Une idée fixe… un texte de Myriam Ould-Hamouda

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

Kawanabe Kyōsai

Une idée fixe, c’est comme une publicité sur le web, une fois que t’as réussi à oublier l’essentiel en traînant de lien en lien, y’en a toujours une qui se met à brailler au moment où tu t’y attends le moins ; et essaye, toi, de la trouver, cette foutue vidéo qui s’est lancée sans que personne ne lui donne son consentement, au milieu de la trentaine d’onglets ouverts : c’est comme chercher un sourire sous le bearskin d’un garde londonien. Et aussi, va savoir ce qui a bien pu me prendre le jour où, comme la réclame avait tes yeux, sans réfléchir je l’ai ajoutée à mes favoris.

On peut tromper mille fois le monde entier lorsqu’on accepte de jouer la comédie de la vie, mais on ne peut jamais duper bien longtemps son cerveau qui n’est pas prêt, pas prêt du tout, à renoncer à son idée fixe. Et t’as beau la ranger tout au fond d’un placard de la cuisine, entre la tablette de chocolat et la bouteille de whisky, fermer le placard à double tour, jeter la clé dans le débarras où personne ne parvient plus à mettre un pied depuis des plombes, mais où toutes ces choses inutiles que personne ne veut jeter continuent à s’entasser ; et ton imagination a beau inventer toutes les stratégies capilotractées qu’elle peut, ton cerveau n’a rien d’un lapin de six semaines et, comme il grimace déjà de travers, tu sais pertinemment que tu vas payer le prix fort pour tes tentatives de duperies. Et si les publicités sur le web finissent toujours par se taire, on n’a jamais vu aucune idée fixe respecter le temps de parole qui lui était octroyé. Et, du fond de son placard fermé à double tour, elle se tortille un peu pousse un gémissement à peine audible, mais déjà bien agaçant et puis se met à taper de toute sa rage contre la porte et à jouer avec ton cerveau à qui gueule le plus fort. Une idée fixe, c’est comme un chewing-gum collé sous la semelle : t’as beau essayer de frotter de toutes tes forces pour t’en débarrasser, tu ne fais jamais rien qu’à l’étaler un peu plus.

Et ça n’a rien d’évident, tu sais, de jouer encore la comédie de la vie avec cette idée fixe qui occupe tout le plateau. Parfois, une baballe rouge que quelqu’un a lancée suffit à me distraire, le temps de dire bonjour de respirer un peu et de rire trop fort, le temps de faire un premier pas même s’il coûte un bras, mais au pas suivant et à la semelle gauche qui colle sur le bitume, je manque toujours de me rétamer. D’autres fois, l’idée de m’éclater la tête contre un mur pour en faire sortir cette idée fixe qui ne fait rien qu’à parler de toi me traverse l’esprit ; mais comme je sais que vous seriez capables de poursuivre le show sur la tapisserie du salon, je finis par m’avachir sur le canapé.

Mais la porte d’entrée n’est pas fermée et j’ai fait un peu de place dans mon cœur et sur le canapé pour mon idée fixe et pour toi, pour si, un soir vous aussi êtes un peu fatigués, de jouer.

Notice biographique

Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorité, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois