Envoyé par son employeur anglais couvrir les élections présidentielles au Nigéria, Guy Collins a la mauvaise idée de sortir seul, le soir, dans les rues de Lagos. Le concierge de son hôtel l’avait pourtant rassuré et mis en confiance en lui affirmant que le Ronnie’s est un endroit sûr, qui plus est fréquenté par de nombreux blancs, mais une fois sur place, Guy comprend qu’il s’est fait berné et sent très vite le coup fourré. Une impression renforcée par la découverte sur le trottoir devant le bar du corps d’une prostituée aux seins coupés. D’abord effaré, son instinct de journaliste reprend vite le dessus. Mais rester sur place jusqu’à l’arrivée de la police est une seconde très mauvaise idée. Embarqué manu militari, l’anglais découvre les charmes des commissariats nigérians et les méthodes radicales des forces de l’ordre. Sorti d’une geôle surpeuplée par la belle Amaka, il doit en contrepartie enquêter sur le meurtre dont il a été témoin et qui semble être lié à des pratiques de sorcellerie locales. Une mission qui s’avérera à la longue bien plus dangereuse encore que la prison, c’est dire…Oui, j’ai lu un polar nigérian, ça me surprend autant que vous. Mais si je me suis lancé, c’est parce que l’éditeur m’a gentiment proposé de rencontrer l’auteur lors du salon du livre et qu’il m’était inconcevable de me présenter devant lui sans avoir lu son ouvrage. Une sorte de lecture sous la contrainte donc (même si tout est relatif !) qui s’est révélée au final une très agréable surprise.
Il faut dire qu’il avait tout pour me plaire le Guy. Un pied nickelé du journalisme, naïf et maladroit, peu au fait des us et coutumes d’un pays au fonctionnement très différent de sa Grande-Bretagne natale. Second point positif, la délicieuse Amaka, déterminée, courageuse et n’ayant pas froid aux yeux. Rajoutez quelques politiciens et policiers véreux, des méchants aussi crétins que violents, une ambiance survoltée digne de Tarantino et une écriture tendue dont l’humour n’est pas absent et vous obtenez un cocktail détonnant à boire cul sec.
Leye Adenle ne se contente pas de proposer un polar pétaradant et sans temps mort. Il dénonce le traitement réservé aux femmes, l’écart monstrueux entre les plus riches et les plus pauvres, le poids de la religion, de l’argent et de la corruption dans la société nigériane. Son roman tient vraiment la route, il est solidement construit et sait vous agripper dès les premières pages. Après, ce n’est clairement pas le meilleur guide touristique pour le Nigéria, m'étonnerait qu'il donne envie aux occidentaux de se rendre dans son pays en en dressant un tel tableau. Mais peu importe, ce Lagos Lady me donnerait presque envie de mettre plus souvent le nez dans un polar, c'est dire s'il est efficace !
Lagos Lady de Leye Adenle (traduit de l’anglais par David Fauquemberg). Metailié, 2016. 332 pages. 20,00 euros.

