Politique et réalités printanières…, par Alain Gagnon

Réalités printanières. — Grand magasin. Foule. Besoin de bois. Mesures précises. D’abord, on attend… Et paie à la caisse. Puis on entre l’auto dans un entrepôt pour cueillir l’achat.
Tout en ouvrant la valise arrière, j’aperçois des planches plus adéquates. Je dis au préposé :
— Je vais prendre celles-là, à la place de…
— Pas de problèmes, coupe l’homme. Mais faut repasser à la caisse. C’est 1, 48 $ moins cher.
— Bon, ça va, fis-je. Vous pouvez le garder ce dollar et 48.
Je n’ai pas du tout envie de retourner faire la queue.
— C’est pas possible, fait l’homme.
— Et pourquoi ?
— Ça balancera pas. On peut pas vous laisser partir…
— Moi, je pars.
— Pas question ! reprend le préposé.
Je démarre et roule vers la barrière qui ferme la porte de l’entrepôt.
Un gardien effleure le bouton pour la lever, hésite.
Je sors mon téléphone.
— Vous appelez qui ? demande le gardien, inquiet.
— La Police. Vous me séquestrez parce que le magasin me doit de l’argent ! Vous expliquerez ça au juge.
— Laisse-le passer, crie le préposé de l’arrière.
Et il touche sa casquette.
Pour me saluer ? Pour signifier que je suis fou ?

Politique. — Deux définitions s’affrontent :
1. Celle des réalistes : La politique est l’art de prendre le pouvoir et de le garder.
2. Celle des idéalistes : La politique est l’art de prendre le pouvoir pour mettre en place des mesures économiques et sociales qui amélioreront le sort de ceux qui, en démocratie, nous ont élus.
Tous les politiciens clament sur les tribunes la seconde ou ses dérivées ; et mettent en pratique surtout la première.
Mais si la seconde, celle des rêveurs, n’existait pas, ne se rappelait pas, même formulée faussement, à la mémoire, il n’y aurait jamais de tensions, d’élans vers l’idéal, et notre monde serait voué à la plus horizontale des cacophonies nihilistes.

Poésie et éveil. — Ne pas viser l’émotion facile. Viser l’éveil. Éveiller chez les lecteurs ce que la poésie éveille chez moi en l’écrivant.

Par ces images/éclairs dont parle Ezra Pound — de sa cage de fer.

Puis se laisser dériver jusqu’à la rencontre de soi.

L’auteur : Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K(Pleine Lune, 1998). Quatre de ses ouvrages en prose ont ensuite paru chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale(2003), Jakob, fils de Jakob (2004), Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013). Il a reçu à quatre alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique(Triptyque, 2005), Les versets du pluriel(Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011). En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010). Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan,Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux(MBNE) ; récemment il publiait un essai, Fantômes d’étoiles, chez ce même éditeur. On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL. De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue. Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com).

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois