Einstein le sexe et moi

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En deux mots:
Olivier a participé à la finale de Questions pour un super-champion en 2012. Il nous raconte le jeu télévisé dans le détail avec ses coulisses et son suspense, mais nous offre surtout des digressions sur son parcours, son érudition, ses amours. Drôle, enlevé, précieux.

Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique:

Le super-champion se pose des questions

Pour son second roman Olivier Liron revient sur un événement fort de sa vie, sa participation à la finale de Questions pour un super-champion en 2012. Bien plus que le récit d’un jeu télévisé, c’est une leçon de vie.

Olivier Liron met les choses au point dès l’incipit de cet étonnant roman: « Je suis autiste Asperger. Ce n’est pas une maladie, je vous rassure. C’est une différence. Je préfère réaliser des activités seul plutôt qu’avec d’autres personnes. (…) Je me souviens des dates de naissance des gens. J’ai publié un premier roman chez Alma éditeur en 2016. Je vais vous raconter une histoire. Cette histoire est la mienne. J’ai participé au jeu télévisé Questions pour un champion et cela a été très important pour moi. J’ai passé plusieurs journées avec Julien Lepers. Pour m’endormir, je fais parfois le produit de 247856 fois 91.»
En 200 pages, il va nous conter cet événement qui l’a fortement marqué, la finale 2012 de Questions pour un super-champion, l’émission qui met aux prises les vainqueurs du jeu télévisé et à laquelle il a failli être éliminé avant même qu’elle ne commence pour une panne de réveil. Arrivé avec une demi-heure de retard sur l’horaire, il sera d’autant plus vite repêché que la production a décalé les enregistrements en fin d’après-midi.
Pour ceux qui suivent le jeu, la trame du roman ne réservera pas de grandes surprises, Olivier Liron ayant découpé son récit en quatre parties, elles qui structurent le jeu: le Neuf points gagnants, le Quatre à la suite, le Face-à-face puis le Super-champion. L’intérêt de cette construction est triple. Tout d’abord, il nous permet de jouer et de tester notre érudition en suivant le défilé des questions, ensuite il nous plonge dans la psychologie des candidats – et notamment celle d’Olivier – qui s’est préparé comme un athlète de haut-niveau à cette confrontation. Enfin, et c’est sans doute le plus passionnant, l’auteur nous offre des digressions sur son parcours, ses pensées, sa vie affective. On passe ainsi de Diên Biên Phu aux mésanges, d’un atlante à Caroline, des souvenirs de vacances aux Pensées de Pascal ou encore de la Place de l’opéra à Canet-en-Roussillon, d’Einstein au sexe.
On passe de l’histoire familiale aux grandes étapes de sa vie: « Ma mère vient d’une famille d’ouvriers, il fallait absolument être bon à l’école, et elle m’a transmis ça. C’était le seul moyen de s’en sortir. Je suis fier de ça, de cet héritage qu’elle m’a légué, et même si l’école n’est plus tout à fait l’ascenseur social qu’elle était pour ma mère, j’ai tout fait pour suivre les études les plus longues possibles. J’ai eu un parcours d’élève modèle. Baccalauréat à 17 ans, classe préparatoire littéraire à 18 ans, entrée à l’École normale supérieure à 20 ans. Agrégé à 23 ans. Enseignant à la Sorbonne à 24 ans. Julien Lepers à 25 ans. Dépucelage à 26 ans. Dépression à 27 ans. Mais c’est une autre histoire. »
On passe de la confiance au doute, de l’émoi amoureux à la difficulté de communiquer – qui n’est en l’occurrence pas seulement l’apanage des Asperger: «J’aurais voulu lui dire qu’avec elle tout changeait. J’aurais voulu lui dire qu’avec elle le désir m’avait emporté comme la marée haute. Qu’un autre monde s’ouvrait à moi et que je m’imaginais dans ses bras. Je suis avec toi, Barbara. (…) Sauf que voilà. Je me suis tu. Et maintenant je devais répondre à une question de Julien Lepers sur un roman de Dostoïevski. »
Et à propos de Dostoïevski, je ne peux résister à citer encore ce passage qui fait l’éloge de la littérature et qui mériterait de figurer au fronton des lycées et des bibliothèques ou qui devrait, encore plus prosaïquement, vous précipiter chez votre libraire: « À l’adolescence, après le baccalauréat surtout, il y a eu la poésie et la découverte de la poésie. J’ai découvert Victor Hugo et Walt Whitman. Emily Dickinson et Sylvia Plath. Je crois vraiment que sans la poésie je serais mort. J’avais des fantasmes secrets pour l’extase de la chair, et il y avait la poésie pour la masturbation de l’âme. Je crois vraiment que s’il n’y avait pas eu ça je me serais foutu en l’air. »

Einstein, le sexe et moi
Olivier Liron
Alma éditeur
Roman
200 p., 18 €
EAN: 9782362792878
Paru le 6 septembre 2018

Où?
Le roman se déroule en France, principalement à Paris et à la Plaine Saint-Denis.

