Shangri-La, de Mathieu Bablet

Shangri-La, de Mathieu Bablet

Shangri-La, de Mathieu Bablet, Éditions Ankama, « Label 619 », 2016, 224 pages.

L’histoire

Dans un futur lointain de quelques centaines d’années, les hommes vivent dans une station spatiale loin de la Terre et régie par une multinationale à qui est voué un véritable culte. En apparence, tout le monde semble se satisfaire de cette « société parfaite ». Dans ce contexte, les hommes veulent repousser leurs propres limites et devenir les égaux des dieux. C’est en mettant en place un programme visant à créer la vie à partir de rien sur Shangri-La, une des régions les plus hospitalières de Titan, qu’ils comptent bien réécrire la « Genèse » à leur façon.

Note : 5/5

Mon humble avis

J’arrive un peu tard pour parler du phénomène qu’est la bande dessinée Shangri-La, mais grâce à une collègue qui me l’a prêté, j’ai pu découvrir cette fabuleuse histoire. J’avais entendu parler des dessins à couper le souffle, et ce n’était pas survendu : les paysages qu’ils soient arides ou verdoyants, les structures et bâtiments, les planètes et les scènes dans l’espace sont somptueuses de détails. Bon, j’ai trouvé les visages des personnages moins bien réussis, par moment leurs traits sont tellement horrifiques que c’en est terrifiant – et je ne suis pas sûre que ce soit voulu. Enfin, c’est un détail, mais qui m’a fait tout de même tiquer sur quelques cases. Rien à redire sur les couleurs : c’est magnifique, les palettes sont diverses tout en restant cohérentes, avec la plupart des scènes dans des tons orangés ou bleutés. L’ambiance est parfaitement rendue grâce aux couleurs en tous cas.

Shangri-La, de Mathieu Bablet

La vie dans cette station spatiale est en apparence parfaite, du moins, c’est ce que l’entreprise qui contrôle ladite station, Thianzu Entreprise, proclame haut et fort, jusqu’à ce que les habitants finissent par y croire, sans se poser d’autres questions. En quelques pages, on comprend bien qu’on est dans une société à la 1984 de George Orwell, où tout n’est que surveillance, travail et incitation à la consommation, pour que tout le monde suive le chemin tout tracé par un petit cercle de dirigeants.

À grands coup de slogans qui encouragent les habitant de la station à acheter le dernier téléphone, la tablette dernier cri, à profiter des soldes alors qu’ils n’ont besoin de rien, Thianzu Entreprise créé un monopôle où finalement ce sont eux qui emploient et paient les travailleurs, pour que ces derniers puissent utiliser le même argent afin de consommer chez eux. Tout est histoire d’optimisation d’argent et de place dans cette station gigantesque où les « appartements » ne sont plus que des couloirs verticaux, où l’espace est réduit au maximum, au point où il est difficile de s’y déshabiller. D’ailleurs, on imagine mal une personne de corpulence plus forte que le « standard » réussir à se déplacer jusqu’à la « case » qui sert de cuisine, ou l’espace de couchage si bas qu’il est impossible de s’asseoir sur le lit. De toutes façons, il ne semble pas que des personnes à la corpulence autre que standard et longiligne vivent sur la station : tout incite les habitants à rester en forme, faire du sport et être globalement superficiel.

En plus de la critique d’une société de surconsommation qui n’est pas sans rappeler la nôtre (occidentale du moins), Shangri-La montre des personnages prêts à manifester contre Thianzu sur un sujet, puis à se précipiter pour aller acheter le téléphone dernier cri. Un peu comme signer des pétitions contre le travail d’enfants avant d’aller profiter des soldes chez une enseigne de vêtements bon marché. Bref, la bande dessinée n’est pas subtile dans ses messages mais je ne trouve pas que ce soit un mal.

Enfin, l’un des points qui m’a le plus touché est l’existence d’« animanoïde » : les animaux ont disparu et les humains ont décidé de faire des expériences génétiques afin de créer ces hybrides. On suit l’un de ces personnages, John un animanoïde chien, qui fait office de souffre douleur, comme toute son espèce. Il a d’ailleurs une théorie intéressante selon laquelle ce serait la raison précise de leur création : dans un espace si réduit où ni frontières ni cultures différentes n’existent, il fallait créer une minorité sur laquelle se défouler. Voire pire.

Dans Shangri-La, les Hommes comptent bien jouer avec la création, avec la science, afin de devenir des Dieux, et de pouvoir exercer leur contrôle sur d’autres espèces. C’est si bien rendu dans la bande dessinée que cela devient absolument terrifiant. Après une telle chronique vous vous en doutez, je vous conseille vivement sa lecture !

Pour en savoir plus :

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Déclencheurs potentiels : viol, esclavage.


Classé dans:Bande dessinée, Chroniques Tagged: 5/5, Éditions Ankama, dystopie, Label 619, Mathieu Bablet, Science-fiction

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