Catel: une héroïne du neuvième art

Catel: une héroïne du neuvième art

Catel: Héroïnes au bout du crayon (Expo au Musée de la BD de Bruxelles jusqu’au 25 novembre 2018)

« Etre visible en tant qu’autrice de bande dessinée, c’est déjà énorme. Car depuis toujours, les dessins et les peintures des femmes sont beaucoup moins mis en valeur que ceux des hommes. » La dessinatrice, illustratrice et scénariste française Catel Muller, dite Catel, n’en revient toujours pas de voir son travail de ces 30 dernières années exposé sur les murs du Musée de la bande dessinée à Bruxelles, un endroit qu’elle considère comme étant « La Mecque de la BD ». Malicieuse et enjouée, à l’image de la plupart des personnages féminins de ses livres, elle souligne que Mélanie Andrieu, l’une des deux commissaires de l’exposition « Heroïnes au bout du crayon », n’a pas forcément retenu ses plus belles réalisations, mais qu’elle a préféré se concentrer sur les dessins les plus intéressants. Autrement dit, ceux qui ont le plus de sens. « En préparant cette expo avec elle, j’ai été étonnée de découvrir à quel point il y a un fil directeur dans mon oeuvre », souligne Catel.

Catel: une héroïne du neuvième art

En parcourant l’expo, ce fil rouge ressort effectivement très clairement. Passionnée par le dessin depuis sa plus tendre enfance, Catel a toujours mis en scène des héroïnes, que ce soient des petites filles espiègles et attachantes dans ses livres pour la jeunesse ou des femmes fortes et affranchies dans ses BD destinées à un public plus adulte. « C’est vrai, il y a toujours eu chez moi une forme de féminisme, même si je dois bien avouer que c’était inconscient au début », raconte l’autrice. « Pendant longtemps, je ne m’en suis pas rendue compte. C’est seulement plus tard que j’ai constaté que j’avais toujours mis en scène des héroïnes insolentes et émancipées. » L’expo du Musée de la BD consacre notamment une large place aux « biographiques », ces biographies dessinées de plusieurs centaines de pages consacrées par Catel à des femmes engagées qui ont marqué l’Histoire, tout en étant injustement méconnues ou sous-estimées. Avec son compagnon José-Louis Bocquet, elle a notamment mis en lumière le courage de Kiki de Montparnasse, Olympe de Gouges et Joséphine Baker. L’expo au Musée de la BD permet de voir à quel point la réalisation de chacun de ces portraits s’est accompagnée d’un minutieux travail de documentation et de recherches graphiques. « A chaque fois, je tente vraiment de rentrer dans l’esprit graphique de l’époque que je dessine », explique l’autrice, en soulignant que l’objectif de ses « biographiques » est de parler des « femmes vraies qui ont été oubliées par l’Histoire », mais « sur un autre ton que celui de l’Oncle Paul ».

Catel: une héroïne du neuvième art

Ayant pour modèles Claire Bretécher et Benoîte Groult (sur laquelle elle a écrit et dessiné le roman graphique « Ainsi soit Benoîte Groult »), Catel s’est toujours intéressée à la (trop faible) place des femmes dans la société. De façon tout à fait logique, l’expo qui lui est consacrée aborde donc également la question de la sous-représentation des femmes dans la bande dessinée, ainsi que la lutte menée par Catel et par d’autres pour s’imposer dans ce milieu très machiste. « Quand mes BD ont commencé à marcher, j’ai reçu tellement d’insultes parce que j’étais une femme que j’ai plusieurs fois pensé arrêter ce métier », raconte Catel. « C’est pour cette raison qu’aujourd’hui, je suis particulièrement ravie de pouvoir continuer le combat mené par d’autres femmes avant moi. En ce qui me concerne, ce n’est d’ailleurs pas seulement un combat féminin. Je suis persuadée que la lutte pour la parité devrait aussi être l’affaire des hommes. » Et Catel de souligner que René Goscinny, sur lequel elle prépare actuellement un livre, était un grand féministe. « C’est lui qui a été le premier à proposer un contrat à Claire Bretécher, à une époque où la bande dessinée était encore vraiment une affaire d’hommes », explique-t-elle.

Catel: une héroïne du neuvième art

Puisqu’on parle de ce livre sur Goscinny, l’expo consacrée à Catel offre également un aperçu sur ses nombreux projets en cours. « Je travaille toujours sur à peu près 5 projets en même temps », sourit-elle, en précisant qu’elle travaille désormais avec plusieurs collaborateurs pour l’aider dans son travail. Deux de ses projets sont liés à Anne Goscinny, avec qui Catel entretient une relation très forte depuis plusieurs années. Elle est même parvenue à convaincre son amie d’enfin se mettre à écrire, ce qui a donné lieu à la série jeunesse « Le monde de Lucrèce », qui connaît aujourd’hui un immense succès. « Anne est la réincarnation de son père, elle est vraiment très drôle », affirme Catel. « Certains disent que sa Lucrèce est un peu la grande soeur du Petit Nicolas, mais elle est bien plus que ça. C’est vraiment une fille de notre époque. » Passionnée par le destin très romanesque d’Anne Goscinny et de sa famille, Catel a entrepris de raconter « le roman des Goscinny » en bande dessinée. Une histoire en deux tomes, qui paraîtra l’an prochain chez Grasset et dont on peut déjà admirer certaines planches au Musée de la BD. Bien sûr, Catel n’oublie pas pour autant ses « biographiques ». José-Louis Bocquet et elle travaillent actuellement sur deux nouvelles biographies dessinées: l’une consacrée à Alice Guy, qui fut la première femme cinéaste de l’Histoire, et l’autre à Nico, la mythique chanteuse du Velvet Underground. C’est sûr: on n’a pas fini d’entendre parler de Catel!

Catel: une héroïne du neuvième art


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