Heroes in Crisis #8

Sanctuary est un refuge dans lequel les supers peuvent anonymement parler de leurs remords, leurs doutes, leurs fautes. C'est donc l'endroit parfait pour qu'un meurtrier y avoue un crime face caméra. Mais est-ce logique que le meurtrier de la quasi-totalité des résidents de ce lieu le fasse ici ? Pour Heroes in Crisis, cela paraît logique à Tom King.

Entourloupe.

Je crois que c'est le meilleur mot pour décrire ce Heroes in Crisis. Entourloupe. Sur la forme, on pouvait croire que Tom King déconstruisait le mythe du super-héros en nous dévoilant sa face cachée, chacun ayant des remords ou des fautes inavouées - ce qui rejoint ce que fait également Grant Morrison dans la série The Green Lantern. D'ailleurs, ce début d'épisode va complètement dans ce sens puisqu'il nous montre un personnage avouant qu'il n'arrive pas à endosser ce rôle qu'on veut lui prêter. Cela est un discours plutôt méta puisque, éditorialement parlant mais aussi dans le cœur du lectorat, il a apporté une touche d'espoir suite à la Wildstormisation de l'univers DC au lancement de la période New 52. C'est plutôt une bonne idée qui permet de regarder avec une autre perspective les attentes qu'on peut avoir sur tel ou tel personnage. Si Tom King se serait limité qu'à ça, je pense qu'on aurait eu le droit à une série géniale.

Sauf qu'il y a une entourloupe.

L'histoire telle que nous la raconte Tom King aurait pu ne tenir uniquement sur un ou deux numéros. Il aurait pu très bien décompressé le tout afin de mettre cela sur plus de pages mais, concrètement, l'intrigue autour du meurtre massif à Sanctuary est simple. Mais King a voulu également à la fois travailler 3 personnages en parallèle ainsi que raconter une enquête policière. C'est ce dernier point le (principal) défaut de Heroes in Crisis dans le sens où très rapidement nous nous doutions de qui était le meurtrier vu que sur les 3 personnages il n'y a qu'un seul qui n'avait pas été accusé. King a essayé de brouiller les pistes, c'est pour cela qu'il a inventé des fausses pistes en accusant tour à tour les deux autres personnages puis il a joué avec la carte du voyage dans le temps, et, lorsqu'il est temps de tout expliquer, cela revient presque à enfoncer des ronds dans des carrés. Je comprends donc ce qu'il fait avec le meurtrier dans un premier temps - et c'est très bien d'ailleurs - mais, lorsqu'il doit justifier son geste, cela devient n'importe quoi. Certes, le personnage était pris de panique mais, afin de ne pas être inculpé d'un simple accident, il vient à commanditer un meurtre et accuser d'autres à sa place. Le personnage semble encore plus machiavélique que Parallax.

Le pire, c'est que personne à l'édito de DC lui ait fait la remarque à King qu'un tel comportement était irrationnel. Mais, c'est surtout la fin qui est débile puisque notre meurtrier utilise Sanctuary pour confesser son meurtre expliquant tous les détails puis envoie la vidéo à Lois Lane afin de révéler l'affaire... qu'il a lui-même maquillé pour ne pas porter le chapeau !

Et puis, soyons logiques deux secondes, ce sont les confessions qu'il a vu dans la mémoire de l'IA qui l'a poussé à tuer les résidents de Sanctuary parce qu'il ne supportait pas de telles images. Du coup, qu'attend-t-il de la population lorsqu'elle les découvrira à son tour ?

Ou alors ledit meurtrier est vraiment devenu un psychopathe sanguinaire ou il est manipulé. Après tout, nous ne sommes plus à une entourloupe près qui viendrait à rendre ces révélations inconsistantes.

Dernier point qui m'a fait tiquer : puisque le voyage dans le temps existe bien, pourquoi Booster Gold n'a pas utilisé son dispositif afin d'enquêter. Cela aurait été logique puisque cela correspond à la dynamique du personnage.

En tout cas, on nous promet une enquête policière mais, nous avons le droit à un habillage malheureux d'une idée de Tom King. C'est un peu comme si le scénariste était parti du postulat de fin puis y a ajouté des idées en vrac cousant le tout avec du fil blanc de mauvaise qualité donnant ce sentiment qu'on s'est fait entourlouper tout le long. Les incohérences sont nombreuses mais King semblait trop déterminé à brouiller les pistes préférant également la forme que le fond. Avec son entourloupe, il n'arrive pas à retomber sur ses pieds... A moins qu'il y a encore une ultime révélation qui changerait tout, mais ça ne serait pas bien malin de se mettre à dos pas mal de fans seulement pour un effet de surprise.

Par contre, je vois sur Twitter Tom King se défendre comme quoi pour raconter des choses intéressantes, il doit secouer le cocotier, ce qui peut revenir à raconter des choses qui dérangent. Je ne peux que le suivre dans ce propos, sans cela nous n'aurions pas eu des sagas mythiques comme La Mort de Captain Marvel, The Dark Phoenix Saga, Identity Crisis, Snowbirds Don't Fly, The Judas Contact, et j'en passe. Par contre, dans le cas présent, le scénariste utilise simplement le mauvais personnage et, surtout, la non-cohérence de ses actions rendent cette révélation pathétique. Je salue donc l'initiative mais l'exécution est franchement mauvaise.

*** La parti qui suit contient des spoilers importants à l'intrigue de la maxi-série ***

Heroes in Crisis pointe à nouveau le doigt sur la gestion chaotique de l'édito de DC Comics. Un auteur en vogue a une idée, on lui donne alors carte blanche sans lui imposer la moindre contrainte éditoriale. Nous avions déjà constaté cela sur le Batman de Scott Snyder, mais aussi Dark Nights: Metal. J'ai aussi l'impression que Leviathan de Brian Michael Bendis va dans cette direction. Le problème spécifique de l'histoire de Tom King est qu'elle superpose celle lancée par Geoff Johns avec DC Universe Rebirth et qui devrait trouver un certain sens dans Doomsday Clock - dont la résolution tarde à arriver. La faute n'est pas celle de King, finalement, puisqu'il a demandé à Dan Didio de lui confier 3 personnages qu'il pourrait redéfinir. Booster Gold, Harley Quinn et Wally West lui ont donc été imposé·e·s. Était-ce une décision judicieuse ? Je ne crois pas, non.

Il y a d'abord la symbolique du retour du personnage qui annonçait le retour de l'espoir - et du Sense of Wonder si caractéristique de DC Comics - au sein de l'univers qui avait frôlé le grim'n gritty bien trop de fois depuis New 52.

Ensuite, cela donne l'impression que les plans initiaux de Geoff Johns ont été jetés à la poubelle - ou revus à la baisse - par Dan Didio depuis que le scénariste ne fait plus partie de la direction créative de l'éditeur (suite à l'échec du film Justice League). Ainsi, toutes les questions posées lors de Rebirth devaient trouver réponse dans Doomsday Clock mais sera-t-il vraiment le cas ? Personnellement, je me pose la question. D'autant plus qu'au lancement de la maxi-série, il était question que tout l'univers DC se mette en route afin de nous conduire vers la situation qui ouvre l'histoire de Johns et Gary Frank. Certes, le retard de celle-ci a forcément compromis ce plan mais, avouons-le, aucune série n'a semblé s'inquiéter de traiter des événements attendus.

Du coup, voir ce qui arrive à Wally West dans Heroes in Crisis aurait pu trouver une place dans le scénario initial de Geoff Johns sans enlever l'espoir que son retour représentait. Sauf que, maintenant, le personnage est souillé et l'espoir du lectorat s'est envolé ( le site DC Planet dit que "l'espoir est mort").

Depuis la parution de cet épisode, la fin de Heroes in Crisis a été repoussée afin de coïncider avec la révélation du prochain épisode de Doomsday Clock. Si ce dernier est repoussé depuis un moment - devenant une blague, celui de Heroes in Crisis ressemble plutôt à une tentative de rétropédalage. Mais, comment rattraper tout cela ? Quelque part, cela me rassure dans la volonté de DC de conserver l'importance de la saga de Johns et Frank - il me semble que Young Justice confirme aussi cette tendance, mais aussi son déterminisme à prouver que ce qui arrive à Wally West a du sens.

J'espère tout de même que la conclusion à venir sera satisfaisante. Mais, ça sera tout de même difficile à oublier l'incohérence générale de cette histoire.

[1] Alias de Hal Jordan lorsqu'il est devenu un super-vilain.

[2] Je ne parle même pas du cross-over The Button qui devait être lié à l'intrigue de Rebirth / Doomsday Clock mais qui s'avère être plus lié au run de King sur Batman qu'à autre chose.

Heroes in Crisis #8


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