Chronique « STERN, Tome 3 – L’Ouest, le vrai »
Scénario de FRÉDÉRIC MAFFRE, dessin et couleurs de JULIEN MAFFRE
Public conseillé : Ado / Adultes
Style : Western (décalé)
Paru le 18 janvier 2019 aux éditions DARGAUD,
72 pages couleurs
14,99 euros
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Ça commence comme ça…
Hiver 1882, dans la petite ville de Morrison, au Texas. Dans la salle d’école, devant quelques villageois, le Shérif tient le conseil municipal. A l’ordre du jour, ils doivent discuter du renouvellement du contrat d’Elijah Stern, le croquemort et du chauffage de l’école.
Soudain, le conseil est interrompu. Shérif, docteur et croquemort sont demandés d’urgence en ville, car Jeffie a provoqué en duel un inconnu en manteau rouge, pour avoir trop regardé sa femme. C’est Colorado Cobb, un cow-boy dont l’histoire aventureuse est écrite dans des fascicules. Malgré les protestations de Cobb, Jeffie sort son arme… et se tire dans le pied… Puisque toute la communauté est témoin, Cobb n’est pas accusé.
Après le “spectacle”, l’armurier de Morrison explique la présence de Gladwin, dit “Colorado Cobb”. L’homme est venu sur sa demande pour dédicacer ses livres, lors d’une vente promotionnelle d’armes à feu…
Ce que j’en pense
J’ai retrouvé avec plaisir Elijah Stern, le croque mort décalé (solitaire, philosophe et cultivé) des deux frères Frédéric et Julien Maffre. Après avoir exploré le “vide” de la petite ville de l’ouest et confronté leur anti-héros à la grande ville (T2), revoici Elijah dans son “terreau d’origine”, Morrison.
Dans ce nouvel épisode Frédéric Maffre renouvelle totalement l’ambiance de son histoire. Stern a fait des rencontres et s’est forgé des “amitiés”, mais son caractère (profondément solitaire) n’a pas bougé. La période de Noël qui approche est justement l’occasion pour lui de faire des efforts et de s’intégrer (un peu) dans la petite communauté…
Cela est bien beau, mais l’arrivée d’un étrange personnage, surnommé “Colorado Cobb” va malmener la tranquillité du bled. L’homme est un aventurier de papier, dont les exploits (grandement romancés voire totalement inventés) sont racontés dans des fascicules et sa présence s’inscrit dans une tournée de dédicaces. L’homme est agréable et mondain, mais il a attiré à sa suite d’autres aventuriers aux buts meurtriers…
Le bled tranquille de Morrison va se transformer, le temps d’une vengeance, en “Tombstone”…
Comme à leur habitude, les frères Maffre jouent avec les apparences. Si le récit commence par une parodie de duel au soleil (le mec se tire lui-même dans le pied), la suite glisse doucement vers les archétypes du western. On a droit à la grande scène de gunfight, comme le fabuleux duel final entre les rois de la gâchette. Puisqu’ils vous disent qu‘ils vous promettent “L’ouest, le vrai”.
Mais ce qui fait l’intérêt de cette série, c’est surtout la galerie de portraits décalés et finement observée. Ex-pianiste alcoolique, croque-mort cultivé, maire de pacotille, héros de papier pas si faux que ça et tueurs qui ont des raisons d’en vouloir à leur victime, tout ce petit monde semble cacher sous une apparence assez lisse un passé et une autre “identité”.
Frédéric Maffre maîtrise parfaitement tout ce petit monde. Il le rend vivant et fait cohabiter les différentes histoires personnelles. Au dessin, Julien type chaque personnage par un trait légèrement caricatural et compose de grandes scènes remplies de personnages. On avait déjà vu cette capacité dans le tome 2, mais ce nouvel épisode est quasiment tout le temps comme ça. C’est un véritable exploit, car chaque personnage (important, secondaire, ou presque inexistant, trouve sa “vie propre” sous son crayon.
Enfin, les planches sont parfaitement lisibles et le trait nerveux de Julien est accompagné par une mise-couleur traditionnelle (qu’il assure lui même) qui donne une rendu de très belle facture.
Pour résumer, avec ce nouveau tome de Stern, les frères Maffre explorent le western sur de nouveaux chemins de traverse, que je ne saurais que vous conseiller de suivre.
Cette chronique fait partie de la « BD DE LA SEMAINE ». Réunion chez Stéphanie, cette semaine.
