Captain Marvel

Marvel Studios lance avec Captain Marvel plusieurs choses : un nouveau personnage qui aura un rôle crucial dans les prochains films, son premier film avec une super-héroïne dans le rôle titre, une nouvelle manière de conter les origines d'un super et dévoiler certains secrets du Marvel Cinematic Universe. Une grande entreprise que le film de Anna Boden et Ryan Fleck réussit à merveille.

Captain Marvel

Depuis 2008, les Studios Marvel nous ont raconté les origines de nombreux super-héros via des films solo, dynamisant un peu le schéma pré-établi par Spider-Man de Sam Raimi tout en imposant une norme. Ce schéma est maintenant assimilé, à tel point que les films Hollywoodiens - mais que - préfèrent ce raccourci du schéma de Joseph Campbell que l'original. Il faut dire qu'il est calibré pour le cinéma avec une recherche absolue du divertissement. Dans les faits, ce schéma a réussi à surprendre sur Iron Man en rendant les origines de Tony Stark plus émotionnelles que celles des comics, mais il a aussi rendu les débuts de Thor assez passables. Il faut dire que le but de la manœuvre est que le personnage dans le costume apprenne de ses erreurs, qu'il soit affaibli à cause de ses actions afin de revenir plus motivé que jamais et, forcément, sur un personnage puissant comme le Dieu du Tonnerre, cela semble plutôt le discrédité que lui rendre service. Cette erreur aurait pu être commise sur Captain Marvel, personnage perçu - à raison - comme le plus puissant du Marvel Cinematic Universe.

Sauf que depuis quelques films, les équipes de Kevin Feige ainsi que les scénaristes impliqué·e·s tentent de renouveler la formule, non pas en cassant le schéma mais en jouant avec. D'ailleurs, dans un film de genre - donc très codifié, c'est à la manière que les auteurs ou autrices jouent avec les règles pré-établies qui prédéterminent la qualité du scénario - si cela est bien fait bien évidemment. Depuis Doctor Strange, je perçois que Marvel Studios veut éviter de se répéter. Si le film sur le Sorcier Suprême s'avère toutes fois assez semblable aux précédentes productions - la tentative était donc plutôt foireuse, avec Spider-Man Homecoming et Black Panther, la firme a réussi amplement à raconter les débuts d'un personnage dans son film solo de manière plus originale. Le schéma est toujours présent - et dans Captain Marvel c'est aussi le cas - mais il s'oriente d'une autre manière : T'Challa apprend à gouverner son pays et à s'humaniser, alors Peter Parker apprend à être un vrai super-héros par ses propres moyens - en perdant la tenue que lui a offert Tony Stark. Pour le film qui nous intéresse aujourd'hui, les scénaristes décident que Carol Danvers va entreprendre un voyage pour comprendre qui elle est vraiment, retrouver l'humaine qu'elle était.

Captain Marvel

Si vous connaissez les comics sur Carol Danvers, le début de l'intrigue est un sacré pied de nez aux premiers épisodes de la série solo sur l'héroïne dans laquelle elle n'était pas consciente qu'elle devenait Ms. Marvel pensant faire des malaises suite à l'accident qui lui donna ses pouvoirs. Heureusement, dans le film, nous n'avons pas le droit à cette situation loufoque mais, plutôt, à notre héroïne qui ne se rappelle pas de sa vie sur Terre. Elle fait ainsi partie de la Starforce, une unité d'élite de l'Empire Kree, des héros et héroïnes nobles intergalactiques selon leurs propres termes. Et, comme nous le savons grâce aux bandes-annonces, elle finira par revenir sur Terre où son passé pourrait lui sauter à la figure alors qu'elle poursuit l'une des plus grandes menaces de son empire, les Skrulls.

Le fait est que le personnage dans les comics a des origines compliquées et, si j'étais méchant, je dirais qu'une de ses meilleures périodes était lorsque sa psychée cohabitait dans le corps de Rogue. En fait, c'est un personnage qui a des origines compliquées, dépendantes d'un personnage très iconique - mais inadaptable de manière satisfaisante au sein de cet univers cinématographique, et elle n'a aucune saga vraiment marquante comme celle de ses homologues masculins. Ce n'est pas que le personnage est moins intéressant - lecteurs et lectrices de Avengers et de X-Men aiment Carol depuis fort longtemps - mais parce que les séries solo sur les super-héroïnes ont bien souvent de tristes sorts chez Marvel Comics - aussi parce qu'elles ne sont pas servies par les meilleures équipes créatives. De ce fait, les origines de Captain Marvel sont en fait une énorme toile blanche pour Marvel Studios, et les scénaristes se font plaisir avec.

Captain Marvel

Je sais déjà que quelques libertés feront râler les vieux lecteurs de comics - dont je fais pourtant partie, mais vu qu'il s'agit d'un univers nouveau qui, finalement, commence à de moins en moins être dépendant des comics, je m'en fiche royalement. Ce qui m'importe lorsque je vais voir un film, c'est qu'il me fasse voyager, que je passe un bon moment et qu'il arrive à me surprendre. J'en ai marre de voir les sempiternelles mêmes histoires avec les passages obligés imposés par les œuvres originales qui seront forcément moins épiques ou moins intéressantes que sur papier parce que le format est différent et que la manière de développer une histoire est très différente. C'est d'ailleurs, ce qui m'avait plu dans le film sur Iron Man, personnage que j'exécrais sur les comics, parce que j'avais pas l'impression de relire les comics et que les références ne semblaient pas être des clins d'oeil obligatoires mais des éléments digérés par l'histoire. Dans le cas de Captain Marvel, c'est la même chose.

Certes, il y a beaucoup de choses inspirées du run de Kelly Sue DeConnick et David Lopez, en cherchant bien on retrouve du Gerry Conway et du Chris Claremont - je reconnais le côté casse-cou et peu soucieuse des conséquences de ses actes que le scénariste lui attribuait plus facilement. Mais, Anna Boden, Ryan Fleck et les autres scénaristes s'autorisent plein de chose afin de mener leur histoire à bien. Et lorsqu'on s'assied sur le siège de cinéma ce n'est pas pour voir sur Wikipedia les origines d'un personnage cité. Ce qui est important dans une bonne adaptation, c'est que nous prenions autant de plaisir à voir évoluer le personnage que dans les comics.

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Concrètement, Captain Marvel ( Brie Larson) est un personnage très attachant, elle a ses qualités et ses défauts autant en terme de guerrière Kree qu'en terme de super-héroïne. Elle ne respecte pas les règles et cela peut facilement lui retomber dessus mais son côté YOLO est franchement plaisant. L'actrice interprète le rôle avec beaucoup de cœur et elle prend du plaisir à apporter plein de subtilités à Carol Danvers. Son petit sourire en coin apporte un côté sympathique au personnage et sa manière d'agir l'est tout autant.

Dans son aventure, elle est accompagnée par Nicholas Joseph Fury ( Samuel L. Jackson) avec qui elle forme un duo de choc tel un bon buddy movie des années 90. Si comme moi, vous aimez ce genre de recette - qu'on retrouve autant dans Die Hard 3 que dans Howard The Duck, vous allez apprécier encore plus cette alchimie. En plus, Marvel Studios s'amuse beaucoup avec ses fans en montrant un Fury très différent - moins expérimenté et plus humain - que dans les autres films. Et en rajoutant le chat Goose à ce duo, nous avons une équipe de choc qui nous fait passer du bon temps sur une grande partie du film. Comme vous vous doutez, cette collaboration sera plein d'action et d'humour, on connait la recette. D'ailleurs, vu que le film se déroule dans les années 90, pas mal d'humour - mais pas que - est basé sur les modes et les technologies de l'époque. Nous avons le droit à des scènes drôles avec le modem, les copies de Windows, un hommage à Terminator 2 et la musique qui va bien.

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À ce trio de choc vient s'ajouter les membres de Starforce, l'équipe menée par le personnage joué par Jude Law. L'acteur est assez épatant d'ailleurs dans son rôle, non pas que ça soit le rôle du siècle - mais très important dans l'intrigue personnelle de Captain Marvel, il le fait très bien. On rappelle que de nombreux acteurs et actrices très connues n'ont pas interprété ce genre de rôle avec autant de corps. On retrouve aussi Ben Mendelsohn en Talos, chef des Skrulls, et il est épatant tellement il arrive à bouger et à s'exprimer avec une manière différente à chaque film. Là encore, la direction d'acteurs et d'actrices de Boden et Fleck fait des étincelles. Mendelsohn se retrouve avec une manière de mouvoir très différente lorsqu'il est Skrull que lorsqu'il est humain, et puis le film lui offre également un rôle plus en finesse que ses dernières grosses productions.

Côté femmes, Annette Benning fait un joli travail aussi, difficile d'expliquer pourquoi mais l'actrice propose deux manières de jouer qui sont intéressantes. Enfin, Lashana Lynch joue Maria Rambeau, la meilleure amie de Carol Danvers à la perfection offrant des scènes très poignantes. Elles sont rares mais, selon cela intensifie leur efficacité. Aussi, notre héroïne aura le droit d'avoir des moments touchants avec la jeune actrice Akira Akbar. Là encore, la qualité de la mise en scène de Boden et Fleck font que ces moments sont réalisés avec finesse.

Captain Marvel

Parce que le film apporte pas mal d'émotions en plus de l'action et de l'humour. Certes, le film a vraiment la bougeotte mais lorsqu'il se pose, il vient à briller d'une bien belle manière. D'ailleurs, d'un point de vue technique, c'est assez remarquable puisque les scènes d'action - notamment de corps à corps - sont incroyablement bien filmées avec de la fluidité dans l'action ainsi qu'avec une certaine force dans les mouvements, mais les scènes de dialogues sont aussi bien foutue. Côté effets spéciaux, c'est comme n'importe quel blockbuster, il y a des choses très chouettes et des choses qui piquent les yeux. Le rajeunissement de Nick Fury est plutôt bien foutu - mais lorsqu'il passe à l'action, on sent qu'il n'est pas aussi jeune, celui de l'Agent Coulson ( Clark Gregg) l'est moins. Là, aussi, rien de bien nouveau mais, surtout, rien qui ne gâche le divertissement.

L'écriture de l'histoire est aussi intéressante puisque si l'intrigue n'est pas exceptionnellement originale elle a le mérite d'avoir une forme moins convenue et de nous emmener de surprises en surprises, avec de bons rebondissements et, surtout, un mystère autour de Captain Marvel rudement bien consolidé. En plus, les auteurs et autrices arrivent à créer des pay-offs rudement bien amenés par d'autres biais notamment par des blagues marquantes ou des scènes volontairement confuses. On sent que le scénario est rodé et que les libertés prises sur le fameux schéma Marvel Studios ne l'ont pas été au détriment de la narration. Il y a aussi de bonnes idées de montage notamment avec l'utilisation de la musique qui illustre à la perfection l'état d'esprit de Captain Marvel.

Captain Marvel

Plus le film avançait, plus je prenais du plaisir. La séance s'est terminée, j'avais même l'impression que je venais de voir la meilleure Origin Story de supers au cinéma. En tout cas, j'ai envie de revoir le personnage très bientôt - et de revoir le film tout simplement. Mais, il y a aussi d'autres choses qui m'ont plus comme les sujets abordés dans le film. Forcément, avec un premier film solo pour une super-héroïne, et après #MeToo, il était évident qu'il y aurait quelques allusions sur le traitement des femmes dans notre société. Cela n'a pas une grande importance - ce n'est clairement pas un film militant - mais il est surtout féministe dans sa manière de traiter d'égal à égal Carol Danvers avec ses prédécesseurs masculins. Aussi, il y a d'autres termes abordés qui feront que certains vont aller s'empresser de faire baisser la note du film sur Rotten Tomatoes. Mais, voir que des sujets politiques peuvent faire de bons thèmes de films holywoodiens me fait plaisir et donne l'impression de ne pas voir un film creux.

À tout cela, il faut tout de même noter qu'il y a un cameo de Stan Lee et qu'il est très touchant - mais toujours aussi "con" - et qu'il y a deux scènes post-génériques dont une qui est surprenante. Clairement, Marvel Studios va nous surprendre au fil des prochaines années. En plus, nous pensions tout connaître du MCU depuis ces dix dernières années, mais déjà des choses qui nous semblaient acquises pourraient faire le sujet de prochains films.


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