Nous sommes devenus des mutants

Nous sommes devenus des mutants

Le monde ne va pas mieux. Il ne va pas plus mal non plus. Il continue sa course, sans que ce que nous croyons être notre conscience et qui n'est en fait que son manque, s'en trouve altérée. Entre prises de conscience éclairées, discours pontifiants, résolutions mesurées, décisions et mises en application aléatoires, les maux de la planète se succèdent s'enchaînent et se répètent. Seuls leurs instruments ont changé. Passées ou actuelles, suscitées ou décidées, manipulées et contrôlées, gagnées ou perdues, les guerres et l'ultralibéralisme restent le vivier inépuisable de la gestion de ce monde, qui aujourd'hui vit sous la menace cathartique d'une catastrophe annoncée, le réchauffement climatique ?!

La gestion du malheur est non seulement plus rentable mais aussi plus inventive que celle du bonheur. Destruction. Reconstruction. Rodage des armées. Vente d'armes. Commerce du sang. Bombes. Morts. Victimes. Ouverture de marchés. Mise en coupe réglée de l'économie. Chantiers et travaux publics. Mais aussi, pauvreté, famines, maladies et épidémies qui ouvrent leurs chemins prometteurs à la nouvelle religion d'aujourd'hui, la science et livrent les peuples à la pharmacologie globale et aux champs d'expériences tout azimut.

A une échelle moindre, la loi légifère de subtils verrouillages de plus en plus répressifs, qui participent surtout à la protection d'intérêts économiques de quelques multinationales et de moins en moins, à la défense des individus.

Ceux qui ont un regard critique et centrifuge sur le monde d'aujourd'hui, tout comme ceux qui sont aveugles et ont une attitude centripète, sont - les uns comme les autres -, rattrapés par une même désillusion chronique. Que l'on soit éveillé ou endormi, collaborateur ou rebelle, adolescent, adulte ou vieillard, athée ou croyant, militant ou non, citadin ou campagnard, la frustration que l'on éprouve à ne pas pouvoir intervenir en quoi que se soit dans ce monde, est latente. Parfois, il arrive qu'une génération enfante sa rébellion ; les suivantes, la critique, l'intègre, l'avorte ou la renie et le temps aidant, tous en deviennent les enfants nostalgiques et fétichistes.

Dans le monde entier, les Che Guevara, les Marx, les Allende, les Mao et j'en passe, peinturlurent de leur mythologie, les tee-shirts de jeunes rebelles sans conviction. Qui se rappelle encore de Paoli, de Jefferson ou de Krotopkine ? Pendant ce temps là, les Bâtards de Voltaire, comme le dirait John Saul, nos technocrates experts, élus minutieusement par nos opinions incertaines ou alternantes, amènent la Dictature de la Raison à son ultime expression.

Notre démocratie est en plein déclin. Et nous y avons collaboré pleinement. Certes, dans nos sociétés industrialisées, il y a toujours autant, sinon toujours plus, des référendums, des élections, des débats et des hommes politiques, qu'auparavant. Mais ce qui a fondamentalement changé est l'impact direct des vœux du citoyen sur les orientations du gouvernement et de son administration.

Quand le citoyen se hasarde à exercer une forme de pouvoir par l'intermédiaire du parlement, devenu un authentique cirque, quand non un dortoir, il est souvent converti en l'instrument public et justificatif de groupes de pression.

Pourquoi en sommes-nous arrivés à cette situation ? La réponse est simple : le citoyen ordinaire que nous sommes, s'est peu à peu laissé séduire par cette religion de la Raison et ses courtisans, qui a silencieusement fait le lit de notre intégrisme idéologique, le plus profond, entre notre résignation et notre impotence, degré ultime de notre impuissance.

Ainsi, au nom de la sacro-sainte efficacité, de la gestion, de la compétence, du rationalisme, du triomphe et du libre échange, nous nous sommes dangereusement séparés de ce bon sens, si cher à Descartes. La plupart d'entre nous - et ce quels que soient l'âge et la classe sociale - souffrent du syndrome de l'ignorance délibérée. Par facilité et soumission. " C'est ce qu'il y a... Faut faire avec ... "

Dans tous les domaines, le bon sens et la bienveillance font figure d'absent, quand ils ne sont pas vilipendé. Peines et mélancolie souffriront les peuples et les cœurs qui n'obéissent qu'aux illusions et aux mythes. Nous sommes devenus des mutants.

© L'Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott - 19/01/2019 -
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Dessin de présentation : Alain Goutal - http://goutal.over-blog.com/ (Grain de sable citoyen)

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