Margaret Atwood – La Servante écarlate ****

Margaret Atwood – La Servante écarlate ****

Éditeur : Robert Laffont - Date de parution : 2017 [1985] - 544 pages

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La république de Gilead a vu le jour après une chute drastique de la fécondité causée par la pollution, la toxicité de l'air et le mode de vie d'un peuple perverti. L'atmosphère se retrouvant saturée de produits chimiques, enfanter est devenu une chose rare, un trésor inespéré...

Au sein de cette république fondée par des fanatiques religieux, les quelques femmes encore fertiles sont réduites au rang d'esclaves sexuelles - vêtues de rouge, avec des œillères blanches pour avoir le visage dissimulé le plus possible.

La voix de ce roman est celle de Defred, servante écarlate parmi les autres, qui met son corps au service du Commandant et de son Épouse. Sa voix résonne comme un témoignage de son époque. Elle nous livre son histoire, sans rien omettre, tâchant de la raconter au plus près de la vérité.

Le récit fait basculer le présent dans le passé - cette époque pas si lointaine où Defred était encore une femme libre et une mère... - à travers une chronologie éclatée. La nuit, ses pires cauchemars viennent la hanter ; elle ne peut s'empêcher de penser à Luke et sa fille. Elle imagine leur vie : sont-ils morts ? Ou bien imaginer leur mort est-elle une façon pour elle de survivre ? " Le temps est un piège, je suis prise dedans. "

La Servante écarlate est un roman foisonnant qui nous immerge dans les méandres des pensées de cette femme privée de liberté, d'amour, de passé, de moi, de prénom, qui va tenter de fuir.

L'écriture de Margaret Atwood m'a immédiatement conquise : cinématographique et ciselée, elle m'a fait frémir et sursauter. Une scène m'a particulièrement marquée : celle de la cérémonie de la naissance, où les esclaves écarlates entrent en transe avec la femme en train d'accoucher... La voix de Defred est de celles qui marquent durablement les esprits. Un roman terrible, d'une grande noirceur, dont on ne ressort pas indemne et qui nous laisse surtout l'impression qu'un jour il pourrait se réaliser.

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" Je suis couchée dans mon lit, encore tremblante. On peut mouiller le bord d'un verre, faire courir le doigt tout autour, et il émettra un son. C'est ainsi que je me sens : je suis ce son de verre. Je me sens comme le mot briser. J'ai envie d'être avec quelqu'un. "

" Je voudrais que cette histoire soit différente. Je voudrais qu'elle soit plus civilisée. (...) Je voudrais qu'elle parle d'amour, ou d'illuminations soudaines importantes pour ma vie, ou même de couchers de soleil, d'oiseaux, d'ouragans ou de neige. "

" Je regrette qu'il y ait tant de souffrance dans cette histoire. Je regrette qu'elle soit en fragments, comme un corps pris sous un feu croisé ou écartelé de force. Mais je ne peux rien faire pour la changer. "


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois