Une plage et L’envers de l’endroit… textes de Marc-André Lévesque

Une plage — Une plage. De sable blanc. Je marche et les traces que je fais ne sont pas de moi. Étrangement, des fleurs poussent un peu comme dans certains déserts tôt le matin, des gouttelettes d’humidité ont créé une flore si fragile qu’au moindre coup de vent, elles s’envolent. Là, à ce moment précis, il ne vente pas. Je regarde ce décor minimum avec des traces qui ne sont pas les miennes. Je m’y déplace maintenant à quatre pattes. Je cherche une personne qui ne me connaît pas encore alors que je me transforme. Je recule, je me remets debout, mes pieds correspondent aux traces laissées sur la plage. Je me reconnais. J’avance en reculant. J’arrive à la hauteur d’une femme en jupe d’été fleurie. Elle me sourit. Je suis aile. Nous nous envolons pour échapper au recul qui nous entoure, avant que ça devienne une prison hermétique. En bas, les gens ne bougent plus, certains crient : « Qui a-t-il au-delà du moyen-âge ? » Nous ne répondons pas, nous ne savons pas. Leurs gémissements sont intolérables. Nous tentons de les libérer sans jamais y parvenir. Puis, il nous faudra partir, je ne sais où… Au-delà des refus.

L’envers de l’endroit

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecL’envers de l’endroit — Je suis encore aujourd’hui à l’envers de l’endroit. Hier, je marchais sur les plafonds, aujourd’hui, ce sont les murs que je parcours depuis ce matin, avec une belle accalmie sur l’heure du dîner, invité que j’étais par ma fille et sa mère, mon ex. J’ai traîné jusqu’au restaurant mon manque de latitude sans que cela paraisse trop, surtout en évitant de regarder les murs. J’y ai perdu quelque peu d’audition. J’étais si heureux. Quelques heures après, mes sens sont sens dessus dessous et je me balade encore sur les murs avant de tomber sur un livre charmant que j’ai relu : Le joueur d’échecs de Stefán Zweig, il me semble que j’étais couché sur une étagère, mais je peux me tromper. J’ai terminé ma chute dans mon lit avec pour, seul outil, une boîte de papier mouchoir, à moitié pleine. Plus bas, un enfant placotait avec sa mère, il faisait un bruit de mouton, mais je peux me tromper, je n’ai pas les oreilles musicales. J’ai dormi illico sans demander mon reste, je vous écris et je crois que je dors encore, mais je peux me tromper, je crois que je ne suis jamais réveillé depuis ma naissance, qui remonte à loin.

L’auteuralain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

Né à Saint-Ulric, près de Matane, sur la rive sud du fleuve, j’ai été créé par les images de ce désert d’eau qui change de forme selon les saisons.  Je lancerai bientôt (le 23 novembre) Des mots sur des couleurs, mon premier recueil de récits, en collaboration avec l’artiste peintre Pierre Morin de Varennes qui appartient, tout comme moi, aux paysages de la Matanie, mon pays, mes amours.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

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