Quand?
L’action se situe en 2012 et les années qui suivent.

Ce qu’en dit l’éditeur
« Je suis autiste Asperger. Ce n’est pas une maladie, je vous rassure. C’est une différence. Je vais vous raconter une histoire. Cette histoire est la mienne. J’ai joué au jeu télévisé Questions pour un champion et cela a été très important pour moi. »
Nous voici donc en 2012 sur le plateau de France 3 avec notre candidat préféré. Olivier Liron lui-même est fort occupé à gagner; tout autant à nous expliquer ce qui lui est arrivé. En réunissant ici les ingrédients de la confession et ceux du thriller, il manifeste une nouvelle fois avec l’humour qui est sa marque de fabrique, sa très subtile connaissance des émotions humaines.

68 premières fois
Blog motspourmots.fr (Nicole Grundlinger)
Blog Bricabook

Les autres critiques
Babelio 
Lecteurs.com
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Blog The unamed bookshelf 
Untitled Magazine 


Olivia de Lamberterie présente Einstein le sexe et moi sur Télématin © Production France Télévisions

Les premières pages du livre
« 1. Bienvenue dans mon monde
Je suis autiste Asperger. Ce n’est pas une maladie, je vous rassure. C’est une différence. Je préfère réaliser des activités seul plutôt qu’avec d’autres personnes. J’aime faire les choses de la même manière. Je prépare toujours les croque-monsieur avec le même Leerdammer. Je suis fréquemment si absorbé par une chose que je perds tout le reste de vue. Mon attention est souvent attirée par des bruits discrets que les autres ne perçoivent pas. Je suis attentif aux numéros de plaques d’immatriculation ou à tous types d’informations de ce genre. On m’a souvent fait remarquer que ce que je disais était impoli, même quand je pense que c’était poli. Quand je lis une histoire, j’ai du mal à imaginer à quoi les personnages pourraient ressembler. Je suis fasciné par les dates.
Au sein d’un groupe, il m’est difficile de suivre les conversations de plusieurs personnes à la fois. Quand je parle, il n’est pas toujours facile de placer un mot. Je n’aime pas particulièrement lire des romans. Je trouve qu’il est compliqué de se faire de nouveaux amis. Je repère sans cesse les mêmes schémas dans les choses qui m’entourent. Je préfère aller au musée qu’au théâtre. Cela me dérange quand mes habitudes quotidiennes sont perturbées. J’aime beaucoup les calembours comme «J’ai mal occu, j’ai mal occu, j’ai mal occupé ma jeunesse.» Parfois je ne sais pas comment entretenir une conversation. Je trouve qu’il est difficile de lire entre les lignes lorsque quelqu’un me parle. Je note les petits changements dans l’apparence de quelqu’un. Je ne me rends pas toujours compte que mon interlocuteur s’ennuie. Il m’est extrêmement difficile de faire plus d’une chose à la fois.
Parfois, au téléphone, je ne sais pas quand c’est mon tour de parler. J’ai du mal à comprendre le sarcasme ou l’ironie. Je trouve qu’il est compliqué de décoder ce que les autres ressentent en regardant leur visage. Le contact physique avec un autre être humain peut me remplir d’un profond dégoût, même s’il s’agit d’une personne que je désire. Si je suis interrompu, j’ai du mal à revenir à ce que j’étais en train de faire.
Dans une situation de stress avec un interlocuteur, j’essaie de le regarder dans les yeux. On me dit que je répète les mêmes choses. Quand j’étais enfant, je n’aimais pas jouer à des jeux de rôle. Je trouve qu’il est difficile de s’imaginer dans la peau d’un autre. Les nouvelles situations et surtout les lieux que je ne connais pas me rendent anxieux. J’ai le même âge que Novak Djokovic et un an de moins que Rafael Nadal. Quand je regarde un film où un personnage fait des cupcakes, je passe tout le reste du film à me demander combien de cupcakes ont été cuisinés exactement. Je ne supporte pas de porter des jeans trop serrés. Une exposition à une source de lumière trop vive me plonge dans un état de panique. Toutes mes émotions sont extraordinairement fortes et on m’a souvent dit que la façon dont je réagissais était exagérée.
Je me souviens des dates de naissance des gens. J’ai publié un premier roman chez Alma éditeur en 2016. Je vais vous raconter une histoire. Cette histoire est la mienne. J’ai participé au jeu télévisé Questions pour un champion et cela a été très important pour moi. J’ai passé plusieurs journées avec Julien Lepers. Pour m’endormir, je fais parfois le produit de 247856 fois 91. Il suffit qu’une femme ou qu’un homme me prenne dans ses bras pour que je frissonne violemment et que je songe sérieusement à l’épouser. Je n’ai jamais su faire de la corde à sauter. Le résultat du produit de 247856 fois 91 est 22554896. Il suffit de faire 247856 fois 9. Je commence par les gros chiffres. 1800000. 2160000. 2223000. 2230200. 2230704. Puis de multiplier par 10: 22307040. Et d’ajouter 247856: 22554896. J’aime beaucoup les lasagnes, le chocolat à l’orange, la Patagonie et les chansons de Leonard Cohen. Bienvenue dans mon monde. »

Extraits
« Le jour où j’ai joué à Questions pour un super champion, je ne me suis pas réveillé. C’est Paul de Senancour qui m’a réveillé. Paul de Senancour venait de perdre sa grand-mère. Il est sorti boire des coups pour noyer sa tristesse. Je lui ai laissé un double des clés. Quand il est rentré ivre à trois heures du matin, il a tout tenté pour faire le moins de bruit possible. Paul a le cœur sur la main. Il veut qu’on l’appelle Paul, mais en réalité son prénom c’est Paul-Étienne. Il marchait lentement sur le parquet qui craquait horriblement. Dans mon lit en mezzanine, je n’arrivais pas à m’endormir. Mon cœur battait à tout rompre. Le lendemain, je serais avec Julien Lepers. J’allais enregistrer les émissions de Questions pour un super champion, celles du dimanche où s’affrontent les vainqueurs de l’émission quotidienne. J’ai gagné trois fois la quotidienne au printemps ; j’ai perdu à la quatrième, heureusement, on m’a appelé pour participer aux prestigieuses Questions pour un super champion. On était le 15 août, jour de l’Assomption de la Vierge.» p. 17

« Thor, Erik, Bengt, Knut, Torstein et Herman sont arrivés un peu plus de cent jours plus tard sur un atoll des Tuamotu, en Polynésie française. Leur hypothèse du peuplement de la Polynésie par des gens venant d’Amérique du Sud est validée. Huit mille kilomètres sur un radeau confectionné avec du bois pourri et des lianes. Ils ont survécu en jouant de la guitare et en bouffant des poissons volants. Thor Heyerdahl a même filmé la traversée, et il a réalisé un documentaire qui nous permet de savoir tout ça.
J’aime bien l’histoire de Thor Heyerdahl parce qu’on pourrait croire que c’est un film hollywoodien ; mais non, c’est une histoire qui s’est passée dans la vraie vie, et la vraie vie est toujours plus romanesque que les films. Et puis c’est une aventure qui nous dit qu’il faut toujours croire en ses rêves, même quand on a Julien Lepers en face de soi et qu’il s’agit de détrôner Michel à Questions pour un super champion.
En tout cas ça m’a solidement installé dans le match. S’il n’y avait que des questions sur des scientifiques fous comme Thor Heyerdahl, il ne pouvait rien m’arriver.
Après le Kon-Tiki, la mer était tranquille. J’étais confortablement installé à l’avant de la première manche. Je contrôlais le navire. Cap sur la seconde manche. » p. 53-54

« J’aurais voulu lui dire à quel point notre rencontre avait été si importante, inouïe pour moi. J’aurais voulu lui dire que jusqu’à ce que je la rencontre, je m’étais résigné en toute sérénité à mourir puceau, sans amour, sans chaleur, rien d’autre que la verticalité solitaire de la présence sacrée des choses.
J’aurais voulu lui dire qu’avec elle tout changeait. J’aurais voulu lui dire qu’avec elle le désir m’avait emporté comme la marée haute. Qu’un autre monde s’ouvrait à moi et que je m’imaginais dans ses bras. Je suis avec toi, Barbara. (…) Sauf que voilà. Je me suis tu.
Et maintenant je devais répondre à une question de Julien Lepers sur un roman de Dostoïevski. » p. 110

À propos de l’auteur
Olivier Liron est né en 1987. Normalien, il étudie la littérature et l’histoire de l’art à Madrid et à Paris avant de se consacrer à la scène et à l’écriture. Il se forme en parallèle comme comédien à l’Ecole du Jeu, au cours Cochet et lors de nombreux workshops. Il a également une formation de pianiste en conservatoire.
Au théâtre il écrit quatre pièces courtes qui s’accompagnent de performances, Ice Tea (2008), Entrepôt de confections (2010), Douze douleurs douces (2012), Paysage avec koalas (2013). Il réalise aussi de nombreuses lectures (Cendrars, Pessoa, Michaux, Boris Vian, textes des indiens d’Amérique du Nord). En 2015, il crée la performance Banana spleen à l’École Suisse Internationale. En 2016, il fonde le collectif Animal Miroir actuellement en résidence au Théâtre de Vanves.
En tant que scénariste pour le cinéma, il a reçu l’aide à la réécriture du CNC pour le long métrage de fiction Nora avec Alissa Wenz et l’aide à l’écriture de la région Île-de-France pour le développement du long métrage Un cœur en banlieue.
Il publie des nouvelles dans les revues Décapage et Créatures. Son premier roman Danse d’atomes d’or est publié chez Alma Éditeur. (Source : Alma éditeur)

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