Interview Rodolphe & Christophe Dubois, pour « TER » (T1) – l’étranger

En complément de la Chronique de TER, Rodolphe et Christophe Dubois nous reçoivent pour disséquer leur nouveau projet de S.F., édité aux éditions Daniel Maghen.

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TER-HORIZ_Univers

Rodolphe, tu nous fais le pitch ?
R. C’est une histoire qui peut s’apparenter à de la science-fiction. J’entends par là, de la spéculative-fiction, qui est la projection dans un monde futur, qui n’est pas précisé. ni dans le temps, ni dans l’espace. Dans ce futur, surgit un personnage, d’une trentaine d’année totalement nu. Cette nudité est physique et mentale. C‘est à dire qu’il n’a ni mémoire, ni language. ce personnage va acquérir un langage et exprimer une personnalité et une mémoire. Dans cette mémoire, il a des informations très particulières à communiquer.

L’album avec ce monde complexe et très construit m’a fait penser au “Cycle de Cyann”. Avez-vous partagé des références communes pour construire ce monde ?
R. Cela fait une petite quarantaine d’années que je n’ai pas lu de romans de SF. Cette histoire n’a pas été construite en références à d’autres choses.
TER_Carre01C. D.Non, J’ai avancé sur les éléments qui apparaissent dans le scénario, mais on ne s’est pas donné de références.
La grande difficulté, c’est de trouver un terrain crédible. Côté paysages, je m’étais inspiré de l’île de Lanzarote, qui est très volcanique.
R. Plus que des références, c’est une transposition de choses qu’on vit aujourd’hui. La conquête des étoiles, c’est la transposition de la conquête maritime des siècles précédents.

Christophe, tu as un dessin plus réaliste que d’habitude ?
C. D.J’ai sans doute fait des progrès, Je cherche toujours dans la même direction. J’ai envie d’arriver à un dessin réaliste, car c’est celui qui est le plus à même d’exprimer ce que j’ai envie de dire. Cette fois-ci, j’ai cherché un peu plus loin. J’ai trouvé de nouvelles solutions graphiques. C’est mon évolution naturelle, sans doute.

Les ambiances colorées sont très présentes, prégnantes.
C. D.Là aussi, c’est le résultat de mon évolution technique. Il y a une grande partie de l’album dans des ambiances nuit. Ma façon de travailler me permet d’avoir des couleurs assez denses. C’est peut-être ça qui donne cette impression.
Pour marquer le découpage, j’aime bien que chaque scène ait une dominante forte. Cela rythme la lecture. Je peux jouer sur des complémentaires entre une scène et la suivante. C’est une harmonie globale de l’album.

TER_HORIZ_Univer02Il y a une volonté immersion très forte dans l’album.
C. D.Comme c’est un monde totalement imaginaire, il fallait tout créer. Même si ça n’apparait pas dans les cases, j’ai construit l’intégralité de ce monde car je devais savoir ce qu’il y avait au delà des cases. Toutes ces choses sur lesquelles j’ai travaillé graphiquement, mais qui ne sont pas visibles, donnent de l’épaisseur et de la cohérence.
Concernant les images, les inserts, j’avais l’habitude de jouer beaucoup là-dessus. Je trouve que le découpage et le rythme de l’histoire de Rodolphe sont tellement fluides, que j’ai renoncé à ces grandes cases. J’ai moins ressenti le besoin d’utiliser des effets graphiques compliqués.

R. Cette immersion, c’est la plongée dans un univers différente, mais qui a néanmoins des connotations de récit SF, mais à notre propre planète. Les statues de la première scène font penser aux statues de l’île de Pâque. Il y a un côté médiéval dans le bourg qu’on découvre. La cave de Pip est un grenier de brocanteur. Il y a plein de petits références. On joue sur une ressemblance et une dissemblance..
Au milieu, il y a ce personnage qui parle à la première personne et auquel le lecteur peut s’identifier.

TER_RECTRANGLE01Parlons-en. C’est un “guide”, une sorte de transfert du lecteur qui découvre, lui aussi, ce monde ?
R. Tout à fait. Je ne goute guère aux superhéros et à tous ses gens avec des collants d’opérette, qui font des bonds entre building. Je suis sensible à ce petit plus qu’à un individu basique, et ce petit truc qui peut en faire un héros dans une situation donnée. Là, on a créé un personnage qui “ressemble” à monsieur tout le monde. Un homme d’une trentaine d’année, plutôt beau gosse. Mais il n’a pas de langage, ce qui fait “idiot du village”. C’est petit à petit que la différence se fait. Avec le langage qu’il récupère, les images qu’il a dans la tête et qui relèvent de différentes choses viennent. Il peut raconter aux autres ce qu’il ressent.
C’est aussi une fable sur le langage. Sans langage, pas d’humanité. Ce personnage, retrouvant le langage, s’humanise. On va découvrir qu’il a une forme de message à faire passer aux autres.
Je trouve fascinant que cet individu lambda puisse avoir un secret enfoui, qui va se révéler petit à petit…

TER_SexyY’a t-il un thème messianique, avec cet homme, qui “revient de la tombe” et qui a pour mission de “guider le peuple” ?
R. Pour le coté “revenu des morts”, je dirais : “Ha ha, fausse piste”. C’est très bien qu’on ait la possibilité d’avoir différentes lectures.
Pour le reste, pourquoi pas… Je ne veux pas en dire trop, mais vous chauffer.

Même si ce n’est pas le sujet de l’album, il y a un érotisme soft, très sensuel, qui l’a fait penser au début de Manara.
C. D.A choisir, entre une scène de bagarre, où les gens se coupent en morceaux, et une scène érotique, je préfère dessiner une scène érotique. (Ha, ha)
Je trouve intéressant de commencer par une scène un peu “crue” pour la prêtresse Bes, cela donne une certaine image de ce personnage. Elle va prendre de l’épaisseur…

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Interview réalisée le 22 avril 2017, par Jacques Viel, pour « Un Amour de BD ».
Un grand merci à Christophe, Rodolphe et à Emmanuelle, pour les éditions Daniel Maghen


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