Blabla #10 : le téléchargement de livres

Blabla #10 : le téléchargement de livres

Il y a un moment, j'ai vu passer quelques tweets qui parlaient de télécharger des romans (enfin j'ai surtout vu les gens qui ont répondu, mécontents, à ce tweet), et je me suis dis que ça pourrait être une bonne idée d'en parler. Cet article, qui aurait dû sortir en avril, n'a pas pour but de provoquer une shitstorm ni rien du genre, donc respire un bon coup et c'est parti. Attention, cet article est long !

Je vais commencer par te dire un truc : oui, je téléchargeais des romans. C'est quelque chose qu'il m'arrive encore de faire aujourd'hui mais pour d'autres raisons, et j'y reviendrai plus bas. Je disais donc que je téléchargeais des romans. Je vois déjà les dents de certains grincer, les doigts taper sur le clavier pour me dire que c'est mal et blablabla, mais je vais te dire un truc : je suis au courant que c'est mal. Mais on va remonter quelques années en arrière, quand je n'avais ni bourse ni blog, mais que j'étais passionnée de lecture.

Blabla #10 : le téléchargement de livres

J'ai lu mes premiers romans en CP, ça a commencé avec le Petit Nicolas puis avec les histoires de Bottero, pour continuer sur les Hunger Games qui ont été un vrai déclic lors de la sortie de la trilogie. Il faut savoir que je dévorais tout ce qui me passait sous la main, et très vite mes parents m'ont inscrite aux bibliothèques du quartier : j'y allais toutes les semaines, et très vite j'ai fini par ne plus avoir un roman à me mettre sous la dent, simplement parce que les bibliothèques ne suivaient pas au niveau nouveautés. j'ai donc vite lu tout ce qui était adapté à mon âge. Et je suis tombée un jour sur un site de téléchargement, illégal donc, et je ne vais pas te mentir : ça a été le paradis. J'avais pour habitude de recevoir quelques romans à Noël et c'était tout, alors quand j'ai découvert que ce genre de sites existait ça a complètement changé ma façon de lire. Je lisais encore plus, je découvrais de nouveaux auteurs et de nouveaux genres sans ruiner mes parents, mais le plus important à mes yeux c'était que je pouvais lire, que ce soit des nouveautés, des classiques, des vieux bouquins. J'avais la possibilité de choisir autant de livres que je voulais sans me demander s'il y en aurait des nouveaux la semaine suivante pour avoir quelque chose à lire (comme à la bibliothèque), sans me demander combien de tomes il y aurait (parce que trop de tomes = pas d'achat, eh oui ça revient cher), et pour la Tatiana de 13-14 ans que j'étais ce fut un vrai soulagement.

Je n'ai jamais lu autant que l'année où j'ai découvert ces sites de téléchargement, et je carburais facilement à 8 ou 9 romans par semaine. ça a été l'année qui m'a fait comprendre que j'adorais lire et que je ne pourrai jamais m'en passer, et honnêtement je ne sais pas si ça aurait été pareil si je n'avais pas découvert ces sites.

Et boum propulsion quelques années plus tard, Tatiana ouvre son blog, rentre à la fac et reçoit sa première bourse d'études supérieures. Je ne vais pas te dire que j'ai arrêté net de télécharger parce que c'est faux, ça a été plus progressif qu'autre chose. Mais oui, toute ma bourse (ou presque) passait (et passe toujours) dans des bouquins, des bouquins, et encore des bouquins. Je n'ai jamais autant acheté que quand j'ai eu ma première bourse, et paradoxalement je n'ai jamais autant téléchargé de romans. Alors je me suis demandé pourquoi je continuais de télécharger puisque j'avais quelques moyens maintenant, et la réponse est simple : je lis entre 12 et 30 romans par mois, et j'ai une bourse étudiante (sauf pendant l'été). Alors non, le budget ne suit pas. J'ai beau retourner à la bibliothèque, il m'arrive encore aujourd'hui de télécharger des romans pour X ou Y raisons que je donnerai plus bas même si ça reste très rare. Mais la raison est simple, et c'est l'argent. Honnêtement, qui a les moyens par ici de se payer tous les romans qu'il souhaite ? Personne, et surtout pas quand certains prix s'élèvent à 25e.

Blabla #10 : le téléchargement de livres

Pendant cette même période et encore aujourd'hui, j'ai cherché des infos sur l'impact du téléchargement de livres en France, et je suis tombée sur cet article. L'étude porte sur deux ME américaines, et s'intéresse principalement à l'impact du téléchargement sur le volume de ventes. Je te cite l'article :

" Les titres de l'échantillon ont connu un pic de vente lors de leur apparition sur les réseaux P2P ( = les sites de téléchargement). De la semaine 19, qui est en moyenne lorsque des titres ont commencé à être piratée, à la semaine 23, qui a été le deuxième pic moyenne, les ventes ont augmenté de 90%. "

Du coup, je me pose encore plus de questions... Si on enlève le côté morale (eh oui le téléchargement ça reste du vol) est-ce que le fait de télécharger est si mauvais pour les auteurs ou les ME ? Je ne parle pas d'un téléchargement d'un individu qui le revendrait pour se faire lui-même un profit (comme les SP revendus hein, on vous voit certains), mais d'un individu qui télécharge pour son usage personnel et rien d'autre. Je suis tombée sur un autre article, qui cite Tim O'Reilly (sa ME a le même nom), qui explique qu'il ne met pas de DRM sur les ebooks de sa ME, le DRM étant une protection contre le piratage. Et voilà son explication (que j'ai traduite, la version originale est sur le lien) :

" Disons que mon but est de vendre 10 000 copies de quelque chose. Et disons que si je mets un DRM dessus, je vends 10 000 copies et je me fais mon argent ; et si je n'ai pas de DRM 10 000 copies circuleront et je vendrais tout même 10 000 copies. Quelle est la meilleure issue ? Je pense qu'avoir 10 000 romans en circulation en plus de vendre 10 000 romans est bien mieux qu'avoir juste les 10 000 qui ont été payés, sans que personne d'autre en profite. [...] Nous sommes ravis quand les gens qui ne peuvent pas se permettre d'acheter nos romans ne les paient pas, s'ils font quelque chose d'utile avec cette information. "

Du coup, je suis perdue moi. D'un côté on me dit que le téléchargement nuit aux ventes (comme dans cet article, en anglais, où les auteurs expliquent qu'ils ne vendent plus ou beaucoup moins), de l'autre que ça augmente les ventes... Le " seul " souci serait donc la morale qui devrait t'empêcher de télécharger des romans. Tu t'en doutes, la morale n'a pas fait long feu chez la Tatiana de 13 ans, et je sais que je suis loin d'être la seule à télécharger ou avoir téléchargé des romans.

Blabla #10 : le téléchargement de livres

Et on arrive à aujourd'hui, où je t'écris cet article. Aujourd'hui je télécharge rarement voire plus du tout, et quand ça m'arrive ce sont des romans pour lesquels j'ai déjà acheté la version papier. Pourquoi je ne télécharge plus ? Simplement parce que j'estime que si un auteur a passé deux ans à écrire un roman, je peux bien mettre 18E dedans (même si ça fait mal aux fesses quand le roman est mauvais, qu'il y a des fautes ou que la couverture est affreuse). Aussi, simplement parce que je peux acheter des romans. C'est tout... Pourtant je sais que ce n'est pas si simple pour tout le monde, et je sais aussi que si je n'avais pas cette bourse je continuerais de télécharger, pas parce que c'est quelque chose qui m'amuse ni me rend fière mais simplement parce que je n'aurais pas le choix. Je peux me permettre d'acheter les romans qui me tentent ces dernières années, et je veux montrer aux auteurs et ME que j'apprécie qu'ils font un bon boulot, mais d'autres ne le peuvent pas. La Tatiana de 13 ans ne le pouvait pas, et peut-être que la Tatiana dans 20 ans ne pourra pas, qui sait.

J'avais demandé il y a quelques mois sur Twitter pour quelles raisons les gens téléchargeaient des romans illégalement, et voici quelques réponses :

  • impossibilité d'acheter en ligne des romans numériques car personnes trop jeunes, et pas les moyens pour du papier
  • pas les livres souhaités en librairie ou bibliothèque, que ce soit par genre / auteur ou autre > plus facilement trouvables sur des plateformes de téléchargement
  • ou tout simplement, pas de bibliothèque dans les environs
  • préférence pour le numérique, mais quand l'ebook est aussi cher qu'un roman papier, bah ça vaut pas le coup
  • les prix, les prix, les prix. Encore et toujours le prix des romans...

Et oui, aujourd'hui encore lire est un passe-temps de " riche " j'ai l'impression, et ça m'énerve encore plus quand je sais que l'auteur(e) ne touche presque rien sur le prix d'un roman... Pendant qu'on y est, comment les pays anglophones font-ils pour proposer des romans à 10 euros ou moins, et pourquoi la France n'y arrive pas ? Pourquoi on se retrouve avec des romans de 300 pages à 25 euros dans certaines ME, et d'autres de 600 pages à 15 euros dans d'autres ME ? Pourquoi les soldes sur les romans n'existent pas (blablabla loi du prix unique JE SAIS, mais POURQUOI QUAND MEME). Honnêtement j'ai du mal à comprendre ces différences de prix, et je pense que beaucoup ne les pigent pas. Il y a beaucoup de pourquoi et très peu de réponses, et que certains s'étonnent de ne pas vendre un roman à 30E me surprend...

Blabla #10 : le téléchargement de livres

Bref, cet article n'est ni en faveur ni contre le téléchargement, c'est l'article de quelqu'un qui se pose des questions, et qui en a marre de lire des " va a la bibliothèque ", " lis des classiques c'est gratuit ", quand c'est loin d'être aussi simple et qu'on ne regarde pas des deux côté de la barrière. Je comprends les auteurs qui en ont marre, mais je comprends aussi ceux qui utilisent ces sites et continueront des les utiliser. Et surtout, je sais que beaucoup ont ces pratiques mais peu osent en parler. Ou en tout cas peu en parlent sur les romans, parce que ça choque, mais le streaming de films ou de séries surprend moins... alors que c'est la même chose.

Je suis ouverte à la discussion tant qu'elle reste respectueuse, donc n'hésitez pas à commenter !

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois