Vies volées. Buenos Aires - Place de Mai. Matz et Mayalen GOUST – 2018 (BD)

Vies volées. Buenos Aires - Place de Mai. Matz et Mayalen GOUST – 2018 (BD)

Vies volées

Buenos Aires

Place de Mai

Scénario de Matz

Dessin de Mayalen GOUST

Editions Rue de Sèvres, janvier 2018

84 pages

Thèmes : Argentine, Dictature, Famille, Quête, Vérité, Histoire, Mémoire, Transmission

De 1976 à 1983, l'Argentine a vécu sous le joug d'une dictature militaire.

Près de trente mille de ses opposants, souvent jeunes et/ou étudiants, ont été méthodiquement éliminés (acte nommé comme un génocide depuis 2010) et leurs enfants, nés ou à naître, considérés comme " butins de guerre ".

Ce sont les " desaparecidos " (les disparus).

Ainsi, ce sont plus de cinq cent bébés qui ont été soustraits à leur famille véritable pour être confiés à des familles sûres, de " confiance ", proches du régime en place : politiques, policiers, militaires, proches du pouvoir.

C'était pour ton bien, Eugenia.
Pour ne pas que tu grandisses avec des gens comme eux. Il te fallait une vraie famille, des gens responsables, avec des principes, une morale, et qui t'aiment vraiment.
Comme nous. Comme moi. Tu sais que je t'aime, n'est-ce pas Eugenia ? Je t'ai toujours aimée.

Dès 1977, chaque semaine, bravant le Régime, les mères et grands-mères de ces desaparecidos et de ces bébés, se sont organisées pour défiler sur la Place de Mai pour réclamer leur retour, pour militer pour la création de Banque Nationale des Données Génétiques en 1987, et aider ceux qui se questionnent sur leurs origines.

Il te faut vivre, sinon ils n'auront pas seulement pris la vie de tes parents, ils auront pris la tienne, aussi.
Tu ne peux pas les laisser gagner.
Pas sur toute la ligne.

Entre 1998 et 2008

Les quatre personnages que l'on voit sur la couverture de cet album incarnent chacun un des aspects de ce terrible drame.

Victoria est une enfant adoptée, elle est proche d'Elena, une Grand-mère de la place, sait qu'elle a été volée et recherche, en vain, sa vraie famille.

Mario est un garçon qui se questionne énormément. Il est persuadé de n'être pas le fils de ses parents. Et c'est de lui que vient l'initiative de faire des tests ADN.

A son inverse, Santiago ne se pose aucune question. Il est un garçon nonchalant, qui se laisse vivre et dragueur. Il accompagne Mario à la clinique et accepte de passer lui aussi les tests.

Eux deux vont devoir faire face à de lourds secrets de familles et des révélations terribles sur le passé, à l'incertitude d'une adoption, au fracas de l'amitié, mais aussi à de beaux moments de joie.

Elena est une grand-mère de la Place de mai qui a pris sous son aile Victoria. A défaut de trouver sa famille, elle aide et oriente les jeunes, perdus et désorientés, rongés par le doute.

Et ce, dans l'ensemble de la société.

***

C'est grâce aux Bulleurs du mercredi que j'ai découvert cet album, qui m'a beaucoup plu et émue.

Bien que je me sois un peu attendue à ce qu'allait vivre les personnages (surtout les garçons), j'ai été saisie par cette terrible histoire, individuelle, familiale et collective. Comment ne pas l'être ?

Je trouve que l'album restitue bien ses multiples réalités et l'impact qu'elles ont dans la vie des gens, quelques soient leur âge ou condition sociale, comme dans la société avec la possibilité, donnée à chacun, de réaliser un test ADN.

Graphiquement, C'est plutôt beau.

Avec des couleurs froides réservées au passé, aux doutes, aux vérités qui font jour et qui abîment. Souvent le dessin, ou la couleur, s'émiettent dans la case. Je trouve ce procédé très beau.

Il y a aussi de très belles couleurs, chaudes ou lumineuses, des angles de vue intéressants, des cases sans texte.

Vies volées est un album à la fois triste et beau, important pour son côté historique et humain, une découverte touchante.


wallpaper-1019588
Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois