Portrait d’un buveur - Florent Ruppert, Jérôme Mulot et Olivier Schrauwen

Portrait d’un buveur - Florent Ruppert, Jérôme Mulot et Olivier Schrauwen Le sérieux du titre est trompeur. Et ne vous fiez pas à la figure avenante du portrait se trouvant sur la couverture car vous partiriez sur une sacrée fausse piste. Le buveur dont on parle s’appelle Guy. Charpentier de marine, il vit à la glorieuse époque de la piraterie et se comporte en vrai sans foi ni loi. Ses actions sont uniquement guidées par son besoin ou ses excès d’alcool. D’un bout à l’autre des 200 pages de l’album, il ne dessaoulera pas. Sa dépendance à la boisson fait de lui, en fonction de la situation, un lâche, un fainéant, un menteur ou un tueur sans scrupule. De ses larcins sur la terre ferme à la trahison de ses camarades marins en plein abordage par des pirates, Guy cumule les méfaits et passe miraculeusement entre les gouttes.
Décoiffant portrait d’un salopard en puissance. Ne cherchez aucune morale à cette fable cynique, la seule chose à en retenir est que la probité ne paie pas et qu’il vaut mieux avoir l’alcool mauvais qu’être un modèle de vertu. J’aime  cette prise de parti totalement amorale. Guy est délicieusement détestable, divinement médiocre. Un enfoiré de première qui se fout de tout, n’a pas de limites et est aussi méchant que dangereux, j’adore !
Portrait d’un buveur - Florent Ruppert, Jérôme Mulot et Olivier Schrauwen Graphiquement, c’est totalement dingue. Le duo Ruppert et Mulot est connu pour son audace depuis des albums tels que Soirée d’un faune mais l'association avec le belge Olivier Schrauwen, réputé pour son avant-gardisme décapant, donne un résultat incroyable. Au-delà des mésaventures de notre affreux jojo, ce portrait de buveur offre une expérience de lecture unique. Découpage surprenant passant de l’ultra classique gaufrier de six cases à des compositions dignes du surréalisme, jeu de couleurs désarçonnant, rupture brutale du rythme de la narration, les trouvailles se multiplient mais restent au service du récit sans jamais tomber dans de la pure expérimentation. Certes, il faut un peu s’accrocher au début pour trouver ses marques mais une fois le projet des auteurs bien cerné, on s’embarque  pour un voyage au long cours qui revisite avec virtuosité les codes de la bande dessinée.
Portrait d’un buveur de Florent Ruppert, Jérôme Mulot et Olivier Schrauwen. Dupuis, 2019. 184 pages. 28,95 euros.
Portrait d’un buveur - Florent Ruppert, Jérôme Mulot et Olivier Schrauwen


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois