Je ne pense pas de la même manière que vous, et alors ?

Bonjour, bonjour !

Aujourd’hui, je voulais vous parler d’un sujet un peu plus personnel, un sujet qui me tient particulièrement à cœur, puisqu’il a conditionné une partie de ma vie, qu’encore quelques heures plus tôt, j’ai dû justifier ma manière de penser, qui n’est, semblable qu’à celle de 3 % de la population. Je pense différemment, je réfléchis différemment, j’envisage les choses différemment, je suis une enfant précoce et je ne l’ai appris qu’à plus de 20 ans. Et cette petite qualification a gâché une bonne partie de mon enfance.

Je ne pense pas de la même manière que vous, et alors ?

Si je vous dis enfant précoce, vous imaginez tout de suite le premier de la classe, le monsieur/madame « moi je sais tout », celui qui a 20/20 à toutes les matières, celui qui est nul en sport et préfère de loin ses livres ? Eh bien laissez-moi vous dire une chose, je n’ai JAMAIS été comme ça. J’étais une petite fille extrêmement timide et hypersensible, j’avais de bons résultats scolaires, mais sans plus, mon but dans la vie était de me rendre invisible et j’y parvenais plutôt bien. J’étais plutôt bonne en sport, j’ai même été repérée à 8 ans pour faire partie des équipes nationales de natation et eu Philippe Lucas comme entraîneur, c’est pour dire. J’étais cependant curieuse de tout, j’adorais la lecture et les mondes imaginaires, j’avais de l’humour (que j’ai toujours du reste), j’avais une certaine haine de l’autorité, de l’injustice, mais surtout une capacité sociale environ égale à zéro. Soyons honnêtes, je ne m’intéressais pas aux autres, tout simplement parce que je trouvais la plupart des enfants de mon âge, idiots. C’est triste à dire, mais c’est comme ça. C’est d’ailleurs pour cela que je n’ai toujours fait que des sports individuels et non collectifs, je ne me faisais pas confiance et je ne supportais pas de mettre en avant ou de devoir me comparer aux autres. Du coup, adieu la compétition et mes espoirs de JO en natation.

Avec tout ça, sont venus, au fil des ans, le harcèlement scolaire (de la 6e à la 1re), la phobie de l’échec, celle de l’inconnu, une phobie sociale assez importante, la solitude, le perfectionnisme, la haine de moi-même, l’angoisse, l’anxiété, le stress… Parce que même si je ne savais pas pourquoi, j’étais différente, de beaucoup de manières, et personne n’avait jamais réussi à m’en dire la raison. Après tout, c’est tout à fait normal pour une ado de ressentir la douleur des gens, d’être capable d’analyser une personne en quelques minutes de conversation et de savoir si elle est fiable ou non. De savoir quand quelqu’un ment… L’empathie, la capacité d’analyse de situation, le caractère responsable, j’avais la manière de pensée d’un adulte avant même d’avoir été une enfant, et paradoxalement, sur certains sujets, je pouvais (et je le suis toujours) être extrêmement puérile. Mes parents ont simplement pensé à une crise d’adolescence précoce, moi, je souffrais seule dans mon coin.

J’avais le profil de ce que l’on appelle « L’enfant Discret ». On ne m’entendait pas, on ne me voyait pas non plus, j’avais une estime personnelle environ égale à zéro, je me diminuais pour être au niveau de tout le monde et même là encore, les autres enfants trouvaient le moyen de m’embêter. Je n’ai pas non plus fait partie de ces tarés des maths, de la logique et de la physique. Pitié, je voue une certaine haine à ces matières et honnêtement, je ne sais pas compter ! Non, je suis de ceux qui ont une plus grande compréhension des autres, du monde, une sensibilité artistique particulière et un besoin presque impérieux de m’évader pour ne plus souffrir, parce qu’il ne faut pas oublier que l’emphatique ressent tout ce que les autres ressentent, en plus de sa propre souffrance. Alors, très souvent, j’étais là, sans être là, vous me parliez, mais j’étais ailleurs, loin dans un monde où je pouvais faire ce que je voulais, où il n’y avait plus d’injustice, plus de souffrance, et surtout, je ne n’avais pas à avoir honte d’être moi-même !

Je ne l’ai appris qu’il y a deux ans. J’ai vécu 22 ans à me dire que c’était de ma faute si j’étais différente, que je n’avais qu’à contrôler un peu plus mes émotions, mes peurs, mes sentiments, et tout ce qui va avec, pour être comme tout le monde. J’ai passé 22 ans à souffrir d’un mal qui avait un nom tout trouvé, sauf que personne n’avait su me dire que j’étais simplement un enfant précoce. Je n’étais pas étrange, pas dérangée, juste surdouée. Et cette qualification apporte tout son lot de réponses et de soulagements. Mais surtout une autre grande question, pourquoi ni mes parents ni mes profs n’ont su me dire que je n’étais pas comme les autres ? Parce que dans leurs têtes et malgré toutes les conversations que j’ai pu entendre sur « oh, tu as vu le fils d’untel, le pauvre, il est surdoué, il est si malheureux… », un enfant surdoué était la tête de classe, ou le zouave qui s’ennuyait tellement, qu’il dissipait tout le monde. Eh Oh !? Et moi ? Pourquoi remarquaient-ils tout le monde et pas moi ? C’est aussi l’une des conséquences d’être un caméléon social… Et c’est bien plus douloureux de se rendre compte que l’on remarque les problèmes des autres et pas ceux de son propre enfant. 

Aujourd’hui, que peu de personnes de mon entourage proche ne sont au courant, à quoi bon ? 24 ans sans s’en rendre compte, je ne pense pas que ça change grand-chose. Sauf, lorsque comme aujourd’hui, au cours d’une conversation, je suis obligée de justifier ma manière différente d’envisager les choses. Et c’est éreintant à la longue. Parce que dans cette société, dès que vous sortez du lot pour quelques raisons, vous êtes forcément montrés du doigt, critiqués, et mis sur le banc de touche parce que vous ne correspondez pas au profil tout fait du français lambda. 

J’ai appris à accepter ma « différence », je dirais presque mon « handicap social » parce que c’en est presque un. Et j’en ai fait ma force, parce qu’il n’y a rien de plus gratifiant que de grandir, se construire et s’épanouir en ayant souffert une bonne partie de son enfance et d’être aujourd’hui en phase avec ce que l’on est et d’être plus ou moins heureux comme cela (parce que lorsque l’on a une conscience aiguë des choses, c’est plus difficile de se satisfaire de ce que l’on a), plutôt que d’être un mouton dans une société qui a pour but de faire petit à petit disparaitre la capacité de réflexion de ses citoyens !

Je ne sais pas pourquoi je dis ça aujourd’hui, peut-être parce qu’en ai marre d’être stigmatisée pour ma différence. « Oh, mais Rose est une artiste, c’est normal qu’elle soit différente». Bah non. Le qualificatif artistique à bon dos, en attendant, durant mon enfance, je n’ai fait ni dessin, ni musique. Non, moi j’aimais les mots, les livres et les pages, et je prenais mon stylo dès que je le pouvais, au risque d’exploser de l’intérieur si je ne faisais pas sortir toute la haine, la colère, la tristesse, la déception que je gardais au fond de mon petit cœur d’enfant. Vous en connaissez beaucoup des enfants qui disent à leur mère à 6 ans qu’ils veulent mourir parce qu’ils estiment ne pas avoir leur place dans la société ?

Je voulais juste, avec ma verve sans retenue, vous dire qu’il faut arrêter de penser qu’il n’y a qu’un seul type d’enfant surdoué. Il y a en a beaucoup, et il faut savoir le détecter pour ne pas qu’ils souffrent inutilement pendant des années ! 

Voilà, je m’arrête ici parce que je risque de ne plus m’arrêter ! 
En tout cas, je vous souhaite une bonne journée, de belles découvertes !
A bientôt ! 

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois