Bénis soient les enfants et les bêtes Glendon Swarthout

Bénis soient les enfants et les bêtes Glendon Swarthout
Il y a eu l’unique Homesman. Il y a eu l’inoubliable Le tireur. Deux coups de coeur en deux. Avec Bénis soient les enfants et les bêtes, l'atmosphère change et les années se rapprochent des nôtres. 

Ils sont à l’aube de l’adolescence ou ont un pied dedans. Ils viennent des quatre coins des États-Unis et ont grandi avec une cuillère d’argent dans la bouche. Ils font connaissance au camp de vacances Box Canyon Boys, en Arizona. Huit semaines loin de leur confort douillet pour laisser les parents voyager en paix. Ils sont là pour s’endurcir et devenir de vraiscow-boys.«Envoyez-nous un garçon, nous vous renverrons un cow-boy!», tel était le slogan du camp. Ainsi, chaque pensionnaire montait son propre cheval, dont il devait prendre soin. En vérité, tout ça n’avait pour but que d’instaurer une compétition. Ils arrivaient au camp garçons périls et surprotégés, avec une télévision à la place du cerveau et un nuage de fumée pour toute personnalité, et ils repartaient hommes en devenir. La compétition les aguerrissait et les mûrissait. Ils étaient peut-être des pleurnicheurs en arrivant, mais la compétition et les huit semaines de séjour et les seize cents dollars garantissaient le résultat pour lequel les parents avaient payé: une trentaine de cow-boys secs comme un coup de trique, à l’œil clair, au geste énergique, à l’esprit vif, à la bouche close.Parmi cette trentaine d'ados, ils sont six à se retrouver dans une cabane. Les poules mouillées, les mollassons et les morveux. Un moniteur lousse sur les bords veille sur eux d'un oeil mou.Quelques jours avant la fin des vacances, ils ont vu quelque chose qu’ils auraient préféré ne pas voir. Encore tout étourdis par cette vision cauchemardesque, ils se donnent une mission. Une de celles qui devrait les faire passer de zéro à héros. 

Cotton méditait. Est-ce le moment d’agir? Voilà ce avec quoi je dois composer: un gamin qui grince des dents, un autre qui se cogne la tête, deux qui font vraiment pipi au lit, un qui se ronge les ongles et qui mange comme quatre, et un dernier qui suce son pouce et qui fait des cauchemars. Et tous ne s’endorment que bercés par la radio et parlent dans leur sommeil. Je suis le seul de nous six qui soit normal, se dit-il. Je suis le seul capable de le faire. Et si je ne le fais pas maintenant, il sera trop tard. Je serai leur chef. Faut que je leur montre le chemin.

Cette escapade loin du camp changera leur vie à jamais. Les embûches, les hésitations, les complications débouleront sur eux. La vie leur donnera une leçon, de celle qu’aucun moniteur de camp ni parent n’auraient pu leur apprendre.Bénis soient les enfants et les bêtes Glendon SwarthoutPublié pour la première fois en 1970, Bénis soient les enfants et les bêtes a pris quelques rides, mais de celles qui marquent un joli visage. Le fond du roman est inspiré des aventures du propre fils de Glendon Swarthout en camp de vacances.La construction du récit m’a déroutée au début. Dans chaque chapitre, le présent alterne avec des passages en italique. Ces passages éclairent le passé des personnages et permettent de fouiller dans leur vie. Une fois acclimatée à cette construction, la cadence s'accélère.

La galerie de portraits est savoureuse et des plus éclectiques: du leader rusé aux frères qui se chicanent sans arrêt, en passant par le fils grassouillet d'un humoristejuif très populaire. Chacun a sa propre petite bête noire: suceur de pouce, suicidaire, pisseux de lit nocturne... Outre les personnages, la grande force du roman réside dans la tension permanente qui ne cesse d'enfler jusqu'à l'explosion finale. Qu’ont-ils vu ce fameux après-midi? Que s’apprêtent-ils à faire? Se déroulant sur quelques jours, l’unité de temps est très resserrée, créant un rythme intense, soutenu jusqu'à la toute fin.

Glendon Swarthout ne se gêne pas pour égratigner au passage cette société qui pousse les uns et les autres à entrer dans le moule et à marcher droit. Ici, heureusement, même les moins que rien peuvent devenir des héros.Ce portrait survolté de six «inadaptés» est magnifiquement porté par une histoire de dépassement de soi, de bravoure et de solidarité. Un roman d'initiation tragi-comique comme je les aime. Décidément, on est toujours en excellente compagnie avec un roman de Glendon Swarthout!Un film signé Stanley Kramer a été réalisé en 1971, sous le titre Bless the Beasts and Children.Coup de coeur pour Electra et un beau 8/10 pour mes échappées livresques.

Bénis soient les enfants et les bêtes, Glendon Swarthout, trad. Gisèle Bernier, coll «Totem», Gallmeister, 176 pages, 2017.

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois