé, et je ne commencerai pas.

Je n’aime pas les bulots et c’est tant mieux.

Je ne mangerai plus de crevettes emballées, décortiquées, sagement rangées, je n’en mangeais pas souvent, mais je ne le ferai plus. Je les prendrai uniquement chez le poissonnier, en vrac, et j’ôterai leur carapace moi-même.

Je savais ce qu’était ce livre (on l’a vu partout) mais je ne savais pas qu’il allait me faire sourire plus d’une fois. C’est un témoignage sur le boulot en usine agro-alimentaire, un texte qui dit, un texte qui crie, un texte qui vomit, un texte débarrassé de tout code littéraire, un texte en vers libres.

J’ai lu plusieurs critiques qui en parlaient comme d’un roman… (C’est même écrit dans la quatrième de couverture.) Là, ça me laisse perplexe. Ce n’est pas l’histoire d’un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons, c’est la vie de l’auteur, ce qu’il a ressenti en travaillant dans ces endroits, ses mots sur ses maux et ceux des autres, ses mots sur son expérience d’ouvrier alors qu’il avait une formation dans un tout autre domaine, son journal intime, son exutoire. Où est le roman ? Je pinaille sur les mots, certes, mais à quoi servent-ils si on les emploie dans un mauvais sens ?

Cela n’enlève rien à la qualité de ce texte, de ces feuillets d’usine comme l’auteur le sous-titre très justement d’ailleurs… Pourquoi toujours vouloir mettre les livres dans des cases, ce livre est atypique, inclassable, il est et cela suffit !

Après l’usine de conserveries de poissons, l’abattoir. C’est dur autrement, c’est physique autrement, c’est sanglant. Et pourtant, il ne tranche pas, il ne décapite pas, il nettoie, il pousse des carcasses à l’infini. Il use son corps contre les corps morts des animaux.

Un texte dans lequel la poésie est omniprésente, dans lequel les écrits de grands auteurs côtoient les paroles d’ouvriers, un texte sincère, honnête, rythmé, un texte qui raconte la condition des ouvriers, l’abrutissement répétitif.

A lire, mais surtout à relire, à voix haute, à voix basse, comme on se repasse indéfiniment une chanson qui nous touche.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois