Ma reine de Jean-Baptiste Andrea

reine Jean-Baptiste Andrea

1965, dans une station service hors d’âge, au bord d’une route peu fréquentée du Sud de la France. C’est là que Vit Shell, un jeune garçon de 12 ans. C’est même tout son univers, depuis que l’école ne veut plus de lui. Car Shell est différent.

Shell vit dans son monde à lui, fier de faire briller la pompe à essence, fier de service les clients, fier de porter le blouson Shell donné par son père et qui lui vaut son surnom. Content d’avoir quitté l’école où il n’avait pas d’amis, où les coups et les insultes pleuvaient, où ses réactions disproportionnées effrayaient. Les médecins vus par ses parents ont dit que son cerveau ne grandissait plus, mais Shell ne voit pas les choses comme ça.

Shell fait des bêtises parfois, comme de fumer une cigarette et de mettre le feu à la garrigue… Ses parents étant vieillissants, sa grande soeur qui vit loin insiste pour qu’il ne reste pas ici, où il n’a pas d’avenir. Surprenant une conversation où il comprend qu’on va l’emmener loin, Shell décide alors de partir. Partir faire la guerre, être un soldat, être utile, tuer des ennemis comme il le voit à la télé et revenir comme un homme à qui on ne pourra plus imposer des choses.

Alors une nuit, il vole le fusil de chasse paternel, prépare un sac et saute par la fenêtre en direction de la montagne.

Mais tout ne se passe pas comme prévu. Il oublie son sac, perd son fusil, et se retrouve bientôt seul sur un plateau désertique, sans nourriture. C’est alors qu’une jeune fille apparaît, Viviane, aux yeux en colère, qui lui dit qu’elle est reine et qu’il doit lui obéir. De jour en jour, elle lui dit de se cacher, lui apporte quelques sandwiches, l’emmène découvrir une grotte, joue à lui donner des ordres… puis disparaît. Recueilli par un berger qui le sauve, Shell comprend que Viviane est une parisienne en vacances, qu’elle a dû suivre ses parents sans doute. Il l’attend, elle est désormais sa reine, elle est tout pour lui. Et Viviane revient, pour elle ce n’est qu’un jeu, pour lui une vie, fidèle à sa reine jusqu’au bout.

J’ai beaucoup aimé ce roman d’une grande sensibilité. On y découvre un adolescent jugé sans doute peu intelligent, différent, mais indéniablement attachant, qu’on a envie de protéger. On y découvre son univers et ses perceptions, si étranges parce que différentes elles aussi. La personnalité de Viviane également intrigue, entre enfance et adolescence, entre réalité (trop sombre ?) et refuge dans l’illusion et le rêve. Ce huis-clos fait également beaucoup réfléchir à la place de la différence dans nos sociétés, à la place de l’autre tout simplement, à nos capacités d’adaptation et d’acceptation. On navigue entre tristesse et douceur, entre la noirceur d’un destine et la lumière qui émane du garçon. Un très beau roman, singulier comme ses personnages, à découvrir !

Jean-Baptiste Andrea, né en 1971, est un réalisateur, scénariste et écrivain français.

Ma reine est paru chez L’Iconoclaste en août 2017 (17€).

Morceaux choisis :

[…] j’ai pensé que c’était peut-être ça, être un héros : faire des choses qu’on n’est pas obligé de faire. »

« Parce que je n’étais pas tout à fait comme tout le monde, les gens n’imaginaient pas que je pouvais être drôle et faire des blagues. Résultat j’avais arrêté d’en faire. Richard m’avait expliqué que je ne choisissais pas bien mon moment. Il avait essayé de m’apprendre mais il était parti avant d’avoir réussi. »

Livre lu dans le cadre du Prix du roman Cézam inter-CE 2018.

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